Tour de plaine : vers un scénario catastrophe ?
Nous avons effectué un tour de plaine « virtuel » le 20 avril, avec les conseillères de la chambre d’Agriculture d’Eure-et-Loir, Pauline Levitre et Patricia Huet et l’élu en charge de l’agronomie et du conseil, Éric Maisons.
La campagne a mal commencé et cela ne s’arrange pas... Aux incessantes pluies hivernales succède une sécheresse dont on ne voit pas le bout.
« Le maître-mot pour les cultures d’hiver, c’est l’hétérogénéité. Elle est partout. Dans le département, de très belles parcelles en côtoient d’autres pour lesquelles nous sommes nettement moins optimistes », souligne la conseillère de la Chambre, Pauline Levitre, lors d’un tour de plaine « virtuel » effectué le 20 avril avec sa collègue Patricia Huet et l’élu de la Chambre en charge de l’agronomie et du conseil, Éric Maisons.
Selon lui, ces soucis se concentrent surtout sur ce qui a été semé après le 15-20 octobre : « il y a des endroits où cela va être la catastrophe. Je pense que l’on sous-estime l’état de la récolte. Certains vont faire leur potentiel de rendement et d’autres seulement la moitié. Nous sommes dans le pire scénario envisagé », pointe-t-il.
L’un des éléments qui a posé problème, c’est la fertilisation azotée : « vu les conditions, il y a des difficultés à faire porter l’azote avec l’absence de pluie. La bonne période a été très courte sans compter les soucis d’accès aux parcelles », relève l’agronome Patricia Huet.
Ensuite, c’est l’absence d’hiver qui a été préjudiciable : « nous constatons une forte pression insectes sur toutes les cultures.
Il y a par exemple des problèmes d’altises sur les cultures de lin que l’on n’arrive pas à gérer », note-t-elle. « Avec les altises, nous sommes vraiment sur des impasses qui remettent en cause la culture, ajoute Éric Maisons. Nous arrivons à des abberations, les gens sont passés cinq fois avec des insecticides sans trop de succès... À vouloir trop interdire, on finit par faire plus de mal ».
Autre souci d’actualité, la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) : « dans les orges d’hiver semées avant le 15 octobre, il y a plus de jaune que de vert, constate l’élu. Et cela risque de se voir bientôt sur le blé ».
Par ailleurs, des larves de grosses altises et des méligèthes ont été observées sur colza, sur ces dernières les traitements n’ont pas été très efficaces mais le froid les aurait calmées. Des pucerons cendrés ont été vus sur betteraves et sur le feuillage des céréales, sans dégâts constatés sur celles-ci pour le moment mais il est rare d’en voir autant à cette période.
Enfin, sur les cultures de printemps qui parviennent à lever, ce sont les oiseaux qui s’en donnent à cœur joie, secondés par les sangliers en particulier sur les parcelles de pois.
Si l’on se penche sur les cultures, le colza focalise l’attention : « c’est très compliqué, il n’est pas très bien enraciné du fait des excès de pluie et n’a pas connu de repos végétatif. Il a tout le temps poussoté et a donc eu du mal à repartir », relève Patricia Huet.
Un gradient est-ouest est observé avec du retard de floraison dans le Perche par rapport à la Beauce.
Globalement : « on voit peu de belles parcelles », note Pauline Levitre. Il faut dire que dans les sols limoneux, la sécheresse qui a suivi les pluies hivernales a créé une croûte : « c’est du béton et les racines sont dedans. Nous sommes typiquement dans ce que l’on craignait, ça ne respire pas », analyse Éric Maisons.
En blé : « Les semis ont été corrects jusqu’à mi-octobre mais beaucoup ont été faits dans de mauvaises conditions. Cependant, les stades avancent vite au détriment des talles et sont très variables allant de 2-3 nœuds à dernière feuille pointante. Ici aussi, l’épaisseur de la croûte de battance freine le développement dans les parcelles concernées », souligne Pauline Levitre.
Pour sa part, le désherbage est loin d’être satisfaisant partout : « par endroits, ça commence à briller », observe Éric Maisons.
Enfin, tandis que la pluie se fait attendre, les premières irrigations ont débuté en Beauce sur blé ou pour assurer la levée homogène des betteraves et du maïs voire pour pouvoir butter les pommes de terre...
Les peuplements sont plus réguliers en orge d’hiver qu’en blé. La douceur des température accélère la succession des stades. Les parcelles d’orge de printemps semée d’hiver sont moins nombreuses cette année et l’on y constate plus de rhynchosporiose. Celle semée de printemps l’a été dans de bonnes conditions de fin janvier à mars. Les levées sont parfois plus irrégulières dans les situations motteuses et sèches. La surface est plus importante, cette culture ayant servi à remplacer des colzas mal levés ou du blé non semé à l’automne.
Quant au maïs, les semis sont terminés en Beauce et dans le Faux Perche après plusieurs passages de herse rotative, les semis de maïs ensilage vont débuter.
Hervé Colin
Et en bio ?
La situation n’est pas meilleure en bio qu’en conventionnel : « les semis d’automne se font normalement plus tard, explique Pauline Levitre. En céréales et protéagineux ils ont été parfois fortement décalés et réalisés dans de mauvaises conditions. Comme ailleurs, les emblavements d’automne ont du être remplacés par des cultures de printemps. Et sur des sols refermés en surface, les interventions de désherbage mécanique sont particulièrement difficiles, les outils ont du mal à rentrer, ça part en plaque et ça arrache tout... »