Héliciculture : une belle opération escargots
L'élevage d'escargots est une diversification peu commune qui, malgré ses contraintes, semble constituer une valeur sûre. Reportage à la Ferme du Colimaçon, chez Philippe et Quentin Maurice.
L'élevage d'escargots est une diversification peu commune qui, malgré ses contraintes, semble constituer une valeur sûre. Reportage à la Ferme du Colimaçon, chez Philippe et Quentin Maurice.
Ils ne seraient qu'environ 400 sur tout le territoire français, et une poignée en Île-de-France, selon un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)*. Les héliciculteurs produisent pourtant un aliment phare de la gastronomie française, souvent servi et consommé au moment des fêtes de fin d'année : l'escargot. « Un potentiel de développement existe pour une production d’escargots nés, élevés et transformés en France. À condition d’être bien maîtrisée, cette activité constituerait une piste de diversification pour des éleveurs d’autres filières », souligne le CGAAER dans sa note de mission.
C'est cette volonté de diversification qui a conduit Philippe Maurice à se lancer dans l'aventure de l'héliciculture. Au début des années 90, il est installé sur la ferme familiale de 47 hectares en polyculture, située à Oinville-sur-Montcient (Yvelines). Il cesse l'activité d'élevage de bovins menée par ses parents, agrandit les surfaces et déménage la ferme à la sortie du village. En 1997, son épouse souhaite revenir sur l'exploitation. Pour dégager un second salaire, il faut diversifier. « L'idée de faire une activité de production et vente d'escargots est venue de ma mère, qui adorait en manger », raconte Quentin Maurice, le fils de Philippe.
Sa mère suit une formation à Rennes (Ille-et-Vilaine) sur le sujet. Une escargotière de 350 m2 est construite, ressemblant à une grande serre entourée d'une clôture électrique. Des tuiles, sources de chaleur, constituent des abris douillets. Un système de brumisation se déclenche deux fois par jour pour apporter la dose d'humidité nécessaire. En effet, le petit gastéropode est fragile. S'il fait trop chaud, les escargots peuvent s'entasser par groupe autour de zones fraîches, ce qui favorise le développement de maladies.
Des étapes d'élevage bien distinctes
Depuis, chaque année, entre 120 000 et 140 000 escargots gros et petits gris sont produits sur le site. L'élevage suit une série d'étapes bien précises. Début novembre, la serre est vidée et nettoyée. En février et mars, c'est l'implantation des couverts végétaux : radis chinois, chia, vesce, phacélie. Ils constitueront une partie de l'alimentation des escargots. Une attention particulière doit leur être consacrée : s'il n'y en a pas assez, ou si les couverts ne sont pas assez diversifiés, les escargots ne pourront pas manger à leur faim pendant les mois d'été.
Les naissains (jeunes escargots) sont livrés en mars-avril, alors qu'ils n'ont que 7 jours. Pendant six à sept mois, ils vont grossir tranquillement jusqu'à atteindre leur taille adulte. Un complément de nutriments, farines et calcium leur est donné. Vient ensuite le ramassage, à partir de fin août-début septembre. Les escargots sont placés en chambre froide, dans un bâtiment érigé juste à côté de l'escargotière, et entrent alors immédiatement en hibernation.
Un travail en famille
Au mois de septembre, c'est la phase de préparation : les escargots sont plongés dans une eau bouillante, décoquillés à la main, rincés, ce qui permet d'obtenir des chairs blanchies. « Toute la famille se met à ce travail autour de la table, dans notre laboratoire », raconte Quentin Maurice. Les coquilles les plus belles sont récupérées pour les préparations. Cette tâche minutieuse se poursuit avec la cuisson et la confection de farces, beurre persillé et autres, afin de pouvoir livrer les produits le lendemain aux marchés et dans les boutiques des revendeurs.
Ce savoir-faire artisanal plaît aux clients, qui reviennent fidèlement tous les ans depuis plus de deux décennies. Dans les cartons se trouve l'idée de réaliser des préparations en bocal, ce qui permettrait de continuer à vendre au printemps, à Pâques. À condition de retrouver un peu de temps entre l'élevage, les marchés, la vente en direct, la veille à mener contre les prédateurs (fourmis, lézards, rats, mulots, musaraignes, etc.)… et le travail qui continue à l'exploitation !
*Mission d'appui et de conseil à la production d'escargots, CGAAER, juillet 2022.