Pa'dou, ou la patate douce acclimatée en Eure-et-Loir
Séverine et Rodolphe Pichard, installés sur leur ferme de Louasville, sont à l'origine de l'introduction de la culture de la patate douce en Eure-et-Loir.
Séverine et Rodolphe Pichard, installés sur leur ferme de Louasville, sont à l'origine de l'introduction de la culture de la patate douce en Eure-et-Loir.
« Le contexte agricole fait que tout le monde produit à peu près la même chose. De notre côté, nous devions trouver une nouvelle production pour couvrir les frais d'un salarié. Et j'aime la patate douce, les enfants l'aiment aussi... », confie Séverine Pichard, qui est donc, avec son mari Rodolphe, à l'origine de l'introduction de cette culture tropicale en Eure-et-Loir, plus précisément sur leur ferme de Louasville, à Theuville.
Séverine Pichard a un parcours atypique. En effet, elle fait parallèlement du conseil en entreprise à la tête de sa société Zen finances. Ce qui lui a valu d'ailleurs de recevoir le prix Fém'initiative, décerné par les chambres du Commerce et de l'Industrie et des Métiers et de l'Artisanat, en 2014.
« J'ai toujours eu envie d'allier l'agriculture à mon métier, j'ai toujours aimé ça », explique-t-elle. Ce qui deviendra réalité quand son mari reprendra l'exploitation familiale.
Elle crée aussi la société Pa'dou, qui se consacre à la commercialisation de la production de la ferme familiale.
L'histoire de cette acclimatation de la patate douce commence donc en 2016 : « J'en ai acheté une que j'ai fait germer, puis j'ai fait des plants que j'ai plantés dans mon jardin. Comme ça a marché, nous avons construit l'année suivante une serre de 250 m2 dans laquelle nous avons mis cinq cents plants que nous avions commandés. Tout a été planté et arraché à la main. Pas de souci jusque là, mais il fallait que cela marche dehors, en plein champ. Or la patate douce aime la chaleur et l'eau, les terres sableuses. Il a fallu faire en sorte que ça fonctionne ici... », relève Séverine Pichard, qui n'en dira pas plus cependant.
Et ils y sont parvenus. En 2018, ce sont 13 000 pieds qui sont mis en terre, tandis que la serre a été doublée pour assurer une production en cas de souci.
Le couple fait l'acquisition d'une machine pour la plantation et d'une autre pour soulever les patates douces à l'arrachage mais le processus reste essentiellement manuel car cette racine est fragile.En 2019, l'exploitation a consacré moins d'un hectare à cette culture et deux cette année, pour une récolte d'environ quarante tonnes.
Un bâtiment de stockage est construit en 2018, la patate douce ayant besoin d'un temps de maturation avant d'être commercialisée, c'est l'un des enjeux de cette culture pour assurer sa conservation. L'exploitation dispose également d'un frigo.
Le succès est très vite au rendez-vous : « c'était le défilé dans la cour », se souvient Séverine Pichard.
Du coup, le couple décide d'investir fin 2018, dans un distributeur automatique qu'ils installent sur leur ferme. Ils y proposent leurs patates douces bien sûr, des légumes d'été qu'ils cultivent depuis le printemps 2019 ainsi que des produits de leurs collègues producteurs fermiers.
De fait, cinq hectares de l'exploitation se convertissent en bio, là où poussent les légumes d'été, les courges et les patates douces qui alternent sur ces terres. La serre, qui n'est plus utilisée pour la patate, accueille désormais des tomates.
L'autre défi à relever pour l'exploitation est d'assurer la commercialisation de cette nouvelle production.
« Le plus gros passe par les GMS, souligne Séverine Pichard. Nous faisions les livraisons nous-mêmes, puis est arrivée la plateforme Sur le champ !. Ça a été une vraie opportunité, nous perdions beaucoup de temps dans les livraisons. Aujourd'hui, les trois quarts de la production passe par là ». Le reste est vendu dans le distributeur et auprès de quelques clients extérieurs.
Le dynamisme de Séverine Pichard, et le soutien sans faille de son mari, sont sans doute à l'origine de la réussite de leur petite entreprise : « Nous avons procédé étape par étape. Ce n'est pas tout de la planter et de l'arracher... Nous avons peut-être eu la chance d'être les premiers et aussi d'être têtus. Nous avons aussi créé une marque, l'idée étant de défendre une production locale et la volonté de travailler pour le client final ».
Et ils ne s'arrêtent pas en si bon chemin : Pa'dou propose aussi de la poire de terre et des frites de patates douces conditionnées sous vide, ce qui devrait leur ouvrir grand les portes de la restauration collective.
Hervé Colin