Marché français du lait : Les industriels craignent la non répercussion des prix à la hausse
Après deux années de surproduction laitière (2014 et 2015), le marché européen et mondial bascule désormais dans un nouveau cycle.

Partout en Europe, la baisse de la production est constatée et s’accompagne d’une remontée des prix. En France, les industriels restent néanmoins préoccupés de savoir si cette hausse généralisée sera répercutée à l’ensemble de la filière. Amorcée depuis le mois de juin, l’Europe connaît une baisse notable de sa production de lait. A titre indicatif, les volumes produits ont diminué de 400 millions de litres en octobre 2016, par rapport à octobre 2015. Ce recul va continuer d’opérer dans les prochains mois assurent les représentants de l’industrie laitière. Cette nouvelle conjoncture a généré une hausse rapide des cotations depuis l’été, en particulier sur le segment « beurre et fromage industriels ». Mais en France, l’incertitude prédomine quant à la répercussion de cette hausse dans les contrats passés entre industriels et distributeurs et donc entre les industriels et les producteurs. « L’inquiétude se cristallise sur la capacité à répercuter les hausses », déclare Olivier Picot, président de la Fédération nationale des industries laitières (Fnil) à l’occasion d’une conférence tenue le mercredi 7 décembre. Cette période hivernale s’avère être une période clé dans la négociation entre ces deux opérateurs.
Les industriels dénoncent les travers de la LME
« A partir du 1er octobre, chaque industriel envoie ses tarifs à son ou à ses distributeurs. Le 1er décembre marque la fin des envois. Ensuite, les négociations commencent », explique Gérard Calbrix, directeur des affaires économiques à l’Association des transformateurs de lait (Atla). En France, les « produits grande consommation » ou PGC correspondent aux produits négociés avec la grande distribution que l’on retrouve ensuite dans les étalages. Ces PGC, représentant près de 40 % du marché du lait sur le territoire, sont négociés annuellement au mois de février. Deux points inscrits dans la loi de modernisation de l’économie (LME) sont critiqués par les industriels. « L’autorisation à la discrimination des prix dans les pratiques commerciales et la possibilité de vendre à perte », souligne Olivier Picot. Afin d’éclaircir ces propos, prenons un cas concret : un industriel peut vendre un même produit à un prix différent (prix A pour Leclerc et prix B pour Carrefour). Si cet industriel le vendait hier 10 euros à Leclerc et qu’aujourd’hui dans l’optique d’une renégociation, il le propose à 12 euros, Leclerc peut refuser le nouveau tarif en prétextant qu’il n’est pas sûr que son concurrent direct (Carrefour) l’est accepté aussi. Résultat, la négociation bloque. L’autre point, sujet à de vives réprobations, concerne la vente à perte. « Aujourd’hui un distributeur qui achète 10 euros un produit chez un industriel peut le revendre à 10 euros au consommateur », développe Gérard Calbrix. Cela équivaut exactement, selon eux, à vendre à perte. Les industriels laitiers demandent la remise en place d’un seuil de revente à perte (SRV) qui existait avant l’instauration de la LME en 2008. « Ce seuil oblige à l’existence d’une marge incompressible », précise Gérard Calbrix. Une sécurité qui évite au distributeur de devoir grignoter ses marges négociées avec l’amont de la filière. Cette négociation entre industriel et distributeur demeure cruciale pour les producteurs. En effet, ces derniers doivent dépendre, une fois de plus, de la réussite de l’accord pour oser espérer récupérer un peu de valeur en bout de chaîne.
Pénurie en matière grasse et déstockage de poudre
La baisse de production à l’échelle mondiale engendre un déficit sévère en matière grasse. Les prix s’envolent en conséquence. En l’espace de six mois seulement, le prix de la tonne de beurre industrielle est passé de 2 500 euros en moyenne à 4 500 euros. En poudre de lait, les prix montent eux aussi mais de manière plus mesurée. « Les stocks en Europe restent importants », évoque Gérard Calbrix. Près de 350 000 tonnes (soit près de 4 milliards de litres de lait) achetées en intervention par la Commission européenne sont toujours immobilisées. La Commission a d’ailleurs décidé d’ouvrir les adjudications il y a deux semaines dans le but de désengorger les stocks. Certains acteurs dénoncent une remise sur le marché prématurée dans un contexte de prix de la poudre déjà déprimé (aux alentours de 2 000 euros la tonne contre 3 000 euros les bonnes années). D’autres expliquent que la Commission, par ce choix, ne souhaite pas une reprise trop brusque des cours.
Avantages offensifs sur le CETA
Relatif au traité de libre-échange avec le Canada (CETA), les industriels laitiers se montrent extrêmement favorables. Pour l’Union européenne, « un marché de 18 000 tonnes de fromages à l’export se présente », observe Gérard Calbrix. La France représenterait près de 40 % de ce quota. L’entrée en application du traité prendra effet à compter du 1er mars 2017.