Élections Chambre 2025
Yohann Serreau : « Il faut arriver à représenter l’ensemble des productions et des producteurs»
Exploitant installé depuis 2014 à La Gaudaine (Eure-et-Loir) en polyculture-élevage, Yohann Serreau est à la tête de la liste portée par la FNSEA et Jeunes agriculteurs d'Eure-et-Loir pour les prochaines élections de la chambre d'Agriculture. Rencontre.
Exploitant installé depuis 2014 à La Gaudaine (Eure-et-Loir) en polyculture-élevage, Yohann Serreau est à la tête de la liste portée par la FNSEA et Jeunes agriculteurs d'Eure-et-Loir pour les prochaines élections de la chambre d'Agriculture. Rencontre.
Horizons : D'abord, quel bilan dressez-vous de votre rôle à la chambre d'Agriculture ?
Yohann Serreau : Il y a d'abord un fait, la diminution de l'élevage. C'est une évolution normale mais cela engendre une problématique, nous n'avons plus la capacité d'assumer seul un service élevage cohérent. Sur ces six ans, nous avons donc essayé de structurer les choses pour qu'il y ait toujours un service qui réponde aux attentes des éleveurs. C'est compliqué de se structurer avec d'autres. Nous avons créé Alliance élevage il y a quatre ans dans le but de sécuriser le conseil et le service en élevage avec l'Indre-et-Loire et le Loir-et-Cher pour qu'il y ait toujours des compétences à la hauteur des attentes et répondre aux éleveurs, tout en faisant en fonction des attentes de chacun. C'est ce qu'il faut parvenir à articuler pour qu'il y ait toujours ce service en Eure-et-Loir. C'est l'enjeu. En région, nous avons retravaillé les Cap filières*. Le conseil régional n'est pas toujours à l'écoute, il faut composer avec et faire en sorte que ce soit positif pour les éleveurs. C'est le rôle des élus Chambre. Et concernant l'identification, nous avons un EDE** à trois départements — avec le Loir-et-Cher et l'Indre-et-Loire — qui existe depuis 2008. Nous l'avons fait perdurer pour avoir un service de qualité à un coût abordable pour les éleveurs.
Dans un département plutôt orienté grandes cultures, le fait qu'un éleveur puisse devenir président de la Chambre, est-ce une gageure ?
C'est un challenge mais Éric Thirouin et Bertrand Petit m'ont proposé de le relever. Il y a une confiance totale. Mais si je suis éleveur, je suis aussi céréalier, j'en connais les problématiques.
Quel est selon vous le rôle de la Chambre ?
La Chambre a un rôle de représentation et d'influence, c'est le premier interlocuteur de l'État. Et l'agriculture eurélienne est bien plus diversifiée que l'image que l'on a. Il n'y a pas que des surfaces en Scop, il y a tous les élevages, des cultures industrielles, légumières… C'est très divers et c'est ce qui fait la richesse de l'Eure-et-Loir. Il faut arriver à représenter l'ensemble des productions et des producteurs, monter des projets pour l'agriculture. Le rôle de la Chambre est de démarrer ces projets pour que ça se structure, peut-être en prenant des risques. Nous aurons la volonté aussi de re-territorialiser la plus-value, pour les producteurs ou le territoire. La Chambre doit faire en sorte que tout s'accorde pour que cela fonctionne. Elle a aussi un rôle de vulgarisation, de recherche, d'impulser, de tester des choses — avec la Ferme expérimentale de Miermaigne et son partenariat avec celle de La Saussaye —, de valider leur faisabilité dans le temps ou encore objectiver ce qui n'est pas rentable.
Dans ce contexte de crise que nous vivons, que peut-elle apporter ?
Elle doit accompagner les agriculteurs pour les aider à prendre de bonnes décisions. Nous savons qu'en 2025, certains auront de grosses difficultés, c'est légitime. La Chambre aura pour rôle de les accompagner. Nous avons connu cela déjà en 2016, en 2020. Chaque situation sera particulière, il faudra trouver les bons leviers à actionner pour passer ce cap difficile, or la Chambre a une vision de tous ces leviers. L'intérêt du collectif est aussi d'amener du débat, débattre des décisions qui sont prises, avec des diversités d'origines, de cultures, d'attentes. C'est ce qui nourrit la discussion et permet de prendre les bonnes décisions. Plus le débat a lieu en amont, plus les décisions qui sont prises seront collectives et fortes, et plus la force de conviction pour les défendre est importante. C'est essentiel d'avoir ces débats avant d'aller négocier, que ce soit avec l'État ou les détracteurs, pour se défendre avec plus de conviction et de force.
Si vous êtes élu, quelle orientation donnerez-vous à votre mandature ?
Cela passera par de la communication, nous sommes encore très loin des attentes des citoyens. Ça a été entamé lors de la précédente mandature mais freiné par la crise Covid. Or, il y a besoin de ces échanges, d'expliquer ce que l'on fait. La plupart de nos détracteurs méconnaissent nos pratiques et ne se rendent pas compte de l'évolution immense de l'agriculture. Ce sera un point important. Et puis nous sommes des entrepreneurs. La campagne sera sur le goût d'entreprendre. Ça me tient à cœur. Sur le papier, nous ne sommes plus très nombreux mais dans la réalité nous faisons vivre tout un écosystème autour de nous, qui fait tourner l'économie. Nous sommes toujours dans l'innovation, l'amélioration, l'évolution et je pense que nous ne sommes pas au bout. La définition de l'agriculture, c'est s'adapter et évoluer. C'est là que l'on voit qu'en termes de communication, historiquement nous avons été très mauvais. La grande majorité est restée sur l'image d'Épinal d'une agriculture figée alors que nous sommes une profession qui n'a pas cessé d'avancer et qui continuera à être novatrice. En résumé, l'entrepreneuriat, l'innovation, la recherche et vulgariser tout ça pour que ce soit accessible aux agriculteurs…
*Contrats d'appui aux projets des filières. **Établissement départemental de l'élevage.
Qui est Yohann Serreau, tête de liste FNSEA-JA
aux prochaines élections de la chambre
d'Agriculture d'Eure-et-Loir ?
« Nous avons multiplié par deux la production »
Horizons : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Yohann Serreau : Je suis marié, père de quatre enfants et j'ai 40 ans. J'ai fait des études au lycée agricole de La Saussaye, à Sours, puis j'ai poursuivi par une école d'ingénieurs agri à Toulouse (Purpan). J'ai travaillé ensuite six ans chez PMA 28, comme responsable agronomique puis comme responsable de la transformation.
Nous sommes loin de l'élevage là…
Oui, mais après ces six années, je m'en suis rapproché en m'installant en 2014 sur l'exploitation familiale de La Gaudaine, dans un premier temps avec ma mère, jusqu'en 2018, puis mon cousin Ludovic m'a rejoint. L'exploitation était déjà en polyculture-élevage mais nous avons multiplié par deux la production laitière avec la mise aux normes. Aujourd'hui, nous avons 145 hectares, 65 vaches laitières pour une production de 750 000 litres par an. Une moitié de la surface est consacrée aux cultures fourragères : prairies permanentes, temporaires, luzerne, trèfle et maïs, l'autre aux grandes cultures : colza et blé. Et depuis un an, nous avons une unité de méthanisation collective — trois fermes, cinq associés — qui valorise les effluents et des Cive*, apportant une diversification et de l'engrais (digestat) sur l'exploitation.
*Culture intermédiaire à vocation énergétique.
Après avoir présidé le Service de remplacement, Yohann Serreau s'est engagé tout au long de ces années pour la défense de la filière laitière jusqu'à devenir président de l'Unell*. Il a été également l'élu référent élevage de la chambre d'Agriculture.
Horizons : Pouvez-vous nous parler de vos engagements ?
Yohann Serreau : Tout a commencé après mon installation par le Service de remplacement que j'ai présidé quelques années. Je me suis aussi investi dans le groupe lait de la Chambre (GDA Lait). C'est ce qui a façonné l'exploitation, par la découverte de plein de choses, bonnes et moins bonnes, qui m'ont permis de faire des choix, et la réflexion collective. Je pense que le collectif amène du bon sur les exploitations. Parallèlement je me suis engagé dans le canton avec la fédé, dans la section laitière et dans les organisations de producteurs (OP). Je suis entré au conseil d'administration de l'OPNC** en 2017, avec Jean-Luc Debray, et j'en ai pris la présidence en 2020. Il s'agissait de négocier les contrats laitiers et le prix du lait avec Lactalis. Je me suis également impliqué dans la section laitière régionale. Et depuis 2022, je suis le président de l'Unell*, l'OP de Lactalis. Dans le même temps, je suis entré au conseil d'administration et au bureau de la FNSEA d'Eure-et-Loir comme membre qualifié. Je suis aussi adjoint au maire de ma commune depuis 2019.
Et au sein de la chambre d'Agriculture ?
Je suis entré au bureau de la Chambre lors des dernières élections en 2018 pour être en charge de l'élevage et pour participer aux réflexions sur le secteur au niveau régional.
Qu'est-ce qui vous a poussé à vous engager de cette façon ?
La force du collectif. Je pense que c'est ce qui fait avancer les choses. D'ailleurs, je suis aussi président de la Cuma de la Berthe qui compte 45 adhérents. Sur la ferme, le matériel est à 80 % en Cuma. C'est le groupe lait qui a participé à ce que nous avons mis en place ici… Et politiquement, par exemple avec Lactalis, si nous arrivons à négocier, c'est parce que nous sommes regroupés au niveau local et national. C'est ce qui fait que l'on arrive à avancer. Pour tous les sujets, j'ai cette vision que c'est de manière collective que l'on pèse sur les décisions. C'est grâce à la représentativité que nous sommes reconnus et que nos paroles ont un poids. On peut tous hurler seul dans son coin de champ, c'est inaudible. Quand l'on représente des agriculteurs, qui ont adhéré ou qui ont voté, notre parole a un poids qui influe sur les décisions politiques ou stratégiques.
Cela vous confère une forme de légitimité…
Oui, cela permet de faire avancer les sujets, avec l'écueil que l'on arrive pas toujours à la totalité de ce que l'on veut. Mais plus nous avons de légitimité, plus notre parole à un poids. L'intérêt c'est d'être au service de…
*Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis.
**Organisation des producteurs Normandie Centre.
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