Le premier portrait du néant
Un collectif de scientifiques a capturé la silhouette d’un trou noir situé à plus de 50 millions d’années-lumière de nous. C’est une première dans l’histoire de l’astronomie.
On dirait un oeil flou et flamboyant, une sphère noire entourée d’un anneau de feu.
L’image a fait le tour du monde : le 10 avril 2019, une équipe internationale de chercheurs a dévoilé la première photographie d’un trou noir.
Un trou noir, c’est un objet céleste très massif et compact, qui génère une gravité si forte qu’elle emprisonne la matière et la lumière qui passent à proximité.
Celui-ci se trouve au centre de la galaxie M87, à 53 millions d’années-lumière* de la Terre, dans la constellation de la Vierge.
Le projet Event Horizon Telescope (EHT) est à l’origine de cette prouesse technique. Huit télescopes et observatoires répartis autour du globe ont mutualisé leurs instruments pour créer une sorte d’immense télescope virtuel, qui a recueilli une combinaison complexe de signaux lumineux.
L’algorithme développé par la scientifique américaine Katie Bouman et son équipe a permis d’interpréter ces données et de reconstituer par ordinateur l’image finale du trou noir. Ou plutôt, l’image de la matière - gaz, restes d’étoiles - qui gravite autour du trou noir avant qu’il ne l’absorbe.
Ce cliché est la première preuve directe de l’existence des trous noirs.
Envisagés dès le XVIIIe siècle, prédits il y a cent ans par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein, modélisés numériquement pour la première fois en 1979 par l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet, ils n’avaient jamais été observés par un télescope.
Cette image ouvre la porte à de nouvelles recherches sur le champ magnétique des trous noirs, la gravité, la gravitation quantique.
Les chercheurs d’EHT prévoient de compléter leur réseau avec d’autres antennes, pour immortaliser les trous noirs avec une meilleure résolution d’image. Nous devrions ainsi bientôt découvrir le visage de Sgr A*, le trou noir qui se trouve au coeur de notre galaxie, la Voie lactée.
*une année-lumière représente environ 9460 milliards de kilomètres.
Photo : EHT Collaboration