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Le Val-d'Oise œuvre face à la délinquance routière dans les parcelles agricoles

Avec le retour du beau temps, les agriculteurs doivent faire face aux nombreux passages non autorisés de véhicules, notamment des motos, dans leurs parcelles causant parfois de lourds dégâts. La préfecture du Val-d'Oise a reçu les agriculteurs afin d'agir efficacement.

Lorsque les beaux jours arrivent, certains comportements illicites se multiplient à l'image des rodéos sauvages. « Ce qu'on appelle rodéos sauvages, c'est de la délinquance routière, soit en quad soit en moto ou avec les runs automobiles près de l'autoroute. C'est une caractéristique des départements de grande couronne », précise le préfet du Val-d'Oise, Philippe Court. Ces dernières semaines, les agriculteurs doivent faire face à de nombreux passages non autorisés de véhicules, souvent des motos et des quads. Il y a également de plus en plus de traces de 4x4 régulièrement depuis cet hiver.

« La lutte contre les rodéos, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, a toujours été une priorité et continue de l'être. Je ne distingue pas les deux qui sont générateurs de nuisances avec des risques pour les personnes. En milieu rural, il y a également des dégradations pour les exploitations agricoles », détaille le préfet du Val-d'Oise. Les dégâts peuvent être importants avec de nombreuses traces de roues, allant parfois jusqu'à la destruction de parcelles entières. Samedi 12 avril, Albéric Prieur, agriculteur à Louvres (Val-d'Oise), a par exemple vu le passage de plusieurs quads dans une parcelle ensemencée de betteraves moins de trois semaines avant. « Ce sont encore de toutes petites pousses donc ils arrachent tout avec leurs pneus », remarque-t-il.

Du côté des agriculteurs, certains estiment que les rodéos en zones rurales se multiplient depuis que l'État lutte activement contre les rodéos urbains. La généralisation de la vidéosurveillance dans les villes aurait donc pu déplacer le problème. « Je suis incapable de quantifier s'il y en a plus ou moins, mais c'est sûr qu'il y a une forme d'exaspération », décrit le préfet du Val-d'Oise. « Cela fait partie des actes de délinquance qu'on dit ne pas être de forte intensité, mais qui n'ont pas vocation à prospérer. Nous avons une dizaine de priorités en matière de sécurité dans le département, cela en fait clairement partie », ajoute-t-il.

Des craintes

Le week-end des 5 et 6 avril a marqué un point de non-retour. Certains agriculteurs ont dû faire face à plusieurs dizaines de motos sur leurs terres pendant de longs moments. « Dans le secteur Pays de France, nous avons eu énormément de soucis sur différents points plus ou moins connus. Il y a eu une remontée de mécontentements, et même de craintes », raconte Mathieu Boissy, le président du syndicat local.

Dimanche 6 avril dans l'après-midi, un agriculteur d'Asnières-sur-Oise (Val-d'Oise), excédé, a tenté de faire fuir les motards lui-même. Il a heurté l'un d'entre eux, le blessant à la cheville, et a donc été placé en garde à vue par les gendarmes venus à l'origine pour déloger les motards. Face au risque d'escalade, la préfecture du Val-d'Oise a pris le problème à bras-le-corps en recevant une délégation d'agriculteurs avec les forces de l'ordre pour réfléchir à la mise en place de moyens d'action.

« C'est un sujet traité avec énormément de sérieux et de sévérité pour interpeller sur le fait et constater l'infraction », précise le préfet Philippe Court. « Nous avons une politique extrêmement active en termes d'opérations. En 2024, les saisies d'engins motorisés dans le Val-d'Oise représentent près de 8 % des saisies à l'échelle nationale », ajoute-t-il.

Un réseau de correspondants

« C'était une réunion très constructive », estime Mathieu Boissy. Les agriculteurs ont notamment pu signaler la demi-douzaine de points noirs du département. « Notre chance avec la profession agricole, c'est que ce sont des acteurs qui connaissent leurs territoires, ce qui nous permet d'être efficaces dans notre action », estime Philippe Court.

Les services de la préfecture et la délégation d'agriculteurs ont convenu de mettre en place un réseau de correspondants permettant de mieux alerter et guider les forces de l'ordre. Ces correspondants auront un accès plus direct aux salles de commandement de la gendarmerie nationale (Centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie) et de la police nationale (Centre d'information et de commandement). Le but est d'être mieux identifié afin de permettre à ces services, qui agissent comme une interface permanente entre la population et les unités de gendarmerie ou de police, de bénéficier d'informations fiables.

« Le maître-mot est la proximité », juge le préfet du Val-d'Oise. « Sur ces actes de délinquance à caractère matériel, c'est une relation de proximité plurihebdomadaire voire quotidienne qui permet de faire les réglages. De manière générale, même un fait de délinquance qui peut donner le sentiment qu'il est léger doit être traité pour ne pas faire naître un sentiment d'impunité », détaille-t-il.

Ces référents, désignés par la profession agricole, permettront de signaler les points noirs aux services de l'État, et inversement à faire passer des messages aux agriculteurs. Cela à la fois sur les rodéos, mais également sur les dépôts sauvages ou encore sur du vol de matériel agricole. « La sécurité n'est pas le monopole de l'État », affirme Philippe Court. Et d'ajouter : « C'est un ensemble qui va du simple citoyen jusqu'aux services les plus spécialisés et jusqu'à la justice. La réussite du continuum de la sécurité, c'est que chacun joue son rôle. Quand on voit un rodéo, on fait le 17. Ça nous permet d'être efficaces ».

Des pertes en milliers d'euros

Il y aura une dernière utilité à ce système d'échange d'informations, celui d'aider à identifier les exploitants agricoles à qui un préjudice a été commis lors d'une interpellation. Cela va permettre à la victime, de la manière la plus rapide possible, de demander civilement le remboursement des dégâts lors des poursuites judiciaires.

Pour les exploitants agricoles, les dégâts de ces rodéos sauvages peuvent très vite chiffrer. Le moindre passage peut engendrer des pertes en milliers d'euros. « C'est comme s'ils prenaient votre salaire et qu'ils déchiraient vos billets un par un en vous regardant droit dans les yeux », image Laurent Chatelain, agriculteur au Thillay (Val-d'Oise) et victime de dégâts (voir son témoignage ci-dessous). Dans certains cas, les agriculteurs ont dû ressemer leur parcelle. En additionnant la perte de rendement due à un semis tardif, le préjudice peut se compter en dizaines de milliers d'euros.

La préfecture du Val-d'Oise devrait poursuivre sa lutte contre la délinquance dans les parcelles agricoles durant les prochaines semaines en menant des opérations ciblées avec appui aérien via drone ou hélicoptère. En cas de réussite du réseau de correspondants, il faudra surveiller si ce mode opératoire, basé sur du renseignement humain, pourra être étendu à d'autres départements. Le Val-d'Oise n'est effectivement pas le seul département touché par les rodéos sauvages en milieu rural.


Témoignage de Laurent Chatelain

« Ils roulent sur notre source de revenus »

Lundi 14 avril, au Thillay (Val-d'Oise). Les traces se multiplient sur les parcelles de Laurent Chatelain.

Laurent Chatelain est agriculteur au Thillay (Val-d'Oise). Il faisait partie de la délégation reçue par le préfet du Val-d'Oise jeudi 10 avril en tant que victime de ces rodéos sauvages. Dans le secteur entre Gonesse, Goussainville et Roissy-en-France, « nous sommes une petite dizaine à être impactés depuis cinq ou six ans », estime l'agriculteur. « Ils ne roulent pas juste dans l'herbe. Ce ne sont pas juste des parcelles. Ils roulent sur nos cultures, sur notre source de revenus », raconte-t-il.

Comme tant d'autres, Laurent Chatelain est découragé. Il a bien essayé de discuter avec les auteurs d'actes de délinquance : « Quand vous leur demandez de s'arrêter, certains passent à fond à cinq centimètres pour montrer qu'ils sont chez eux. Ceux qui s'arrêtent, vous leur demandez de rouler dans les chemins et pas dans les parcelles, ils disent "ouais, ouais, nous on ne fait pas les cons", mais en fait derrière ils détruisent tout ». Laurent Chatelain est également pépiniériste. « Ils ont déjà roulé dans les arbustes sans scrupules », déplore-t-il.

Lundi 14 avril, au Thillay (Val-d'Oise). Les traces se multiplient sur les parcelles de Laurent Chatelain.

« Ça soulage un peu », estime Laurent Chatelain à propos de cette réunion avec le préfet. Il a pu partager ses craintes, comprenant son confrère qui a tenté de chasser lui-même des motards : « On a tous failli le faire. Un agriculteur fatigué parce qu'il a travaillé toute la nuit, il voit ça un matin pas bien luné… Tout le monde peut avoir un coup de sang quand on n'est pas soutenu par la force publique ». Il espère que les actions de la préfecture seront efficaces, « mais ce matin (lundi 14 avril, NDLR), j'avais encore des passages de quads chez moi », regrette-t-il. 


Des saisies dans le Val-d'Oise

Dimanche 13 avril, dans le secteur de la forêt de Maubuisson (Val-d'Oise), les gendarmes de la compagnie de Pontoise ont saisi et immobilisé trois motos pour rodéo sauvage et défaut d’enregistrement.

Durant le week-end des 12 et 13 avril, un week-end moins ensoleillé que le précédent, la préfecture du Val-d'Oise a mené sept opérations pour lutter contre les rodéos sauvages à Asnières-sur-Oise, à Condécourt, à Frépillon, à Gonesse, à Goussainville, au Mesnil-Aubry et à la Plaine de Pierrelaye-Bessancourt. Cela a permis la saisie de cinq engins par les forces de l'ordre.

Au soir du dimanche 13 avril, les forces de l'ordre du Val-d'Oise avaient ainsi saisi 87 engins et réalisé 70 interpellations depuis le début de l'année 2025 à l'occasion de rodéos sauvages. Les données pour ce début d'année poursuivent celles de l'année 2024 où le département était le premier de France avec près de 8 % des saisies à l'échelle nationale.


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