FDSEA d’Eure-et-Loir : beaucoup de questions aujourd’hui et des réponses pour demain
L’assemblée générale annuelle de la FDSEA d’Eure-et-Loir a pris une tournure politique puisqu’elle coïncidait le 13 février à Chartres, avec la journée d’action nationale « stop aux non-décisions sur la Pac » lancée par la FNSEA. Une action symbolique a été organisée.
« Pac : trop de questions. » C’est le message qu’a voulu transmettre la FDSEA d’Eure-et-Loir en réponse à l’appel national lancé par la FNSEA et JA, qui coïncidait avec son assemblée générale du 13 février à Chartres. C’est ainsi que, dans un bel élan, lors du discours de son président Jean-Michel Gouache, les adhérents ont brandi des points d’interrogation, tandis que d’autres portaient haut les lettres rouges qui formaient le slogan. Si la réunion a pris cette tournure politique, elle était également résolument tournée vers l’avenir, avec une réflexion autour de l’agriculture et du numérique dans sa partie informative.
Mais les inquiétudes de la profession sont grandes : « Trop de questions sans réponse », a complété Jean-Michel Gouache. Dans son discours, il pointe le transfert des droits à paiement de base (DPB ex-DPU) : « C’est la première fois que l’on commence un jeu sans en connaître les règles. Cette histoire de transfert va mettre en péril des entreprises dès le départ. On va emmener des gens droit dans le mur. » Le président poursuit avec la localisation des éléments topographiques : « Nous n’allons plus pouvoir toucher à rien ! Il va même falloir matérialiser tout ça dans les déclarations Pac. Et si un jour vous y touchez, vous serez comme Pascal Trécul hier, avec de gros problèmes et des parties civiles accrochées à vos basques. »
Le président de la FDSEA embraye ensuite sur le plan Écophyto II. « L’agroécologie va nous faire manger des ronds de chapeau », lance-t-il : « Franchement, c’est le sujet qui va nous user en 2015. Je ne sais pas comment on va pouvoir mettre en œuvre cet Écophyto II. Atteindre 50 % de baisse de produits phytosanitaires, je ne vois pas comment on va faire. Tout est fait sans aucune étude d’impact économique, on est dans la philosophie pure et dure. Le seul business plan c’est : vous allez payer, débrouillez-vous ! »
Sur la directive nitrates, Jean-Michel Gouache s’interroge : « Le cinquième programme est là, n’oubliez pas de faire vos moyennes olympiques. Et on verra, avec vos pratiques, si nous arrivons à maintenir la qualité du grain en Eure-et-Loir. » Sur le foncier autour de la N154, le président pointe : « Le combat pour la mise en deux fois deux voies est derrière nous, mais il faudra se battre pour que les aménagements fonciers soient réalisés sur tout le tracé. Il ne faudrait pas qu’un agriculteur soit perdant. Tout le monde devra y contribuer. »
En guise de conclusion le président de la FNSEA a fait un point sur la solidarité autour de Pascal Trécul, l’éleveur percheron condamné à payer 170 000 euros pour avoir taillé une haie à blanc : « Il y a un an, j’avais lancé l’affaire ici-même. La solidarité du monde agricole s’est exprimée, je suis content, mais je ne suis pas satisfait tout de même. Nous en sommes à 97 000 euros de dons, mais tout le monde n’a pas versé. Demain, je veux que les 170 000 euros soient réunis ! »
Réunissant la députée eurélienne Laure de la Raudière, l’« ageekulteur » vendéen Hervé Pillaud et Arnaud Cloménil, céréalier dans l’Eure, la table ronde sur le thème de l’agriculture et du numérique a tenu toutes ses promesses en apportant un éclairage sur l’avenir probable du monde agricole. D’ailleurs, les agriculteurs sont de plus en plus connectés, des applications se créent chaque jour, le digital est partout... « Il est de la responsabilité du politique d’assurer la couverture haut débit dans toutes les fermes d’Eure-et-Loir, au risque de revoir un exode rural », a affirmé d’entrée Laure de la Raudière. « Mais la couverture en 4G est au moins aussi importante que la fibre dans nos fermes. Nous avons besoin du numérique dans nos champ », lui a répondu Hervé Pillaud. Pour lui, trois inventions ont révolutionné le monde : la roue, l’imprimerie et le numérique. « Je suis surpris chaque jour : le développement du numérique est exponentiel », a pointé l’agriculteur vendéen.
De son côté, Arnaud Cloménil a parlé d’agriculture de précision, ou comment apporter la bonne dose au bon endroit. « Quand j’ai découvert ces outils, je me suis lancé tout de suite », a-t-il témoigné, ajoutant : « En colza, j’économise cinquante unités à l’hectare, en blé de vingt à trente. Grace à la conductivité, je peux moduler les doses sur toutes mes surfaces. Et maintenant tout est homogène... » Il a ajouté ne plus pouvoir s’en passer et avoir remboursé rapidement son investissement.
La question des données a également été évoquée : « C’est le carburant de l’économie numérique », a pointé Laure de la Raudière : « Si vous laissez les plates-formes [les] capter, vous serez tributaires ensuite de leurs politiques économiques. Il faut, au niveau européen, définir des règles sur l’usage des données. » Hervé Pillaud va plus loin : « La meilleure défense, c’est l’attaque. Il faut créer une plate-forme agricole et avoir une vraie volonté politique de le faire. Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera. » « Nous avons des chances à saisir, il faut les saisir. Le numérique ne supprime pas d’emplois, il supprime du travail d’astreinte, c’est bon pour nous », a argué l’« ageekulteur ».
« Rien ne sera plus jamais comme avant », a souligné Laure de la Raudière. « On ne peut pas lutter contre cette révolution. Nous devons conquérir ce nouveau monde plutôt que de le subir. Et je ne veux pas que vous soyez sous-traitants de grands agrégats américains. Il faut tirer bénéfice de la révolution numérique en Eure-et-Loir ! », a-t-elle conclu.