Les excès tuent, pas la viande !
Evènement. La conférence-débat sur la viande s’est tenue jeudi 28 avril à Orléans.
Jeudi 28 avril, l’Amoma, (Association des Membres de l’Ordre du Mérite Agricole) a organisé une conférence-débat consacrée à la viande qui s’est déroulée à la Cité de l’Agriculture à Orléans sous la présidence de Claude Fouassier.
Le but de cette conférence-débat était de sensibiliser le public sur la complexité de la filière. « On utilise souvent l’expression de la fourche à la fourchette car dans notre filière on part d’un animal vivant à un morceau de viande qui se retrouve dans votre assiette » explique Jean-Claude Prieur, polyculteur-éleveur et animateur de la conférence. « Entre les deux il s’est passé beaucoup de choses. Lorsque je fais partir un animal vivant de 860 kg, l’abattoir n’en ressort que 460 kg et quand on enlève les os et la graisse, il reste 330 kg de viande, 40 kg de première catégorie et 12 kg de filet » poursuit-il.
Des abus dans la vulgarisation
L’idée de ce débat était donc de revaloriser la place de la viande dans la société. Pour cela, Pierre-Michel Rosner, directeur du centre d’information des viandes (CIV) a souligné deux points importants. « Comme on veut vulgariser certains sujets pertinents, on en arrive à perdre la notion de réalité. Il y a deux grands risques dans la vulgarisation :
- Généralités abusives : « Parler d’élevage en général et prendre un cas très particulier pour illustrer ses propos » précise-t-il. Par exemple l’impact de l’élevage sur le climat est extrêmement fort car il y a des émissions de méthane. « Oui, mais cela ne concerne que les ruminants ! » insiste-t-il. Autre exemple, les conditions d’élevage. « Les images qui sont diffusées sur les élevages très intensifs et qui font polémiques, ça existe aux Etats Unis. En France, ça n’existe pas. Il y a des différences de pratiques entre les élevages mais il faut quand même rappeler qu’en France, selon une étude de l’institut de l’élevage sur l’alimentation en ressources fourragères des bovins viandes, 93% de l’alimentation des bovins viandes français, élevé, né et abattu en France, provient des prairies » affirme-t-il.
- Simplification : Pierre-Michel Rosner revient sur un chiffre souvent donner à titre d’information. Les fameux 15 000 L d’eau pour produire 1kg de viande. Une étude a été réalisée en 2006 mais la méthode utilisée n’est pas la bonne. « Il y a eu simplification pour obtenir ce chiffre. La méthode utilisée était élaborée pour le monde industriel » précise-t-il. Pour une industrie, c’est facile, il suffit de mesurer les entrées et les sorties d’eau, donc l’eau de pluie. « Cette méthode a été appliquée aux bovins sans avoir été modifiée. Du coup, toute l’eau de pluie qui tombe sur les parcelles herbagères où broutent les animaux a été comptabilisée » explique-il. L’eau de pluie s’infiltre dans le sol ou s’évapore. C’est la raison pour laquelle, les chiffres sont incroyablement élevés ! Des chercheurs ont refait des travaux sur la question et des sommes, non négligeables, ont été trouvées. « Il faut entre 250 et 500 L d’eau pour produire 1 kg de viande » souligne-t-il. Pierre-Michel Rosner donne un autre exemple de simplification sur les gaz à effet de serre. « Les bovins émettent du méthane car ils broutent puis ruminent. Pour calculer les émissions, une méthode simple a été prise en compte mais les cycles biologiques de l’animal ont été occultés » poursuit-il. En 2014, une étude a montré que 80 % du méthane émis était compensé par la fixation de carbone des plantes présentes dans les parcelles où se déplacent et se nourrissent les vaches.
Ne pas confondre écologie et environnement
« L’environnement c’est tout ce qu’il y a autour et tout ce qu’il n’y a pas dedans. L’écologie c’est l’interaction des êtres vivants au milieu extérieur » rappelle Christophe Bressac, maître de conférences à l’Université François Rabelais de Tours, département professionnel Agrosciences.
Pour étudier l’impact environnemental d’un animal, il faut réaliser un bilan. « Il faut mesurer ce qui rentre et ce qui sort. Prenons la problématique azote et phosphore qui se trouve dans l’alimentation de l’animal » explique-t-il. A noter que le cochon ne peut métaboliser l’azote que si ce sont des protéines, contrairement à la vache.
« Par exemple, avec 300 kilos d’alimentation donnés au cochon soit 7,9kg d’azote, on ressort 720 kilos de lisier soit 5,3kg d’azote et 110 kilos de porc vif soit 2,6kg d’azote. Pour une vache, c’est différent, il faut incorporer l’environnement dans son bilan » poursuit-il.
La pollution, c’est le déséquilibre du milieu, soit on ajoute quelque chose au milieu, soit on le retire. « En production caprine, pour produire 1000 litres de lait conventionnel on va utiliser beaucoup moins d’énergie que pour produire 1000 litres de lait bio. L’élevage biologique sur ce type de raisonnement pollue plus que le conventionnel. De même qu’une ferme de 1000 vaches aura beaucoup moins de rejets que 5 fermes de 200 vaches ou 10 fermes de 100 vaches » assure-t-il en parlant d’un côté environnemental.
Le gaz à effet de serres augmente la température de la terre. Mais sans cela, il faut savoir que la température moyenne sur la terre serait de -18°C, il n’y aurait donc pas de vie sur terre. « L’effet de serre est indispensable à la vie. Il faut rappeler que seulement 12,5% des émissions de gaz à effet de serres sont dus au milieu agricole. Sans vache, il n’y aurait pas de prairies. L’activité agricole est une source et un puits de gaz à effet de serres » précise-t-il.
52 g par jour
Le rapport de l’OMS sur le lien entre la viande et le cancer avait inquiété le grand public. « Encore une fois, on confond danger et risques. Prendre l’avion est dangereux car si on a un accident en vol, on s’écrase, on meurt mais il y a pourtant beaucoup plus de risques à prendre la voiture même si l’accident ne sera pas forcément mortel » explique le directeur du CIV.
Il faut savoir qu’une hausse de 100g de viande rouge par jour induit un risque supplémentaire de cancer de 17%. La consommation moyenne de viande rouge en France est de 52g par jour. Il faudrait donc multiplier sa consommation par 3 pour qu’il y ait un danger. La consommation de la viande en France est en baisse depuis ces 30 dernières années. « Ce qu’il faut retenir c’est que tout excès est mauvais » assure-t-il.
Régine Protin, diététicienne à Bourges complète « Il ne faut pas dépasser 500g de viande de boucherie par semaine. En France on ne les consomme pas. On parle de viandes de boucherie, volailles, poissons et œufs pour parler de protéines animales. La viande de boucherie c’est le porc, l’agneau, le bœuf, le cheval. »
Les protéines sont essentielles pour le corps. Elles participent à l’entretien et au renouvellement des cellules du corps. L’apport en protéines augmente avec l’âge. Ce besoin est géré en fonction du poids corporel de la personne. Pour les seniors, l’apport en protéines est important.
« Ce qui se passe, c’est que souvent, un gros mangeur de viande mange mal. Souvent, il ne mange pas de fruits et légumes. Il ne faut rien consommer avec excès » poursuit-elle.
Il y a 14 repas par semaine. Une à deux fois par jour, il faut manger du poisson, des œufs ou des volailles. Il y a donc au moins un jour sans viande de boucherie.
72 milliards de repas
La consommation de viande net par habitant serait autour des 25 kg par an soit 70 g par jour. « On entend souvent 86 kg par an et par habitant mais c’est de la désinformation encore une fois, car ce n’est pas de la viande pure, on parle en kg équivalent carcasse » précise Jean-Claude Prieur.
En France, il y a 66 millions d’habitants qui font 3 repas quotidien. Cela représente 200 000 millions de repas par jour, 72 milliards de repas sur une année. « En 2012, il y a eu 6 cas de mortalité sur la France. On a la probabilité de mourir d’une infection alimentaire de 1 pour 12 milliards. Des intoxications alimentaires bégnines, il y en a à peu près 12 000 par an. Dans 20% des cas, la viande est impliquée » assure Jean-Lou Thibault, vétérinaire. La viande française est contrôlée, tracée, surveillée. « Nous sommes dans un pays législateur, l’éleveur ne peut pas faire n’importe quoi. Il n’y pas de résidus d’antibiotique dans la viande par exemple » précise-il.
Tafta, c’est quoi ?
Le Tafta (Transatlantic Free Trade agreement) est un projet d’accord de libre-échange transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis.
L’objectif serait de libéraliser au maximum le commerce entre les deux rives de l’Altlantique en réduisant les droits de douane et en minimisant les barrières réglementaires. Les différences de réglementations qui empêchent l’Europe et les Etats Unis de s’échanger leurs produits et services seraient levées.
Les agriculteurs français soumis à des réglementations très strictes s’inquiètent. « Si on signe cet accord bilatéral, c’est 400 000 tonnes de viandes qui viendront sur l’Europe pour nous concurrence avec des modes de productions très différents des nôtres. On parle de chlore pour traiter la viande, d’OGM et de certaines autres pratiques et produits qui débarqueront chez nous » souligne Jean-Claude Prieur.