Le préfet prend la clé des champs
À l’invitation de la chambre d’agriculture, Michel Jau s’est rendu dans deux exploitations : une visite de terrain destinée à appréhender la réalité des problématiques agricoles.
Le jeudi 11 juin, la chambre d’agriculture avait invité Michel Jau, préfet du Loiret, à visiter deux exploitations agricoles. Le premier rendez-vous avait pour cadre la ferme des Hommes libres, à Juranville, gérée par Jean-Christophe et Laurence Huré. Outre le président Michel Masson, plusieurs membres du bureau de l’entité consulaire ont accueilli le représentant de l’État : Jean-Michel Billault, Philippe Galloo, Olivier Belouët et Jean-Louis Manceau. Philippe Fournier-Montgieux, sous-préfet de l’arrondissement de Pithiviers, ainsi que Simone Saillant, directrice départementale des Territoires, figuraient également parmi les invités.
Le maître des lieux a expliqué sa démarche : «Exposer le contexte politico-économique de l’agriculture et faire ressortir les craintes liées à la Pac. L’espoir est qu’il existe des pistes d’avenir : elles passent par un allègement de l’oppression dont nous sommes l’objet. Laissez la libre-entreprise faire son œuvre ! Il est important de montrer aux institutions que les agriculteurs sont des acteurs économiques majeurs du pays. L’image du gros céréalier est désuète. Certes, l’exploitation fait travailler trois personnes, preuve de sa fiabilité économique : il faut que ce soit encore le cas.» Or entre 2010 et 2019, les aides Pac dont bénéficie l’entreprise diminueront de 43%. Quant au chiffre d’affaires 2014-2015, il est en recul de 20% par rapport à la moyenne quinquennale. Récemment, l’exploitation, une EARL, s’est transformée en Gaec. Montant des frais pour les formalités : 3.500 €. «Cela n’a entraîné aucun gain en termes de performance économique. Cependant, l’avoir fait permettra de limiter la baisse des aides Pac à 43 % sur neuf ans au lieu de 50 %. »
Des atouts phénoménaux
«Il faut écouter les gens de terrain a déclaré Michel Masson. S’il n’y a plus de secteur primaire, il n’y aura plus non plus de secteur tertiaire. À cause de la réglementation, on a perdu la culture de l’agronomie. Conséquence : nous accusons dix ans de retard sur le plan agronomique et technologique. Si on ne se redresse pas rapidement, on est condamné. Il faut que nos gouvernants comprennent que l’agriculture constitue un socle pour l’économie du pays. (…) Une production agricole peut être délocalisée. (…) La concurrence doit être loyale à l’intérieur de l’Union européenne. (…) Les sciences agronomiques ont pratiquement disparu de l’enseignement agricole ! (…) Nous disposons d’atouts phénoménaux, notamment d’organisations professionnelles agricoles performantes. Mais dans une armée organisée, quand les obus ne rentrent plus dans les canons, il y a un problème ! (…) Je n’ai pas envie que la France soit larguée au niveau européen et mondial !»
Le préfet commenta sa visite en ces termes : «On apprend toujours des choses quand on se rend sur le terrain. Nous sommes sur une exploitation exemplaire : produire en quantité et en qualité n’est pas contradictoire avec l’environnement. (…) L’administration est synonyme d’une certaine lourdeur. Mais préféreriez-vous que l’État agisse à la tête du client ? Les fonctionnaires ne sont pas là pour vous embêter mais pour servir l’intérêt général et les normes sont là pour protéger : notre travail est de faire en sorte qu’elles soient utiles. Tout l’appareil d’État est engagé dans une démarche de simplification. (…) J’entends vos messages : nous allons faire remonter ces alertes à Paris. Il est impossible de concevoir une France sans son agriculture !»
Un après-midi avicole
Après les agapes, les travaux reprirent force et vigueur avec un déplacement chez Xavier Morin, aviculteur à Noyers. Plusieurs élus locaux et Paul Laville, sous-préfet de l’arrondissement de Montargis, s’étaient joints à la délégation. Une fois arrivés, les visiteurs s’équipèrent d’une tenue blanche réglementaire et pénétrèrent dans l’un des bâtiments, où le maître des lieux leur fit une présentation. La structure se compose de deux bâtiments d’une surface de 1.200 m2 chacun et un troisième, de 2.000 m2, sera prochainement en construction après validation du permis de construire. Xavier Morin élève des dindes et des poulets en contrat d’intégration. En dindes, sa production est de 2,5 lots par an et par bâtiment et de 7 lots par an et par bâtiment en poulets. Soit, pour les dindes, 9.000 unités par bâtiment et par lot. Dans une prochaine édition, nous consacrerons un article complet à cette exploitation qui ne manque pas de projets !
Des efforts pour l’environnement
Lors de sa présentation, Jean-Christophe Huré aborda le volet environnemental : «L’exploitation étant située dans le périmètre de sauvegarde du forage d’alimentation en eau potable de la commune de Juranville, des efforts environnementaux ont été faits ces dernières années.» Citons : le local phytosanitaire, qui existe depuis plus de douze ans ; une aire de remplissage pour pulvérisateur couplée à une aire de lavage avec bac à boue et filtre déshuileur ; un phytobac pour la gestion des fonds de cuve du pulvérisateur ; une cuve de stockage enterrée de GNR de 15.000 litres double-paroi avec détecteur de fuite électro-hydraulique. Ces quatre investissements ont généré un coût de plus de 45.000 € hors taxes. «À cela s’ajoute un effort quotidien de préservation de l’environnement du corps de ferme afin d’avoir des conditions de travail agréables.»
Les Hommes libres en chiffres
• SAU : 272 ha répartis sur 31 îlots de cultures.
• 262 ha remembrés en 2010, suite au passage de l’autoroute A19 (financement du Conseil départemental).
• Capacité de stockage de céréales : 370 tonnes.
• 234 ha de surface irrigable, répartie sur quatre Cuma d’irrigation pour neuf forages utilisés dans le bassin versant du Fusain. Notons que Jean-Christophe Huré préside la Cuma de Juranville : 18 adhérents et 3 forages pour 685 ha irrigables.
• Assolement 2015 : blé tendre : 88 ha ; orge de printemps : 79 ha ; betterave à sucre : 43 ha ; orge d’hiver : 28 ha ; colza : 20 ha ; jachère : 13 ha. Production betteravière : quota sucre : 2.800 t ; quota industriel : 1.700 t. Contrats de production avec les sucreries de Corbeilles-en-Gâtinais et de Pithiviers-le-Vieil (groupe Cristal Union).