Moisson : « Nous n’avons jamais vu une situation aussi catastrophique »
Alors que seuls les orges d’hiver et quelques colzas ont pu être récoltés, la moisson s’annonce déjà comme l’une des pires que l’agriculture francilienne ait jamais connu.
« Historiquement mauvais », « du jamais vu », « la pire moisson du siècle », « une véritable catastrophe »... Depuis début juillet et les premières récoltes d’orge d’hiver, le moral des agriculteurs franciliens est au plus bas.
Après les fortes pluies et les inondations des mois de mai et juin qui ont apporté leur lot de complications en matière de désherbage et de maladie, la moisson a débuté avec plusieurs jours — voire plusieurs semaines — de retard.
Les pires craintes sont devenues réalités car ni le rendement ni la qualité n’est au rendez-vous dans un contexte où les prix sont au plus bas et les trésoreries, malmenées depuis des mois.
Dans tous les départements, la récolte de l’orge d’hiver est achevée et a provoqué de nombreuses déceptions. En moyenne, le volume de récolte est inférieur de 25 à 30 % par rapport à une année classique et la qualité est très moyenne.
« L’ensemble est globalement très décevant », confirme le directeur de la coopérative Ile-de-France sud, Hervé Courte : « Les rendements oscillent entre 30 et 60 qx/ha avec une moyenne qui s’établit autour de 50 qx/ha. Le calibrage est faible, environ 66, et le constat est identique pour le poids spécifique qui tourne aux alentours de 60. »
Plus au nord de l’Ile-de-France et dans le sud de la Seine-et-Marne, les coopératives Sevépi et Terres bocage gâtinais font le même constat avec toutefois un rendement légèrement plus élevé puisque la moyenne atteint 60 à 62 qx/ha.
Enfin, quel que soit le territoire, les récoltes ont révélé un taux de protéines trop élevé, atteignant 11,7.
« Tous ces paramètres donnent une qualité très moyenne et près de la moitié des orges brassicoles pourrait être déclassée en orge de mouture ou fourragère », s’alarme la coopérative Sevépi. Du côté de la coopérative Ile-de-France sud, le directeur se veut légèrement plus optimiste : « Le taux de protéines plafonne à 11,5. C’est une situation “moins pire” que celle attendue. Nous travaillons ardemment pour répondre aux cahiers des charges et devrions pouvoir honorer tous nos engagements contractuels. »
Dans les prochains jours, grâce aux conditions météorologiques, les récoltes de colza et de blé devraient cette fois battre leur plein. Avec, là aussi, des craintes immenses quant aux rendements et à la qualité.
S’agissant du colza, le directeur de Terre bocages gâtinais, Jean-Pierre Pichot, détient déjà quelques résultats peu encourageants : « Le rendement moyen est d’environ 28 qx/ha et la teneur en huile pose problème puisqu’elle plafonne à 40-42 lorsque habituellement, elle atteint les 45. »
Pour le blé, la situation est tout aussi alarmante. « Nous nous attendons à une extrême hétérogénéité avec des rendements allant de 15 à 70 qx/ha », estime Hervé Courte : « Le problème des mycotoxines semble s’éloigner selon les premières analyses mais nous allons avoir une teneur importante en petits grains et donc beaucoup de déchets. »
Pour les coopératives, gérer cette moisson est un défi sans précédent. « Nous n’avons jamais vu une situation aussi catastrophique », s’accordent-elles à dire.
« Nous sommes face à une situation complexe, inconnue jusqu’à présent », ose même Jean-Pierre Pichot : « Notre inquiétude est forte quant à la situation financière de nos adhérents et de la coopérative étant donné son activité réduite. »
Du côté de la coopérative Ile-de-France sud, les craintes sont identiques : « Cette situation, c’est du jamais vu. Auparavant, il y avait toujours un des trois critères au rendez-vous pour sauver la mise (rendement, qualité et prix, ndlr) mais là, nous faisons face à un défi économique et technique sans précédent malgré nos installations performantes pour traiter les lots du mieux possible. »
De l’avis de tous, le secteur céréalier francilien ne sortira pas indemne de cette moisson 2016.