Dégâts de sangliers : la coupe est pleine !
« Un chasseur sachant chasser sans son chien » phrase difficile à prononcer tout comme le fait pour les agriculteurs de voir chaque jour leur travail de la veille anéanti. Champs de maïs, de blé, prairies et même terrains de foot, les sangliers retournent tout et sont de plus en plus nombreux dans le Loiret.
Vendredi dernier la Fédération des chasseurs du Loiret et la Préfecture publiait un communiqué de presse « Dégâts de sanglier » (communiqué ci-contre page 2). La FDSEA du Loiret a souhaité compléter cette information par deux témoignages. Celui de Patrick Langlois, Président de la commission dégâts de gibier de la FDSEA du Loiret et celui de Jean-Noël Plessis, agriculteur dans le secteur de Briare, touché par les dégâts.
Interview de Patrick Langlois, président de la commission dégâts de gibier de la FDSEA du Loiret
En matière de gestion du sanglier, quelle est la situation actuelle du Loiret ?
« Ce problème est récurrent, jusqu’à maintenant les dégâts de sangliers avaientt été plus ou moins maîtrisés. Actuellement le sanglier a colonisé l’ensemble du département, dû à des surpopulations à certains endroits du territoire. Cette année avec les conditions météo, la population a littéralement explosée. Dû notamment à un laissé faire depuis quatre cinq ans de certaines propriétés de chasse qui ont élevées la chasse du sanglier au niveau industriel, aux dépens des agriculteurs. La majorité des chasseurs du département doivent donc payer les dégâts pour une minorité. Sur le département, 10 % des communes du Loiret représentent 80% du montant des dégâts ! »
La Fédération des chasseurs (FDC) a donc un rôle à jouer dans cette régulation, quelle est votre relation avec celle-ci ?
« Nous essayons de travailler en bonne intelligence avec la Fédération des chasseurs. Nous faisons abstraction des positions de Willy Schraen (président de la Fédération nationale des chasseurs) par rapport à la profession agricole. Dans le Loiret, nous avons avec la FDC renouvelé le schéma départemental cynégénétique en abaissant les seuils de classement de zone de dégâts. Cela augmente le nombre de zone et permet de déresponsabiliser les agriculteurs pour les problèmes de dégâts. Nous sommes en contact permanent avec la Fédération des chasseurs afin de désamorcer des conflits naissants où tout le monde aurait à y perdre. Cependant la Fédération des chasseurs à des moyens limités pour obliger les chasseurs à chasser, seul l’intervention de la préfecture permet de contraindre les gens à chasser.»
La situation n’est pas figée, en tant que président de la commission dégâts de gibier, dans quel sens aimeriez-vous que cela évolue ?
« J’aimerais qu’il y ait une baisse significative des populations, en demandant aux chasseurs de réduire la quantité d’animaux reproducteurs. J’attends un signal très fort de la préfecture pour responsabiliser les chasseurs devant tous ces problèmes de dégâts et de maladie à venir (peste porcine africaine) et surtout pour calmer les esprits dans la plaine. Dans la plaine les agriculteurs sont très remontés, nous avons peur qu’il se produise des drames.»
Témoignage de Jean-Noël Plessis, agriculteur dans le secteur de Briare
En tant qu’agriculteur touché, quelle est votre point de vue par rapport à la prolifération de sangliers ?
« Celle-ci n’est pas nouvelle, elle a tout simplement pris des proportions insupportables. Des réunions, comme indiqué dans le communiqué de presse sont organisées chaque année depuis longtemps sans aucun résultat, les agriculteurs du secteur ont l’impression désagréable de se faire endormir au cours de celles-ci « une fois par an ont vient essayer de calmer tout le monde et tout va bien ...».
La limite du tolérable a été dépassée.
Les populations explosent, preuve en est, les dégâts dans tous les espaces verts de la ville de Briare, nos champs ne suffisent plus à les nourrir...
Les tirs de nuits par les lieutenants de louveterie sont en cours, toutes les nuits, ils voient des sangliers et pas seulement quelques dizaines»
Quelles ont été les conséquences pour vous ?
« Les conséquences sont largement sous estimées, les dégâts directs sont évalués par des estimateurs de la FDCL, mais la procédure devient lourde quand elle se multiplie sans cesse, si bien que certains ne déclarent plus tout. Il y a en plus des dégâts indirects, par exemple :
- il nous a été impossible de désherber à l’automne car les herbicides agissent sous forme de pellicule sur le sol celle -ci ne doit pas être rompue après application.
- nous avons de nombreuses casses matérielles sur nos machines, à cause des trous dans les champs (rampes de pulvérisateur).
- nous devons adapter des assolements agronomiquement et économiquement illogiques (blés exclusivement barbus, pas de maïs dans des terres très argileuses pourtant les plus adaptées mais dans des zones trop sensibles) tout cela n’est pas comptabilisé. »
Pensez-vous que la pose de clôtures pourrait limiter les dégâts ?
« Les clôtures sont quasi inutiles dans nos secteurs à très forte population, si ce n’est en allant presque chaque matin les remettre en place les sangliers passant quand même, il faut également désherber dessous car le moindre contact avec de la végétation les rend hors service. Elles sont parfois en zone de non traitement (ZNT) il faut donc tondre plusieurs fois dans la saison, le plus simple est, hors ZNT, le glyphosate aidant mais jusqu’à quand ? Nous n’avons pas de temps à consacrer à cela.»
Comment pensez-vous que la situation va évoluer ?
« Je suis très inquiet, si rien ne se fait concrètement pour baisser significativement la population de sangliers, certains collègues envisagent toutes les méthodes qu’elles soient légales ou non ...»