La biodiversité, chasse gardée d'Hommes et Territoires
L'association accompagne les agriculteurs dans leur objectif environnemental. Sans dogmatisme !
Placée sur les fonts baptismaux il y a tout juste vingt ans, l'association Hommes et Territoires dispose d'un agrément de la Préfecture de région en faveur de la protection de l'environnement. Directeur de la structure, Jérôme Lesage en explique les objectifs : « Rechercher et promouvoir des solutions pour une meilleure prise en compte de la biodiversité dans les milieux agricoles. » Celle-ci revêt une dimension ordinaire. Il s'agit de la nature au sens large sur une exploitation céréalière : vers de terre, abeilles, petite faune sédentaire de plaine et flore. « C'est la base de la chaîne alimentaire. »
Il existe aussi une biodiversité remarquable. Aujourd'hui en baisse, celle-ci est protégée par les différents textes. « Nous sommes animateurs d'une zone Natura 2000. » Cela concerne quatre communes situées au Sud de l'Eure-et-Loir, soit une surface de 72.000 ha. L'association mène des actions avec les agriculteurs afin de protéger la faune de la plaine. Exemples : les rapaces ou l'oedicnème criard, un oiseau migrateur qui vient se reproduire dans les zones de grandes plaines.
« Nous travaillons sur les pratiques et l'aménagement du territoire. L'enjeu : concilier agriculture et environnement : nous ne sommes pas dogmatiques ! » La zone d'action de l'entité s'étend sur toute la Beauce. « Nous objectif consiste à mettre les acteurs en réseau : agriculteurs, collectivités locales, chasseurs, enseignement agricole et recherche. Le thème de la biodiversité ne peut pas être pris en compte par un seul acteur. » Le directeur de l'association poursuit : « Si nous voulons impliquer un maximum d'agriculteurs, il est utile de passer par une coopérative. » Une manière de souligner que les actions menées sont souvent liées à des partenariats : chambres d'agriculture, Fédérations de chasseurs, etc.
Une démarche relativement récente
Étudier et comprendre les relations entre biodiversité et pratiques agricoles : c'est ce que cherche à faire l'organisation. Pour cela, elle élabore des références technico-économiques et environnementales. « Nous avons des plateformes d'essais destinées à évaluer des pratiques innovantes ainsi que leur bienfait sur l'environnement et leur impact économique pour l'agriculteur. » Jérôme Lesage en est convaincu : « Pour convaincre les agriculteurs, il faut apporter des preuves et des chiffres. » D'où les essais et les suivis de moissons (rendements, qualité, coûts, etc.).
Parmi les actions entreprises, notons le développement d'outils d'évaluation de la biodiversité et des pratiques. Premièrement, les instruments de diagnostic : où se situe l'agriculteur et quelles sont les conséquences de ses pratiques ? « Il ne s'agit pas d'un suivi naturaliste. Cependant, nous évaluons l'impact potentiel des pratiques. » Pour cela, il existe le diagnostic de la biodiversité et des pratiques agricoles. La coopérative de Boisseaux l'utilise. Un autre outil est destiné à évaluer la qualité écologique des bordures de champs. « En zone de grandes plaines, celles-ci représentent 80 % de la diversité végétale : c'est la base de la chaîne alimentaire. »
L'association a pour mission de former et d'informer les agriculteurs sur les enjeux de la biodiversité. Cette année, elle a organisé trois formations. L'une d'elles s'est tenue à la coopérative de Boisseaux et portait sur les insectes pollinisateurs et les auxiliaires de cultures. Une deuxième session avait pour cadre les Trois Laboureurs, un groupement de producteurs de pommes de terre. Quant au troisième rendez-vous, il s'adressait à des techniciens. « Nous agissons concrètement sur les territoires ruraux et nous accompagnons nos adhérents, qu'ils s'inscrivent dans une démarche individuelle ou collective. Cela est relativement récent : il y a trois ans, la biodiversité n'était pas une priorité. » En 2014, c'est différent : outre la coopérative de Boisseaux, l'entité travaille avec des opérateurs tels que Axereal ou encore Lesieur pour le secteur agroalimentaire.
Laurent Gasnier a mis en place un nouveau protocole
Une bordure de champ se compose de deux milieux différents : la partie extérieure et la partie intérieure. La première se situe entre la zone travaillée de la parcelle et le chemin longeant celle-ci. La bordure intérieure, elle, correspond aux premiers mètres de la parcelle cultivée. Céréalier à Épieds-en-Beauce et président de l'association Hommes et Territoires, Laurent Gasnier mène des expérimentations sur chacune de ces deux bordures. « En Beauce, la majeure partie de la biodiversité se situe en bordure extérieure. Objectif : favoriser celle-ci par le développement d'auxiliaires de cultures. » Par exemple, les premières semaines, les poussins se nourrissent uniquement d'insectes. Pour la flore, il y a des pollinisateurs sauvages : abeilles sauvages, syrphes, etc. « Plusieurs d'entre eux sont spécialisés sur certaines fleurs : ils sont impactés par la gestion des bordures. »
Trois bordures de cent mètres
Le Spicacien poursuit : « Il est de coutume de passer le broyeur en mai ou juin, au moment de la moisson, afin d'avoir des bordures propres. » Or l'expérimentation consiste à effectuer des broyages à trois dates différentes : avril (précoce), juin (témoin) et mi-septembre (tardif). L'enjeu : un suivi de la flore et de la microfaune. Moyen utilisé : le piège barber. Des pots posés à ras du sol et contenant du liquide à l'intérieur destiné à piéger les insectes. Ces pots sont répartis dans la bordure à cinq et vingt-cinq mètres. « Apporter la nourriture au plus près de la bordure permet aux poussins d'éviter la prédation et la mise à découvert. En zone de plaine, les chemins sont des corridors qui permettent le déplacement et le développement de la faune. »
L'expérimentation porte sur trois bordures de chemins de cent mètres et elle est dans sa troisième année. « Les résultats me confortent dans mes choix : broyer uniquement quand c'est nécessaire et non de manière systématique. S'il y a des chardons ou d'autres adventices, j'effectue un broyage afin d'éviter la montée à graines. »
Dans le cadre du réseau Agrifaune
La deuxième opération, elle aussi dans sa troisième année, porte sur les bordures intérieures. L'an passé, l'intéressé a mis en place un nouveau protocole : les deux premières années, il avait essayé de supprimer les traitements herbicides anti-dicotylédones. « Or il y avait un développement trop important d'adventices : ce n'était pas acceptable d'un point de vue technico-économique. » D'où, à l'automne 2013, juste après les céréales, des semis de légumineuses dans les six premiers mètres (NDLR : les traitements anti-graminées sont toujours autorisés). Deux mélanges. L'un composé de trèfle, de lotier et de minette. Quant au second, il s'agit de différentes variétés de trèfle. Bilan : « Un développement spectaculaire du trèfle ! Un phénomène lié aux conditions climatiques. » Afin d'en savoir plus sur la pertinence de ce protocole, celui-ci sera poursuivi cette année.
Ces expérimentations se font dans le cadre du réseau Agrifaune, qui regroupe un certain nombre d'acteurs : les chambres d'agriculture, la FRSEA, les Fédérations de chasseurs, l'Office national de la Chasse et de la Faune sauvage ainsi que l'association Hommes et Territoires.
Un nouveau bureau
Depuis juin dernier, l'association dispose d'un nouveau bureau. En voici la composition : Laurent Gasnier, président et agriculteur à Épieds-en-Beauce. Daniel Serre : Premier vice-président. Jacques Mercier : Deuxième vice-président. Daniel Tonnellier : secrétaire. Éric Thirouin (chambre d'agriculture d'Eure-et-Loir) : secrétaire adjoint. Xavier Mardelet : trésorier. Louisette Daubignard (chambre d'agriculture du Loiret) : trésorière adjointe. Étienne Pelard : président d'honneur.
Contact : Cité de l'Agriculture, 13 avenue des Droits de l'Homme, 45000 Orléans. Téléphone : 02.38.71.90.03.