Agronomie
Quelles variétés de luzerne semer dans un contexte d’aléas climatiques ?
Dans la recherche d'autonomie fourragère et protéique en élevage et dans un contexte d'aléas climatiques, la luzerne est un levier majeur pour réduire la part de concentrés dans la ration.
Dans la recherche d'autonomie fourragère et protéique en élevage et dans un contexte d'aléas climatiques, la luzerne est un levier majeur pour réduire la part de concentrés dans la ration.
La culture de la luzerne fait l’objet d’une demande grandissante chez les éleveurs - variétés à semer, implantation, fertilisation, désherbage - et ce dans différents contextes pédoclimatiques. Pour les éleveurs de la région Centre-Val de Loire, la recherche de références sur la luzerne provient de la nécessité de gagner en autonomie fourragère et surtout protéique face aux aléas économiques et climatiques. Le cahier des charges de certaines appellations stipule également qu’une majeure partie de la ration annuelle des animaux, dont les fourrages, doit être produite localement. Les légumineuses, et en particulier la luzerne, constituent ainsi un levier majeur pour réduire la part de concentrés dans la ration et tendre vers l’autonomie.
La luzerne face aux aléas
Dans un contexte d’aléas climatiques toujours plus marqué, induisant notamment une augmentation de la fréquence et de l’intensité des sécheresses, la culture de la luzerne apparaît comme un levier à mobiliser dans la sécurisation des systèmes fourragers. Historiquement, ce sont des variétés dites « nord » ou de type flamande qui sont implantées dans notre secteur. L’adaptation de ces luzernes « nord » à forte dormance (indice < 6) pose question face aux variations climatiques. Des variétés dites « sud » aux dormances plus faibles (indice > 6) sont déjà cultivées en mélange avec des variétés nord en région centre. Ces variétés sud ont la particularité d’avoir une production plus étalée sur l’année (démarrage plus précoce au printemps et production plus tardive à l’automne) et seraient également plus résistantes à la sécheresse. Afin de tirer au maximum profit des caractéristiques de chaque variété, l’idéal serait ainsi de semer un mélange de différentes variétés complémentaires (nord et sud). Nous manquons cependant de références locales sur le potentiel tant productif que qualitatif de ces différentes variétés nord et sud. Se pose notamment la question de l’intérêt des mélanges de variétés pour sécuriser la production face aux aléas climatiques, ainsi que de la proportion de variétés sud à introduire dans le mélange.
Pour répondre à cette problématique un essai en micro-parcelles et cinq essais en bandes ont été implantés durant l’été 2021 dans différents contextes pédoclimatiques de la région. Des variétés nord et sud ont été semées seules ou en mélanges pour évaluer sur la durée de vie de la luzernière : le potentiel de production (rendements, valeurs alimentaires) de quatre variétés nord et trois variétés sud ; l’intérêt de mélanges de variétés concernant le maintien des niveaux de productivité et des valeurs alimentaires de la luzerne tout au long de la saison fourragère.
Essai en micro-parcelles (Arpheuilles, Indre)
Présentation de l’essai :
- parcelle : sol limono-argileux ; pH 6,6.
- précédent blé ; labour + rotative.
- semis le 17/09/2021 au semoir expérimental (largeur 1,5 m ; écartement 16 cm). semences inoculées.
- dispositif en 4 blocs randomisés : 10 modalités x 4 micro-parcelles de 30 m².
- mesure du rendement par récolte motofaucheuse.
- prélèvement d’un sous échantillon par modalité pour analyse de la valeur alimentaire.
- prélèvement d’un sous échantillon par micro-parcelle pour quantifier la part de luzerne et d’adventices.
Dates de coupe :
- coupe n°1 : 4 mai, stade début bourgeonnement.
- coupe n°2 : 14 juin (+ 6 semaines), stade début bourgeonnement.
- coupe n°3 : 20 juillet (+ 5 semaines), stade début floraison.
Résultats préliminaires 2022
Selon les modalités de luzerne testées et les dates de coupes, les niveaux de production s’échelonnent de 1,15 à 2,01 t MS/ha. Les cumuls de production sur les trois coupes sont quant à eux compris entre 4,55 et 5,35 t MS/ha pour la luzerne ; de 6,40 à 7,29 t MS/ha en ajoutant les adventices (Tableau 1). On notera l’effet bénéfique de la récolte sur la gestion du salissement, avec une diminution progressive et significative des adventices entre les coupes. Les adventices contribuent au rendement à hauteur de 43 % en moyenne en 1re coupe et de seulement 6 % en 3e coupe.
Par ailleurs, sur le cumul des trois premières coupes, les rendements les plus élevés sont observés pour le mélange 100 % nord (5,35 t MS/ha), la variété RGT Sabrina (5,31 t MS/ha) et le mélange 75 % Nord 25 % Sud (5,29 %) (Figure 2).
Les mélanges 100 % nord et 75 % nord 25 % sud atteignent voire dépassent les rendements observés pour les variétés les plus productives individuellement (RGT Sabrina et RGT Cybelle). Ce premier constat tend à montrer l’intérêt des mélanges de variétés pour sécuriser le niveau de production de la luzerne face aux variations climatiques.
Les analyses de valeurs alimentaires sur les trois premières coupes mettent en évidence des différences entre modalités, aussi bien au niveau des valeurs énergétiques que des teneurs en matières azotées (Figure 3). Les différences de valeurs observées semblent dans un premier temps fortement corrélées au pourcentage d’adventices (Figure 4). En effet, des écarts importants ont été observés, notamment entre les coupes 1 et 2 pour la MAT (de 16 à 20,8 % de MAT pour les différentes modalités en 1re coupe ; de 21,5 à 24,4 % de MAT en 2e coupe) (Figure 3b). Des écarts importants ont aussi été observés pour les teneurs en UFL, avec une chute progressive des valeurs entre les coupes 1 et 3 (Figure 3a).
Avec la régulation progressive des adventices, les analyses devraient dans un second temps nous permettre de distinguer les différences intrinsèques aux variétés/mélanges testés.
Cet article a été rédigé par le Programme Herbe et Fourrages Centre-Val de Loire, financé par le Conseil Régional et les fonds européens Feader.