Le préfet Hervé Jonathan visite une exploitation représentative de Beauce
La FNSEA, Jeunes agriculteurs et les OPA d'Eure-et-Loir ont répondu à la demande du préfet, Hervé Jonathan, d’organiser la visite d’une exploitation beauceronne. Il a été reçu le 10 novembre, sur celle d'Alain et Corentin Chateignier à Guillonville.
La FNSEA, Jeunes agriculteurs et les OPA d'Eure-et-Loir ont répondu à la demande du préfet, Hervé Jonathan, d’organiser la visite d’une exploitation beauceronne. Il a été reçu le 10 novembre, sur celle d'Alain et Corentin Chateignier à Guillonville.
«La pression monte fortement dans la plaine », relève le secrétaire général de la FNSEA d'Eure-et-Loir, David Faucheux, lors d'un tour d'horizon de l'actualité syndicale qu'il fait à l'occasion de la venue du préfet d'Eure-et-Loir, Hervé Jonathan, à Guillonville vendredi 10 novembre.
À la demande du préfet
De fait, aux côtés de Jeunes agriculteurs et des OPA, la FNSEA d'Eure-et-Loir a répondu à la demande du préfet de visiter une exploitation beauceronne après celle de l'élevage laitier de Yohann Serreau, quelques semaines plus tôt. Il est donc reçu ce jour-là chez Alain et Corentin Chateignier. Le préfet est accompagné du sous-préfet de Châteaudun, Kevin Poveda, du directeur des Territoires, Guillaume Barron, et d'élus, le député Guillaume Leclercq en tête.
Avant d'aller sur la ferme, tout le monde est réuni dans la salle des fêtes de la commune pour livrer des éléments d'information sur le secteur. Les thématiques de l'emploi, de la diversification agricole ou de l'accès à l'eau sont successivement abordées, avant les actualités syndicales donc.
D'abord, le président de Jeunes agriculteurs, Guillaume Chenu, aborde la question de l'emploi : « C'est toujours difficile de trouver de la main-d'œuvre en agriculture et il y a le souci du renouvellement des générations, souligne-t-il. Il faut arriver à attirer vers nos métiers ». Il prône le maintien du dispositif TODE (Travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi) et propose que soit favorisé le recrutement de salariés étrangers en accordant à l'agriculture le statut de secteur en tension.
L'élu de la Chambre Pierre Lhopiteau enchaîne par un point sur la diversification agricole. Il rappelle la hausse des surfaces en cultures spécialisées de 21 % en dix ans. Sur la croissance à deux chiffres des conversions en agriculture biologique jusqu'en 2020, il précise : « On assiste depuis à un effondrement et même aux premiers désengagements cette année ». Il note ensuite la croissance du nombre d'exploitations qui commercialisent en circuits courts, + 75 % en dix ans : « Le souci, c'est le manque d'outils de transformation », relève-t-il.
Il aborde aussi le sujet des énergies renouvelables : « L'agriculture a toujours produit de l'énergie. Il faut savoir ce que l'on veut, on parle toujours d'autosuffisance alimentaire, ce serait important de savoir si l'on veut une autosuffisance énergétique… La filière méthanisation est tout à fait capable de fournir du gaz en quantité. Aujourd'hui, beaucoup de projets sont à l'arrêt, certains pour des questions d'acceptabilité ». Pierre Lhopiteau pointe enfin que le secteur attend toujours les décrets d'application de la loi sur l'agrivoltaïsme.
Gare aux baux ruraux
« L'agriculture a toute sa place à jouer dans l'accélération du développement des énergies renouvelables, répond le préfet. Mais il ne faut pas que les agriculteurs soient des instruments dans les mains de sociétés qui veulent développer de manière anarchique les zones de photovoltaïque. Il faut que les projets soient portés par les agriculteurs. Derrière, il y a le risque de la transformation des baux ruraux en baux amphytéotiques », souligne Hervé Jonathan.
Le président de l'Organisme unique de gestion concertée (OUGC) de la nappe de Beauce, Jean-Michel Gouache, prend la parole ensuite pour parler de l'accès à l'eau (lire ci-dessous). Puis le préfet s'exprime (lire ci-dessous) et, avant de rejoindre l'exploitation de la famille Chateignier, David Faucheux fait un tour d'horizon de l'actualité syndicale.
Il centre son propos sur la discussion en cours au niveau européen à propos du règlement SUR qui vise à réduire l'usage de produits phytosanitaires en zones sensibles comme Natura 2000 : « En Eure-et-Loir, ce sont 1 800 exploitations qui sont concernées, 70 000 hectares en Beauce et 20 000 dans le Perche, tout ça pour laver plus blanc que blanc. Les agriculteurs sur le terrain en ont vraiment marre », lance-t-il.
À son tour, Corentin Chateignier explique qu'il est installé depuis 2019 avec son père sur 123 hectares irrigués. Ils produisent essentiellement des céréales, et, pour contrer les risques au niveau phytosanitaire ou d'accès à l'eau, se sont lancés dans des diversifications : lavandin, aviculture ou asperges vertes. « L'exploitation recoupe tout ce qui a été dit jusque-là. Nous avons besoin de main-d'œuvre pour les asperges mais ce n'est pas facile de faire se déplacer du monde pour quatre heures par jour, ou pour le ramassage des volailles ».
Poursuite des échanges
Une fois ceci posé, tout le monde se retrouve sur l'exploitation où les échanges se poursuivent à l'abri dans un des bâtiments d'élevage de l'exploitation.
« La Dreal nous a donné le fusil pour se tirer une balle dans le pied… »
Lors de la visite préfectorale du 10 novembre à Guillonville, le président de l'Organisme unique de gestion concertée (OUGC) de la nappe de Beauce, Jean-Michel Gouache, s'exprime pour faire un point sur l'accès à l'eau.
Souci avec la Dreal
« Aujourd'hui, nous avons un petit souci avec la Dreal*, pointe Jean-Michel Gouache après avoir expliqué au préfet le fonctionnement de la gestion de la nappe de Beauce. Si la nappe a baissé, il n'y a pas de décrochage de forages agricoles ou d'eau potable. Ce qui pose problème à la Dreal, c'est le niveau des rivières. En Eure-et-Loir, nous avons deux rivières corrélées avec la nappe, la Conie et l'Aigre, qui en sont des résurgences. Quand elle est haute, l'étiage est soutenu, même en été. Quand elle est plus basse, on peut avoir des assecs. Nous sommes en négociation avec la Dreal. Le problème c'est que pour elle, c'est aux OUGC de faire des propositions… C'est-à-dire qu'on nous a donné le fusil pour se tirer une balle dans le pied en nous disant de faire des propositions pour baisser les prélèvements. Nous en avons fait en septembre, nous avons été écoutés mais nous n'avons pas eu de réponse. Ce matin, nous étions présents pour la restitution de la Dreal à la suite de nos propositions. J'ai commencé en disant que comme la Dreal n'avait pas répondu à nos propositions en septembre, nous ne répondrions pas à ses propositions aujourd'hui. Donc clause de revoyure au 6 décembre. À mon avis, les concertations devraient se faire autrement. Maintenant, il faudrait se corréler au niveau des rivières, déterminer des bassins versants pour la Conie, l'Aigre et peut-être d'autres. Dès qu'il y aura une rivière en alerte, il pourrait y avoir des interdictions d'irriguer. Et donc de gros soucis à se faire pour l'irrigation. La Dreal voudrait que ce soit applicable dès 2024 mais nous voudrions que ce soit en 2025 pour pouvoir s'adapter, prévenir tout le monde et que chacun puisse se réajuster s'il y a des contraintes supplémentaires ».
*Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.
« Adapter l'agriculture sans la dénaturer »
Lors de la réunion d'information à Guillonville le 10 novembre, le préfet, Hervé Jonathan, a tenu d'abord à remercier les organisateurs d'avoir accédé à sa demande de visite d'exploitation. « Depuis mon arrivée, je me suis immergé dans les dossiers qui concernent l'agriculture d'Eure-et-Loir. Je suis bien conscient des inquiétudes que vous avez, des interrogations que vous portez. Vous avez fait un tour d'horizon sur 360 ° et je vois trois volets particuliers », a débuté le préfet.
Des actions à mener
À commencer par l'emploi : « Il y a des actions à mener localement pour pallier ce manque de main-d'œuvre et générer un flux vers les emplois agricoles. Il faut pouvoir mettre en relation les demandeurs d'emploi et ce que vous proposez ».
Sur la diversification : « C'est un élément important de sécurisation des revenus des agriculteurs, elle doit se renforcer et le fonds de compensation agricole est un levier important qui doit être mobilisé ».
Sur l'adaptation de l'agriculture eurélienne à la transition agroécologique : « Il faut le faire sans qu'elle perde sa compétitivité, sans la dénaturer, c'est tout l'enjeu ».
Enfin sur l'accès à l'eau : « L'idée est de trouver des processus concertés et qu'on les définisse ensemble. Il faut trouver un équilibre raisonnable entre la gestion durable de la ressource et la nécessité de l'utiliser ».