« Il faut continuer à faire de l'expérimentation »
Interview croisée entre Jean-Noël Dhennin et Georges Courseau, lors de l'assemblée générale de la Fnams Centre.
Le vendredi 13 février, la Fédération nationale des Agriculteurs Multiplicateurs de Semences du Centre tenait son assemblée générale à Saint-Péravy-la-Colombe. À cette occasion, Jean-Noël Dhennin, président national de la Fnams et producteurs de semences dans l'Eure-et-Loir, et Georges Courseau, président régional de la Fnams et installé dans l'Indre, ont accepté de nous répondre.
Loiret agricole et rural : Quel bilan de la campagne 2013-2014 de la production de semences en région Centre peut-on dresser ?
Jean-Noël Dhennin : Il y a une très grande hétérogénéité des résultats. Malgré les difficultés, la récolte de semences de céréales a été correcte. Mis à part quelques problèmes de germination. Pour les semences potagères et fourragères, nous avons connu plus de difficultés, liées essentiellement aux conditions météorologiques entre fin juin et début juillet. La période de pollinisation a été compliquée. Conséquence : les résultats sont souvent en dessous de la moyenne, voire très mauvais. Nous sommes dans une phase de plusieurs mauvaises années pour la production de semences potagères. Pour les fourragères, le phénomène est un peu moins prononcé selon les espèces. Pour les semences de betteraves, nous sommes dans la moyenne basse.
Georges Courseau : On a beaucoup parlé des conséquences de la météo sur la production des céréales de consommation avec un faible temps de chute de Hagberg sur toute la partie sud-est de la région. Pour les semences, les caprices du ciel ont provoqué des débuts de germination mais qui sont restés sans conséquence fâcheuse sur le blé tendre. Par contre, en blé dur et triticale, des lots ont été refusés en raison d'une mauvaise germination.
Un plus de l'ordre de 100 EUR/ha
LAR : Quelles sont les perspectives pour 2014-2015 ?
G.C. : Les surfaces en céréales vont légèrement augmenter et les hybrides sont amenés à prendre une place de plus en plus importante. Ces variétés apportent un plus en termes de résistance par rapport aux lignées et cela se traduit, généralement, par des rendements un peu plus importants. Les autres suivent mais avec un léger décalage. Par contre, ces semences coûtent beaucoup plus cher.
J.-N.D. : En dehors des céréales, en 2014-2015, les surfaces de multiplication devraient diminuer en raison de leur adaptation aux débouchés : pour les betteraves, les mises en place de racines baissent de 5 à 7 %.Donc, les volumes de semences vont s'en ressentir. Les potagères sont également à la baisse. Les mauvais résultats incitent peut-être les établissements collecteurs à diversifier leurs sites de production. Il est impératif de trouver des solutions techniques à notre production de semences potagères. Sinon, nous risquons de la voir diminuer. Quant aux fourragères, elles sont en grande difficulté.
G.C. : Les graminées sont encore en plus mauvaise situation que les légumineuses !
LAR : Le recouplage des aides, avec une enveloppe nationale de 4,5 millions d'euros, répond-il aux enjeux ?
J.-N.D. : C'est un plus. Significatif. Surtout en légumineuses puisque quatre millions d'euros leur sont affectés et 500.000 EUR pour les graminées. Pour ces dernières, l'effet est nul ! Or, comme l'a dit Georges, les difficultés concernent surtout les graminées ! Mais en légumineuses, le recouplage va apporter un plus de l'ordre de 100 EUR/ha. Les surfaces devraient exploser. Toutefois, nous restons sur des chiffres d'affaires par hectare qui ne sont pas très élevés. Des cultures qui ont du mal à trouver une rentabilité économique dans les rotations.
LAR : Les exportations de semences ne sont pas concernées par l'embargo russe : quelle analyse en faites-vous ?
J.-N.D. : Les incidences sont quand même énormes sur les perspectives de débouchés. Il y a les semences de maïs. Certains établissements semenciers sont également en production en Ukraine : betteraves, maïs et d'autres espèces. Conséquence de l'instabilité régnant dans cette région, certaines productions iront se faire ailleurs. Notamment en France : en semences de betteraves, nous avons un léger retour de surfaces.
Un très bon partenariat
LAR : Prochainement, nous entrerons dans la deuxième génération du Contrat d'Appui à la filière semences : un bilan de la première programmation (2011-2014) et quels sont les enjeux pour la période 2015-2018 ?
G.C. : Le bilan du premier Cap'Filière est positif. Le dispositif nous a apporté une notoriété au niveau régional. En outre, il y a certaines retombées d'ordre financier puisqu'il s'agit d'un accord avec la Région pour toute la filière et en particulier les multiplicateurs de semences. Le soutien aux investissements a aidé au démarrage de productions tels que les plants de pomme de terre et à l'adaptation des cultures aux nouvelles contraintes liées à la PAC, au verdissement, etc. Dans le cadre de la nouvelle programmation, il faut continuer à faire de l'expérimentation. Objectif : être attractif et intéressant pour les donneurs d'ordres afin que les établissements qui cherchent à multiplier des semences s'intéressent à notre région. Nous avons des points forts mais il y a des espèces avec lesquelles nous rencontrons des difficultés. L'autre enjeu consiste à avoir accès aux facteurs de production. Nous avons parlé de l'irrigation. Mais nous avons également mis en évidence la difficulté à trouver de la main-d'oeuvre.
LAR : Et vous, Jean-Noël Dhennin, en tant que président national de la Fnams, quel regard portez-vous sur le Cap'Filière semences ?
J.-N.D. : Un regard très positif. Le Cap'Filière en région Centre est un exemple. À ma connaissance, c'est l'une des seules formules qui a été mise en place et qui fonctionne le mieux. Georges l'a dit : une bonne reconnaissance de la filière semences, un très bon partenariat avec la Région et la chambre régionale d'agriculture, qui a servi de relais. Cela permet de conforter la filière, voire d'augmenter les surfaces. De diversifier les assolements. Qui est l'une des orientations pour l'agriculture de demain.