Industrie.
« Aucune filière n'est foutue ! »
Construire l'avenir de l'industrie en région Centre : c'était l'objectif de la première conférence régionale de l'industrie.
« C'est une aberration de penser qu'une économie puisse uniquement reposer sur les services » a déclaré François Bonneau. Le président du Conseil régional s'exprimait ce lundi 7 avril à Orléans à l'occasion de la conférence régionale de l'industrie. Un événement organisé par le Conseil régional, la Chambre de Commerce et d'Industrie du Centre (CCI) et la Préfecture de région. Alors que le tourisme reste « fragile », « comment financer les services à la personne s'il n'y a pas d'industrie ? » s'est demandé le chef de l'exécutif régional.
Ce dernier a évoqué l'agroalimentaire : « Un gisement insuffisamment exploré. En outre, nous avons dans notre région une forêt qui exporte son bois pour être transformé ailleurs. Via les fonds européens, le Conseil régional entend mettre de l'argent afin que la transformation se fasse localement. » Vice-présidente de l'entité, Marie-Madeleine Mialot a poursuivi : « Le Conseil régional s'est positionné sur la rénovation thermique des bâtiments ainsi que sur la qualité de l'eau. »
Un tissu de sous-traitants
Selon Nicolas Chiloff, président de la CCI du Centre, l'industrie, le tourisme et l'agriculture constituent « les trois piliers de l'économie française ». D'ajouter : « 50 des emplois de service sont des emplois industriels externalisés : les services ont besoin de l'industrie. » Le tissu industriel régional est surtout composé de sous-traitants : « Il y a peu de donneurs d'ordres. » Les sous-traitants présents sur le territoire régional travaillent essentiellement de manière transversale. Ainsi, la mécanique de précision s'est déplacée de l'automobile vers des secteurs tels que l'aéronautique ou l'armement. « Un particularisme à développer. » Objectif : trouver de nouveaux débouchés alors que l'automobile tend à perdre de la vitesse.
Préfet de région, Pierre-Étienne Bisch s'est exprimé sur le thème de l'usine du futur : « Nous sommes à la recherche d'idées émanant du monde de l'entreprise et les meilleures d'entre elles seront intégrées au contrat de plan État-Région. » Le représentant de l'État a expliqué que « l'innovation [était] une condition primordiale » de la revitalisation industrielle d'un territoire. « Mais il faut tenir dans la durée et maintenir une tradition d'excellence. »
L'idée d'un mix énergétique
« L'énergie représente le point de départ du développement industriel » a déclaré Jean-François Dehecq, vice-président du Conseil national de l'Industrie (CNI) et ancien président de SANOFI-AVENTIS. « Le doublement en dix ans du coût de l'énergie est une catastrophe ! » D'où l'idée d'un mix énergétique : « Cela doit se faire progressivement et de manière pragmatique. »
« Des écoles dénigrent l'importance de l'industrie : ce sont les tenants du virtuel. Et ensuite on s'étonne que l'enseignement technique ne forme pas les gens dont nous avons besoin ! Or nous manquons de soudeurs et de gens alliant la tête et les mains. Des intellectuels, nous en avons assez ! » En France, 13 des ingénieurs proviennent de l'apprentissage ou de l'alternance contre 50 en Allemagne. Mais, auparavant, notre pays se situait à zéro. Alors...
Une menace pour la cohésion sociale
Le vice-président du CNI a lancé ce message rempli d'optimisme : « Aucune filière n'est foutue ! » L'intervenant a cité l'exemple du textile : « Cette filière augmente ses exportations de plusieurs dizaines de points par an. La France est devenue leader dans les textiles intelligents. (...) Si nous ne travaillons que sur les filières d'avenir, en dehors de quelques projets, cela fera flop ! L'argent du contribuable doit être utilisé dans des actions créant de l'emploi. Sinon, la cohésion sociale sera menacée et nous n'en sommes pas loin. »
Jean-François Dehecq a appelé l'Europe à se protéger du dumping social et autres distorsions de concurrence pratiqués par des pays comme les États-Unis, la Chine ou la Japon : « Si nous avions une Europe forte, nous aurions un patriotisme européen qui respecterait les particularismes régionaux. L'Europe est le seul continent ouvert à tous les vents ! »
L'homme achevé son intervention en ces termes : « Oui à l'innovation mais à condition de ne pas mourir demain pour ne pas mourir après-demain. En raison d'un manque d'investissements, notre outil industriel accuse un retard de trente ans. » Autant dire que la marge est grande !
Cinq ateliers et des actions à engager
Cinq ateliers thématiques figuraient au programme. Les voici, avec, pour chacun d'entre eux, les actions à engager :
- L'usine stratège : quelles opportunités offertes par les plans de la nouvelle France industrielle aux entreprises régionales ? Actions à engager : avoir une déclinaison des plans nationaux au niveau régional ; mettre en oeuvre une ingénierie financière orientée vers les entreprises ; apporter un appui direct aux entreprises (mise en réseau, étude de marché, etc.).
- L'usine en réseau : quels nouveaux modèles pour assurer la pérennité des groupements d'entreprises ? Actions à engager : avoir une approche business des groupements ; permettre la constitution d'offres globales ; favoriser la complémentarité des entreprises plutôt qu'une concurrence trop frontale ; se fixer des objectifs de marchés atteignables sur une courte durée (dix-huit mois) ; identifier et mettre à disposition des groupements les ressources régionales utiles (animations, conseils juridiques, lobbying auprès des banques, etc.).
- L'usine centrée sur l'homme : quelle place réserver à l'humain dans la performance globale de l'entreprise ? Actions à engager : communiquer positivement sur l'entreprise et pas uniquement en temps de crise ; donner du sens au travail : informer, communiquer et associer ; établir un guide des bonnes pratiques par une capitalisation des réussites ; accompagner les actions de formation élargissant la mutualisation des acteurs.
- L'usine efficiente et respectueuse de l'environnement : quel plan de modernisation pour une usine efficace et respectueuse de l'environnement ? Actions à engager : inciter à aller vers la Responsabilité sociale et environnementale ; aider au diagnostic environnemental ; inciter au développement de sa propre énergie ; soutenir les démarches des pôles de compétitivité ; soutenir les investissements propres, sûrs et sobres.
- L'usine innovante : comment exploiter les nouveaux leviers de la conception dans l'industrie (design, innovation services, nouvelles technologies de l'information et des communications) ? L'enjeu étant de maintenir l'emploi en France, l'action à engager est la suivante : impliquer l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise.
Le point de vue d'un agriculteur
Président de la FDSEA de l'Indre et membre du Conseil économique, social et environnemental régional, Hervé Coupeau a assisté à cette conférence régionale de l'industrie en qualité d'auditeur libre. À l'issue de la journée, il nous a confié ses impressions : « L'industrie subit les mêmes pressions sociales et environnementales que l'agriculture. Or les produits qui sont importés ne sont pas soumis aux mêmes règles. (...) L'objectif de la journée consistait à trouver des solutions pour dynamiser l'industrie en région Centre et créer des emplois. L'agriculteur que je suis était intéressé car lorsqu'on dynamise un territoire, cela profite aussi à l'agriculture : c'est un tout. »
Des positionnements différents
Les joutes verbales ayant opposé syndicats de salariés et dirigeants d'entreprises ont interpellé l'agriculteur : « Les uns et les autres n'ont pas le même positionnement : les entreprises veulent avoir des fonds de roulement et développer de nouveaux produits. Les syndicats, eux, parlent uniquement de sujets qui n'ont rien à voir avec la réalité des choses. Certes, ils défendent leur point de vue. Mais il faut que ce soit en phase avec la réalité. Sinon, il n'y aura plus d'emploi du tout ! »
« La situation de l'industrie régionale n'est pas bonne. Il faut former les jeunes aux métiers où il existe des emplois. » Durant la journée, il fut également question de chimie verte et de pôles de compétitivité : « Un cadre susceptible d'apporter des ressources à l'industrie et d'ouvrir des perspectives pour l'agriculture » a conclu le dirigeant syndical.