Dans l’Orléanais, les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme
Ce premier volet d’une tournée à travers le département donne la parole aux agriculteurs. Dans le secteur de l’Orléanais, ces derniers font face à un étau financier et climatique, entre météo capricieuse et flambée des coûts de production. Nous avons rencontré quatre d’entre eux.
Ce premier volet d’une tournée à travers le département donne la parole aux agriculteurs. Dans le secteur de l’Orléanais, ces derniers font face à un étau financier et climatique, entre météo capricieuse et flambée des coûts de production. Nous avons rencontré quatre d’entre eux.



Dans l’Orléanais, les agriculteurs doivent composer avec une caractéristique bien connue de la région : des sols intermédiaires à dominante argileuse. Ce type de terre a un inconvénient majeur en période hivernale, il retient l’eau et met beaucoup de temps à ressuyer après des précipitations importantes. Résultat, dès qu’une période de fortes pluies s’installe, à l’instar de ces derniers mois, les champs deviennent impraticables, empêchant les semis et retardant les interventions essentielles à la bonne croissance des cultures.
Pour les jeunes installés, ces difficultés sont encore plus lourdes à porter. Ils doivent non seulement faire face à ces aléas climatiques, mais aussi absorber des coûts d’installation élevés et rembourser leurs premiers investissements, sans forcément avoir encore constitué de trésorerie pour faire face aux imprévus. « Quand on démarre, on n’a pas le droit à l’erreur, et avec une météo aussi capricieuse, on se retrouve rapidement en grande difficulté », confie Julien Lecointe, 30 ans, agriculteur dans le secteur de l'Orléanais.
Flambée des coûts
En 2023, le principal problème était le coût élevé des intrants, impactant directement la rentabilité des exploitations. En 2024, si les prix se sont légèrement stabilisés, c’est la chute des rendements liée aux conditions climatiques difficiles qui est venue aggraver la situation économique des agriculteurs. « Je me suis installé en novembre 2022, ma première récolte en 2023 a été un véritable choc. Les prix avaient doublé, suivis en 2024 d'une année climatique compliquée, cela a encore aggravé la situation avec des rendements catastrophiques », témoigne Julien. Mais même ceux qui sont installés depuis plusieurs années peinent à suivre. « Même avec une trésorerie, c’est compliqué. Les charges ont tellement augmenté que nous sommes obligés d’emprunter pour payer les impôts et la MSA », se désole Hervé Beulin, agriculteur à Traînou.
Une fragilité grandissante des exploitations
Installé depuis un an, Damien Rocher, agriculteur à Fay-aux-Loges, mesure déjà la fragilité de sa situation : « Heureusement, ma banque m’a assuré qu’elle ne me laisserait pas tomber cette année. Mais je leur ai demandé : si l’année prochaine est aussi mauvaise, que va-t-il se passer ? Ils m’ont laissé entendre que si la situation ne s’améliore pas, cela pourrait devenir compliqué ».
Comme lui, de nombreux exploitants se retrouvent dans une incertitude grandissante sur leur capacité à tenir en cas de nouvelles mauvaises récoltes.
Des charges foncières et des fermages en hausse
En plus de la pression des charges et des coûts de production, les agriculteurs doivent aussi faire face à la hausse des fermages, qui ont augmenté de 5,63 % en 2023 et de 5,23 % en 2024, soit une hausse totale de 11 % en deux ans. Cette augmentation est directement liée à l’indice national des fermages, qui suit l’évolution de l’inflation et des revenus agricoles.
Face à cette hausse, un dégrèvement des taxes foncières de 35 % a été mis en place, représentant une aide moyenne de 15 euros/hectare. Mais pour Hervé Beulin : « Cette aide ne fait que compenser l’augmentation des fermages sur les deux dernières années ».
Des cotisations MSA qui pèsent lourd
Les cotisations sociales à la MSA, qui s’ajoutent aux charges déjà élevées, représentent un poids particulièrement lourd d'après les quatre agriculteurs. « On a fait une bonne année en 2022, mais finalement, ça nous pénalise. Nos charges et nos cotisations sont calculées sur cette année-là, et maintenant que les récoltes sont mauvaises, nous devons toujours payer des montants élevés », déplore Benoist Bertheau, lui aussi agriculteur dans l'Orléanais. « C’est un cercle vicieux. Nos bonnes années ne nous profitent pas, elles nous plombent pour les suivantes. On nous fait payer des charges basées sur des revenus que l’on n’a plus », souligne Hervé Beulin.
Face à cette situation, tous s’interrogent : le système de cotisation ne devrait-il pas être revu pour mieux s’adapter aux réalités économiques du secteur agricole ?
Aucune marge de manœuvre
Alors que l’on demande aux agriculteurs de s’adapter au changement climatique, ils se retrouvent financièrement incapables de le faire. « Pour compenser les aléas climatiques, nous avons besoin d’irrigation quand il fait sec, de matériel différent quand il pleut trop. Mais nous voyons bien que nous devons réinvestir pour s'adapter, et nous ne pouvons pas », explique Hervé Beulin. Lorsqu’on leur demande s’ils bénéficient d’aides pour faire face à ces difficultés, le silence s’installe. Puis tous se regardent et répondent d’une seule voix : « Non ». Pris en étau entre des coûts de production qui explosent et des conditions climatiques de plus en plus imprévisibles, les agriculteurs de l’Orléanais peinent à envisager l’avenir avec sérénité. Chaque année apporte son lot de défis : flambée des prix des intrants, météo extrême, volatilité des marchés et réduction des marges.
À l’instar des quatre agriculteurs rencontrés, beaucoup se battent pour trouver des solutions, optimiser leurs cultures, diversifier leurs activités, mais le manque de soutien et la pression économique les placent dans une situation de plus en plus fragile.
Face à cette réalité, une question se pose désormais avec urgence : jusqu’à quand pourront-ils tenir ?