Phytosanitaires : leur avenir discuté aux Universités du soir
L’avenir des produits phytosanitaires a été décortiqué en quatre temps par les Universités du soir à Chartres, le 3 juin.
« Au départ nous avions pensé consacrer ces Universités du soir au glyphosate et aux néonicotinoïdes mais nous nous sommes aperçus que le sujet était beaucoup plus vaste », a expliqué le secrétaire adjoint de la chambre d’Agriculture, Thibaud Guillou, en lançant cette vingt-et-unième édition le 3 juin, sur le thème donc de l’avenir de l’ensemble des produits phytosanitaires.
Une soirée en quatre temps, avec l’intervention du directeur scientifique de l’Inra, Christian Huyghe, celle de l’agronome Patricia Huet, le témoignage de trois agriculteurs et la conclusion du président de la Chambre, Éric Thirouin.
Et ce sont sans doute les témoignages de Nathalie Percheron, de Thierry Franchet et de Sébastien Lallier qui ont été les plus éclairants sur cette thématique. Tous trois se sont engagés à réduire leur usage des produits phytosanitaires et sont membres de groupes de développement.
« Je fais partie d’un groupe Dephy, a souligné Thierry Franchet, avec pour objectif la baisse de l’IFT (indice de fréquence de traitement). Chacun travaille sur ce qu’il a envie de travailler, c’est le point fort. Le groupe permet de conforter ses choix, on se sent moins seul. Le problème c’est que c’est une initiative du gouvernement mais sans moyens. Nous testons des choses, nous prenons des risques mais nous manquons de soutien ».
Pour parvenir à utiliser moins de produits, les trois exploitants actionnent différents leviers.
Certains se sont formés aux techniques de l’agriculture de conservation, décalent leurs semis, font des associations de cultures et tous ont allongé leur rotation : « il y a des cultures qui sont moins rentables mais si elles permettent de réduire les coûts d’exploitation, c’est bien. Il faut gérer sur la rotation, pas sur chaque culture », a souligné Sébastien Lallier.
Pour Nathalie Percheron en revanche : « allonger la rotation c’est bien mais il faut réussir à vendre la culture. Il y a une recherche de rentabilité », a expliqué l’agricultrice qui a cultivé du chanvre durant quatre ans mais qui n’a pas fini de le commercialiser...
Quand Thibaud Guillou leur a demandé s’il pouvaient réussir à se passer d’herbicides, ils ont été unanimes : « Nous arrivons à baisser la pression mais nous avons toujours un minimum d’herbicide. Sans je ne sais pas faire. On n’y arrivera pas si on va trop rapidement », a pointé Thierry Franchet.
« Sans herbicide, je ne sais pas faire non plus », a ajouté Nathalie Percheron.
« Je n’ai pas de solution sans herbicide, ça devient du bio, a estimé Sébastien Lallier. Je n’imagine pas aller dans ce sens sans introduire d’autres cultures type prairie ou luzerne et ça pose la question de l’élevage... »
Avant cela, au début de la réunion, Christian Huyghe a rappelé que la baisse de l’usage des produits phytosanitaires passait par un consentement à payer des consommateurs mais que baisser de quelques pourcents ne résoudrait pas les problèmes environnementaux et de santé .
Ensuite, l’agronome de la Chambre, Patricia Huet, a fait un tour d’horizon des solutions techniques. Certaines sont facilement mobilisables, comme les choix variétaux, d’autres font appel à des combinaisons de leviers et les plus complexes nécessitent de revoir le système en profondeur. Toutes sont expérimentées par la Chambre qui en livre les résultats chiffrés.
En conclusion, Éric Thirouin a dit n’être pas toujours d’accord avec Christian Huyghe mais qu’il préférait discuter avec un scientifique plutôt qu’avec des personnes qui ne sont pas sur ces bases-là.
Pour lui : « il y a des attentes sociétales, il y a de la recherche approfondie mais c’est un temps long, parfois quinze ans pour obtenir un résultat, il y a un travail réalisé par les instituts techniques et une déclinaisons par les chambres d’Agriculture. Tout ça est complémentaire pour arriver à l’appliquer. Mais le problème c’est que les politiques veulent que le sondage de la semaine suivante soit meilleur... Il faut redonner à la société la capacité de comprendre qu’entre les attentes et la capacité à y répondre et bien il faut des délais, il faut des moyens et de la valorisation ».
C’est pourquoi, avec un quarantaine de partenaires, un Contrat de solutions a été élaboré, Éric Thirouin en est l’un des architectes.
Il explique : « Ce Contrat de solutions, créé il y a deux ans, a pour vocation de dire à la société que l’on avait compris ses attentes et que l’on faisait tout pour y répondre mais qu’il nous faut du temps et il est hors de question d’avoir des interdictions avant de connaitre les solutions. On s’investit à fond pour les trouver. Aujourd’hui nous en sommes à une soixantaine de fiches de solutions et nous allons en sortir une douzaine d’ici juillet. D’autre part, nous avons une demande forte de soutien et il ne faudrait pas que ce soit pris sur les financements de la Pac. Et à l’heure où l’on parle, le zéro phyto ce n’est juste pas possible ».
Hervé Colin