« La question de l’accessibilité à l’eau est cruciale »
Pierre Bourbon, éleveur de bovins et céréalier à Boisseau, dans la Beauce loir-et-chérienne, fait un point sur la sécheresse estivale.
Horizons : Quelles sont les conséquences du temps estival et ensoleillé de ces derniers mois sur votre exploitation ?
Pierre Bourbon : Contrairement à d’autres agriculteurs, je n’ai pas tant que ça été touché par la sécheresse. J’ai la chance d’être irrigant avec près de deux tiers de parcelles irrigables. Mais il est important de rappeler que l’irrigation est une activité supplémentaire pour l’exploitation qui engendre des coûts importants. J’ai fait le choix que toutes mes surfaces fourragères soient irrigables afin d’assurer une plus grande régularité de ma production. Situé à Boisseau (au nord de Vendôme), je dépends de la nappe de Beauce blésoise, qui n’a pas connu cette année de restriction supplémentaire par rapport aux quotas qui nous ont été attribués en mars. Il me reste ensuite à gérer l’eau avec intelligence et parcimonie, à sélectionner mes cultures en conséquence.
Selon vous, quelles sont aujourd’hui les solutions existantes pour minimiser les risques liés à la sécheresse ?
S’il y avait une recette miracle ça se saurait ! Il ne faut compter que sur les organismes techniques pour trouver des solutions pour nous. Les excès de pluviométrie et sécheresse nous poussent à essayer d’adapter les cultures. Il faut se diversifier, chercher à tester des choses sur nos exploitations pour trouver des plantes « passe-partout » qui nous aiderons à passer ces caps difficiles. Depuis maintenant dix ans, j’essaie sur de petites parcelles de nouvelles plantes, associations de cultures et regarde ce qui se passe. Cette année, chez moi il n’y a pas photo, le maïs Aquamax et sorgho multicoupe ont eu un très bon comportement : ils ont pas trop mal supporté la chaleur et bien réagi aux faibles pluies et à l’irrigation. Quant à ma prairie permanente, c’est un vrai paillasson… J’ai fait le choix de ne plus l’irriguer depuis plusieurs années. Pour les agriculteurs qui ont un assolement basé sur l’herbe, il va falloir qu’ils arrivent à avoir un stock pluriannuel. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire surtout quuand on sort d’une année comme celle-ci où l’hiver va être difficile à passer pour les éleveurs. Il faut donc que les exploitations s’habituent à avoir plus de stock qu’avant et ça d’une année sur l’autre. Là encore plus facile à dire qu’à faire…
Comment envisagez-vous la suite ?
Il y a dix années, on parlait de changement climatique qui pourrait engendrer d’intenses périodes humides et sèches. Devant les à-coups climatiques que nous subissons depuis ces trois années, ça à tendance à nous faire croire que c’est en train d’arriver... Tributaires du climat, les agriculteurs vont devoir, une fois de plus, s’adapter et changer leur façon de travailler, compliquant encore le métier. Afin de sécuriser les productions, il me semble très intelligent de stocker l’eau en période d’excès afin de l’utiliser à bon escient en période sèche. L’idée est que ce soit quelque chose de vertueux : un dispositif de sécurisation de la ressource et non pas un moyen pour augmenter les rendements. La question de l’accessibilité à l’eau est cruciale. Les irrigants paient des redevances de plus en plus lourdes à l’Agence de l’eau Loire-Bretagne. Il serait judicieux que ces sommes importantes reviennent aux agriculteurs qui souhaitent mettre en place des infrastructures pour le stockage de l’eau, aussi bien pour des projets collectifs qu’individuels. Capter les eaux de drainage pour pouvoir s’en servir est une nécessité. Malheureusement trop peu de projets de retenus d’eau voient le jour car ils représentent des coûts exorbitants qui ne sont pas rentables. Or, c’est à ça que devraient servir nos cotisations !