Technique
Les Rendez-vous des Techniques Culturales Sans Labour 2014
Parfois pratiquées par défaut lorsque le labour n'est pas possible (en sols secs et en fonction des cultures), les Techniques Culturales Sans Labour sont chez certains d'entre vous un choix réel.
Depuis 2010, la chambre d'agriculture du Loiret, avec l'appui des GDA, organise les Rendez-Vous des TCSL sur tout le département. Ces tours de plaine spécifiques sur le travail du sol réunissent dix à vingt agriculteurs qui viennent échanger autour de la pratique d'un agriculteur de leur secteur. Lors de cette demi-journée sur le terrain, l'agriculteur hôte présente son matériel, ses difficultés rencontrées et les solutions techniques trouvées pour y répondre. Les échanges sont alimentés par des profils culturaux (description de l'impact des outils sur la structure du sol, observation de l'enracinement de la culture, ...) et la mesure d'indicateur de la vie biologique du sol (comptage de vers de terre). Ces discussions permettent à chacun d'évoluer dans leurs propres pratiques.
En 2013, huit « Rendez-Vous TCSL » ont été organisés de mars à novembre, et ont rencontré un vif succès. Cette année encore la chambre d'agriculture vous propose au printemps six « Rendez-Vous TCSL » pour remettre l'agronomie au coeur de votre métier. Ce printemps nous pourrons observer ensemble les qualités d'implantation des colzas et céréales et mesurer l'impact des chantiers de récolte maïs réalisés en conditions limites sur la structure du sol.
Que vous soyez débutant, expérimenté ou simplement curieux, venez participer à ces « Rendez-vous TCSL ».
En 2013, les GDA du Loiret ont organisés deux visites d'exploitations, dans des départements limitrophes, pour découvrir des expériences réussies « d'Agriculture de Conservation ». Voici un résumé de ces visites.
L'expérience de l'Agriculture de Conservation en Sologne et en Val de Loire.
Le 24 mai, à l'initiative des GDA du Loiret, un groupe de 40 exploitants est venu découvrir la mise en oeuvre de l'agriculture de conservation sur les exploitations de Frédéric THOMAS à Dhuyzon et Christophe PIOU à St-Laurent-des-Eaux et à St Claude-de-Diray. Ils gèrent en commun environ 600 ha.
Des sables sur argile hydromorphes en Sologne et des sables sains dans le val de Loire
En Sologne, les rendements du maïs en non irrigué varient de 40 q/ha (en dérobé, semé fin juin) à 90 q/ha. Le triticale atteint en moyenne 50 q/ha. Le maïs est récolté avec des chenilles pour préserver la structure du sol. Dans le Val de Loire, de très bons résultats sont obtenus avec l'irrigation en maïs en culture principale voire en 2ème culture.
Les motivations : Rendre fertile et rentable des sols pauvres.
Les sols de Sologne sont assez pauvres en éléments minéraux excepté pour le phosphore (enrichissement historique avec les scories). La teneur en matières organiques est faible (1,5 à 2 %) le ph est acide entre 5,5 et 6.
Des rotations longues et variées
Dans le Val de Loire, Christophe PIOU alterne avec plus de 18 cultures différentes (avoine, blé tendre, blé dur, colza, lin, luzerne, maïs, millet, orge d'hiver, orge de printemps, pois, sarrasin, seigle, sorgho, soja, triticale) et une dizaine d'espèces combinées avec légumineuses en inter-culture (avoine, cameline, féverole, lentilles, phacélie, pois fourrager, radis, sarrasin, tournesol, trèfle, vesce) ce qui permet des rotations très longues et diversifiées. Les cultures sont semées dans le couvert. Le désherbage suit juste après.
L'hydromorphie des sols est réduite par la présence des couverts (trèfle violet). Ceux-ci assèchent le sol et permettent une fissuration des argiles en profondeur.
Pour les semis, il existe une grande flexibilité. Le choix de la culture semée (solo ou en mélange) dépend de la période à laquelle il est possible de rentrer dans la parcelle. Si la culture ne peut pas être récoltée (salissement, mauvais développement), elle sera détruite et une nouvelle culture sera implantée. La diversité des cultures permet d'avoir des semis tout au long de l'année.
Les semis de céréales sont réalisés en mélange de variétés (EUCLIDE, SOISSONS, APACHE, ...).
Jusqu'à 5 récoltes en 3 ans
Deux cultures par an sont souvent récoltées. Derrière orge ou pois d'hiver, il sème du sarrasin, du tournesol ou du maïs précoce. Exemple : 2010 : maïs grain 130 q/ha / 2011 : orge d'hiver (80 q/ha) puis tournesol précoce (20 q/ha) / 2012 : pois d'hiver (40 q/ha) puis maïs précoce (80 q/ha).
Semis du colza avec des plantes compagnes
Le colza est semé avec d'autres espèces (lentilles, fenugrec, gesse). Il se développe mieux et cela permet de limiter le désherbage (rendement du colza de 22 q/ha en 2012).
Une fertilisation organique depuis 10 ans
Depuis dix ans des apports organiques sont réalisés à raison de 30 t/ha de compost tous les trois ans. Les deux agriculteurs ont monté leur propre plate-forme de compostage, avec un salarié à temps plein, alimentée par des déchets verts, des boues de stations et divers produits.
La fertilisation minérale est gérée avec de l'azote soufré. Aucun complet n'est utilisé sauf en localisé à faible dose sur la ligne de semis pour le maïs.
Un parc matériel simplifié pour 600 ha
Le semis des céréales et des couverts est assuré par un semoir type DP 12 à la volée à l'avant du tracteur (pneumatique) et équipé de bêches roulantes à l'arrière (COMPIL de chez DURO). Le semis maïs et tournesol est réalisé avec un combiné Strip till DURO + semoir GASPARDO à disques ouvreurs. Aucun déchaumage, ni travail profond, n'est jamais pratiqué.
Les avantages du système de culture :
- Portance des sols nettement améliorée : au printemps 2013 en Sologne, les maïs ont pu être semés au Strip-till début mai, alors que les parcelles voisines en labour ne pouvaient toujours pas l'être fin mai.
- Meilleur enracinement.
- Meilleure résistance à la sécheresse.
- Coût d'implantation réduit.
- Enrichissement du sol en azote (inter-cultures avec légumineuses) et en carbone.
Les freins du système et difficultés rencontrés :
- Amélioration lente, nécessité de faire des apports organiques importants (composts).
- Sol non travaillé plus compact, se réchauffe moins vite qu'un système avec labour (minéralisation plus lente).
Les facteurs de réussite :
- Le strip-till sécurise l'implantation des cultures de printemps (maïs et tournesol).
- Le compost est indispensable à la vie biologique du sol. Les cultures intermédiaires y contribuent aussi. La vie biologique permet d'avoir une structure du sol plus stable et un enracinement plus profond dans les argiles.
Semis direct avec couverts en inter-culture dans l'Essonne : De bons résultats après dix ans de pratique
Le 26 juin, à l'initiative du GEETA de Pithiviers, un groupe de 15 exploitants passionnés est venu découvrir les résultats de Ludovic JOIRIS à CORBREUSE (91) qui pratique l'agriculture dite « de conservation » avec en particulier des semis directs sans aucun travail du sol depuis dix ans.
L'exploitation :
Les terres : 250 ha à CORBREUSE (Essonne, 20 km à l'ouest d'Etampes). Pas d'irrigation, sols argilo-limoneux à limoneux battants.
Les cultures : blé tendre, colza, lin oléagineux de printemps, pois fourragers porte-graine, féverole, cameline, chanvre et porte graines pour ses propres semences d'inter-culture (phacélie, radis, fenugrec...).
Historique
La réflexion vers les techniques sans labour débute en 1992 avec la battance des sols en labour (taux de matières organiques de 1,5 %). Après dix années de TCSL avec des soucis croissants de maîtrise des adventices (vulpins, ray-grass) et de sols fermés froids et une battance persistante, il choisit en 2002 de passer au Semis Direct pour améliorer le fonctionnement du sol en favorisant la vie biologique (vers de terre) et pour limiter le salissement (ray-grass résistant).
Une adaptation des cultures a été nécessaire : allongement de la rotation (près de dix cultures) et alternances des semis d'hiver et de printemps / abandon du maïs et de l'orge de printemps / introduction du lin de printemps (implantation facile en SD).
L'orientation vers le lin a été aussi l'aboutissement d'une réflexion pour valoriser les productions de la ferme. L'expérience de production d'huile de colza en 2007 avec un groupe de dix agriculteurs a servi à s'orienter vers une production d'huile à la ferme.
L'orientation générale de l'exploitation peut se résumer par la recherche d'une production de qualité menée à l'économie et valorisée avec des produits finis vendus directement aux consommateurs.
La production d'huile :
Ludovic transforme en huile sa production de lin (50 ha), de chanvre et de cameline qu'il commercialise directement à la ferme et via internet. Il produit environ 100 000 l/an dont 8 000 l d'huile pour l'alimentation humaine. Une partie de l'huile est transformée en savon mou ou liquide, et en encaustiques (cires, etc. ...).
Le matériel utilisé
Le parc matériel est peu important au regard de la surface cultivée (pas de gros tracteur).
- 2 semoirs pour semis direct : semoir JOHN DEERE 750 A de 3 m à disques (grosses graines de céréales, féveroles et pois) semoir AMAZONE 601 PRIMERA de 6 m à socs étroits (couverts et des petites graines (lin et cameline))
Remarques : Les deux semoirs sont équipés d'une double trémie pour incorporer de l'engrais sur le rang. Le Semeato a été abandonné. Il posait des difficultés pour le semis des petites graines (colza). Les disques entrainaient de la paille dans le rang.
- Rouleau TECHMAGRI 3 m pour écraser les couverts, positionné à l'avant du tracteur lors des semis. Ce rouleau est rempli d'eau pour accentuer son action sur les couverts par son poids.
- Epandeur trainé ancien type DP 24 m pour les semis d'inter-culture le matin de la moisson du blé (la semence de couverts est seulement recouverte par les pailles broyées et les menues pailles).
La conduite des cultures
Ludovic JOIRIS ne prépare pas le sol avant le semis. Il réalise des semis précoces dans des couverts encore vivants, puis quelques jours après le semis, il applique un désherbant à faible dose, avant la levée de la culture. Le passage du pulvérisateur se fait toujours dans les mêmes traces de roues pour éviter de multiplier les tassements.
Il recherche la diversité et sème si possible toujours un mélange de variétés (3 à 4 minimum pour le blé et le colza) ou un mélange d'espèces (colza + trèfle blanc) pour gérer l'inter-culture sans ressemer à la moisson.
Il utilise le moins possible de traitements fongicides et insecticides (raisonnement par rapport aux sensibilités des variétés) et s'adapte à l'année selon le climat.
Exemple de conduite du blé : Le blé est semé sous couvert de légumineuses (pois et féveroles semé à l'inter-culture). Il est systématiquement semé en mélange de variétés (semis précoces : Euclide, Campéro, Arezzo ; semis tardifs : Allez-y, Koréli, Bermude, Expert) entre 300 et 330 grains/m². Le blé ne reçoit qu'un seul fongicide et aucun régulateur. Après moisson, un couvert en mélanges d'espèces est implanté (crucifère (navette) + légumineuse + phacélie + graminée (triticale)).
Les points forts du système
- Une grosse économie sur les charges de matériels.
- Des sols vivants,
- Des rotations longues avec cultures et inter-cultures diversifiées.
- Une maîtrise des adventices plus facile en SD au bout de dix ans qu'en TCSL avec travail superficiel.
- Les apports de compost + inter-cultures ont fait passer le taux de matière organiques de 1,5 à 2,6 %.en 20 ans
- Moins de battance en surface.
- Des sols très portants, bien prospectés
Les points faibles mal maîtrisés
- Développement des campagnols certaines années, favorisés par les couverts (pose de piquets pour les rapaces, utilisation d'un Rodenator ponctuellement, et projet de replanter des haies). Le semis de mélilots en inter-culture va être testé. Cette plante aurait un effet répulsif contre ces rongeurs.
- Maîtrise des chardons.
- Limaces toujours présentes. Souhait de ne jamais utiliser d'anti-limaces. Objectif vivre avec. Viser un équilibre et une régulation naturelle par les carabes. Utiliser les inter-cultures et les plantes campagnes plus appétentes que la culture semée (trèfle avant blé).
- Recherche pour réintroduire le maïs grain (variétés à forte vigueur de départ, strip-till ?).