L'agriculture et l'alimentation, cela s'apprend dès la maternelle
A l'heure où les agriculteurs peinent à faire (re)connaître, a minima, leur travail pour la société, médecins et instituteurs sont inquiets. Très jeunes, les Français semblent ignorer le rôle de la ferme France dans leur alimentation, pourtant déterminante pour leur santé. Les éducateurs nutritionnels tentent de combler le vide, à la hauteur de leurs moyens, cette ignorance.

«Quand un enfant me dit que le lait vient du supermarché, je suis inquiète», explique Ludivine Ferrer, directrice de l'Asef (Association santé environnement France) qui rassemble 2500 médecins. Elle se rappelle les résultats d'un sondage réalisé auprès des 8-12 ans sur le rapport à l'alimentation. Les résultats sont édifiants : par exemple, 50% des enfants ignorent à base de quoi sont fabriqués les steacks hachés (voir graphique). Mais pour le corps enseignant, la surprise n'est pas si grande. «Les instituteurs n'étaient pas étonnés de ce résultat», se rappelle-t-elle. La principale inquiétude n'est pas tant l'ignorance que ses causes et conséquences. «Certains enfants n'ont jamais vu l'origine de ce qu'ils mangent. Le danger est qu'ils perdent le goût des choses simples et saines», traduit Laetitia Knopik, diététicienne en libéral dans le Nord et éducatrice nutritionnelle pour les plus jeunes. Les habitudes alimentaires se développent et se cristallisent entre 0 et 10 ans. «Même si avec l'instruction, on peut modifier ses habitudes», ajoute Ludivine Ferrer, «En France, nous ne sommes pas à l'abri de ce qui se passe aux Etats-Unis ou en Chine avec le surpoids des jeunes.» Les maladies liées à l'alimentation gagnent déjà les cours de récréation. «Régulièrement, depuis deux ans, des enfants viennent dans mon cabinet avec du cholestérol. Il y a vingt ans, ça n'existait pas», se soucie Laeticia Knopik.
Apprendre est la solution...
La connaissance de l'origine de l'alimentation permet aux enfants (et aux adultes) d'apprendre à choisir leur alimentation. Nourrir - mais surtout éveiller - la curiosité des plus jeunes est parfois compliqué. «Dans la conception de leurs menus, les industriels répondent aux attentes des enfants. Les produits sont très transformés. Quand on sert du poulet à la cantine, il ne faut pas qu'on voit que c'est du poulet», témoigne Ludivine Ferrer. Il revient aux adultes de lever le voile sur cet inconnu. Les enfants sont très intéressés par les activités agricoles et alimentaires. «Ils adorent voir pousser les plantes, regarder les animaux... tout ce qui est concret, ça leur plaît. Ils sont à fond», raconte Romain Baçao, instituteur à l'école Makarenko à Ivry-sur-Seine, qui a mis en place un potager pour les enfants avec l'aide de la mairie. Dans l'année, les instituteurs peuvent organiser des visites de fermes pédagogiques ou encore des interventions d'éducateurs nutritionnels. Laetitia Knopik intervient depuis une dizaine d'années dans les écoles maternelles, primaires, dans les collèges... et la demande augmente. «J'ai des rendez-vous plusieurs fois par an tous les ans», assure-t-elle. Romain Baçao témoigne aussi de l'intérêt croissant pour l'éducation à l'alimentation dans les programmes établis par le ministère de l'Education et le ministère de la Santé. Ces temps dédiés à l'alimentation et à l'éducation font partie des heures de classe et ne sont pas optionnels.
... à l'école et à la maison
L'ignorance n'est pas une fatalité. Les instituteurs et les éducateurs nutritionnels inquiets, restent optimistes et mobilisés pour faire des «piqûres de rappel». Les enfants n'assimilent pas en une fois que le lait vient de la vache, de la chèvre ou de la brebis. Néanmoins, la diététicienne Laetitia Knopik a quelques regrets : «Les parents ne sont pas suffisamment associés aux ateliers.» La plupart du temps, les enfants ne savent pas car «on n'en fait pas à la maison.» Ludivine Ferrer n'a pu quantifier le degré de connaissances des enfants, mais elle perçoit que la catégorie socio-professionnelle prévaut sur le lieu d'habitation. Ainsi, les enfants de parents cadres, de parents «bobos» en connaissent davantage que les enfants issus des classes populaires. Cette inégalité est moins vraie entre milieu rural et milieu urbain. «La différence existe, mais elle n'est pas significative», constate la directrice de l'Asef.