Élevage
L’élevage, un métier de passion mais aussi d’innovation
Organisée par la chambre d’Agriculture de région Île-de-France, une journée présentait des innovations testées en conditions réelles en élevage bovin.
Organisée par la chambre d’Agriculture de région Île-de-France, une journée présentait des innovations testées en conditions réelles en élevage bovin.
Dédiée aux bovins viande, la journée rallye élevage Innov’action, organisée mardi 24 septembre par la chambre d’Agriculture de région Île-de-France à la Ferme de la Recette à Échouboulains, était l’occasion de mettre en avant différentes innovations autour de trois points essentiels : compétitivité, attractivité et pénibilité.
Les chambres d’Agriculture sont des courroies de transmission de ces nouveautés technologiques. L’idée est de les tester en milieu réel. Des jeunes de l’établissement La Bretonnière étaient également présents pour découvrir ces différentes innovations dont la mise en place est rendue possible grâce au soutien financier de la Région Île-de-France.
Philippe et Pascale Dufour, dont l’exploitation est orientée vers l’élevage, aiment innover. « C'est aussi un moyen de maintenir la pérennité et favoriser la transmission de l’exploitation », précise le couple dont l’objectif est de trouver des filières rémunératrices. C’est d’ailleurs le but de l’organisation de producteurs Nos bovins d’Île-de-France que préside Philippe Dufour. Actuellement, un autre chantier est en cours : l’installation de 12 000 m2 de panneaux photovoltaïques.
Boucles SenseHub, système de monitoring sur bovins, boîtier de pesée Qwintal et le prochain test avec un tapis de pesée, et enfin des lunettes connectées dédiées à la téléexpertise vétérinaire étaient au programme. Pour chacune de ses innovations, le témoignage de l’éleveur complétait la présentation.
« L’élevage est un métier de passion mais aussi d’innovation », a conclu la vice-présidente de la Région Île-de-France, Valérie Lacroute, aux côtés du vice-président de la chambre d’Agriculture de région Île-de-France, Guillaume Lefort, alors que le numérique est une véritable révolution agricole pour rendre les métiers beaucoup plus vivables.
Sensehub
Les boucles et colliers connectés
Système de monitoring sur bovins de la société MSD (laboratoire pharmaceutique), les boucles SenseHub (ou colliers), équipées de capteurs connectés, permettent à l’éleveur, via un boîtier, de recevoir une alerte sur les vaches en chaleur.
Trois courbes sont mesurées. Souvent ce système est utilisé pour le confort et pallier le manque de temps pour surveiller les chaleurs. Le but est d’effectuer une seule insémination artificielle afin de réduire l’intervalle entre vêlages. L’application précise également la fenêtre d’ovulation et indique quand inséminer.
Aujourd’hui le monitoring bovin ne se limite pas qu’à la reproduction. Il permet également d’étudier la rumination afin d’estimer l’état de santé de la bête. Le collier ou la boucle, équipé d’une pile moulée dans la résine dont la durée de vie est respectivement de 5 et 7 ans, sont simples d’utilisation et facile à poser et à enlever.
Témoignages
Philippe Dufour teste actuellement les boucles sur un lot de vaches allaitantes : « Dans le sud-Seine-et-Marne, les inséminateurs sont de moins en moins présents. La coopérative supprime la tournée régulière. J’avais toujours pour ambition d’inséminer. J’ai donc acheté deux bonbonnes pour conserver des paillettes. En arrêtant les tournées, le taux d’insémination est moins bon. L’une des principales difficultés résidait dans la détection des chaleurs avec une courbe discrète en blonde d’Aquitaine. Avec SenseHub on a trouvé une innovation qui répond à nos besoins. Des colliers seront posés sur les génisses à 20-24 mois quand elles rentreront. Autre astuce très pratique, il est possible d’allumer une diode à distance sur une boucle et ainsi repérer facilement un animal. Par contre, étant en pâturage tournant, je vais certainement retirer les colliers à la mise à l’herbe ».
Laurianne Labouesse, technicienne spécialisée élevage à la chambre d’Agriculture, suit huit élevages en lait. Pour elle, « c’est un vrai plus en tant que conseillère. Cela apporte des données supplémentaires qui permettent d’affiner nos conseils dans le but d’améliorer la reproduction ».
Qwintal
Boîtier et tapis de pesée
La société Qwintal conçoit des objets connectés pour favoriser le quotidien des agriculteurs. Ainsi, le GMQ (Gain moyen quotidien) est un indicateur qui permet aux éleveurs de progresser. Pourtant, 75 % des éleveurs ne pèsent pas leurs bovins. Ainsi, en branchant un boîtier Internet GMQ One, indicateur de pesée connecté, sur une bascule, on enregistre des données avec une identification automatique. Le boîtier est synchronisé avec une base nationale. À la Ferme de la Recette, à Échouboulains, il est installé sur une balance Maréchal encore romaine utilisée pour le contrôle de croissance.
Cet outil permet un gain de temps sur la pesée et ne nécessite plus que deux personnes, contre trois auparavant.
En complément, un tapis de pesée sera testé prochainement. Ce tapis de 2 m2 équipé de 4 000 capteurs, encore au stade de prototype, sera posé dans un espace stratégique, type abreuvoir. Cette solution permettra d’avoir un suivi de croissance régulier des animaux.
Le but est de faciliter la collecte de données et pouvoir les partager aux instituts et logiciels de suivi des troupeaux.
L' éleveur Philippe Dufour, explique : « Je suis intéressé par le tapis de pesée car je viens de redémarrer l’élevage de taurillons dans le cadre d’une expérimentation menée dans les cantines. J’ai donc opté pour des boucles électroniques qui demain serviront à beaucoup de choses avec la dématérialisation mais qui ont un coût double. Outre l’apport de données sur les performances des veaux, on en aura également sur celles des parents ».
Ada
Lunettes connectées et maillage vétérinaire
Alors que la chambre d’Agriculture, la Direction régionale et interdépartementale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Île-de-France (Driaaf), la Région et les vétérinaires travaillent sur le maillage vétérinaire de la région, dépourvue de cabinets ruraux dans certains secteurs, la société Ama, basée en Bretagne, propose une solution de collaboration en direct avec un équipement spécifique de lunettes qui permettent de se connecter par la vue et la parole à distance. La qualité du live est adaptée au réseau. À distance, il est possible de prendre la main sur les lunettes. Il est également possible d’intégrer un endoscope et une caméra grand angle échographe. En 2022, une subvention de l'État a permis de réaliser un diagnostic territorial avec la création d’un maillage vétérinaire en Île-de-France. De celui-ci est issu un projet de télé-expérimentation de vétérinaire à vétérinaire.
La téléexpertise vétérinaire est en expérimentation, mais elle existe depuis 2014 pour la télémédecine et l’expérimentation industrielle. Elle est actuellement en test à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), qui forme également des vétérinaires canins aux ruminants, de nombreux petits détenteurs d’animaux de ferme n’ayant pas de vétérinaires référents.
« Attirer les vétérinaires canins vers la rurale »
Marine Denis, ingénieure de recherche à l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, témoigne : « En Île-de-France, on compte peu d’élevages, les temps de trajet sont longs et on note une forte croissance des détenteurs de quelques animaux (particuliers, fermes pédagogiques, Ville pour entretenir). En parallèle, l’offre vétérinaire s’érode avec parfois plus de 50 km à parcourir pour trouver un vétérinaire rural. L’activité canine domine avec un seul cabinet 100 % rural en Île-de-France, d’où des zones blanches. Il existe un réel besoin de vétérinaires avec des compétences en rural, proches, réactifs et à un coût abordable. D’autre part, les vétérinaires doivent faire face au coût du conditionnement des médicaments, aux difficultés à maintenir les compétences et à les transmettre avec des enjeux de santé, de bien-être sanitaire, de développement et de maintien de l’élevage pour répondre à la consommation locale. La téléexpertise vise à aider ou franchir le cap à recevoir des animaux de la ferme pour de jeunes vétérinaires ou des vétérinaires canins. En phase de test à Maisons-Alfort, l’idée est ensuite de proposer à des vétérinaires de les tester afin d’attirer des vétérinaires canins qui auraient envie de faire de la rurale. Un équilibre est aussi à trouver au niveau du prix pour que ce soit acceptable par les deux parties ».