Le fonds de compensation agricole porte ses six premiers fruits avec l'Adel
Pour présenter les premiers lauréats du fonds de compensation agricole, l'association Agri développement Eure-et-Loir (Adel) a organisé une conférence de presse le 25 octobre à Chartres.
Pour présenter les premiers lauréats du fonds de compensation agricole, l'association Agri développement Eure-et-Loir (Adel) a organisé une conférence de presse le 25 octobre à Chartres.
L'association Agri développement Eure-et-Loir (Adel) — qui rassemble l'État, la Région, les trois chambres consulaires et des représentants des filières longues, courtes et bancaires — organise, vendredi 25 octobre à Chartres, une conférence de presse pour présenter ses six premiers lauréats (lire encadré ci-dessous).
Elle se déroule aux côtés du préfet d'Eure-et-Loir, Hervé Jonathan, des représentants de la DDT, de la chambre de Commerce et d'Industrie, son président Bruno Rocquain, de la chambre de Métiers et de l'Artisanat, Michel Cibois, sous la houlette du président de l'Adel, Éric Thirouin.
Intégrer la perte de valeur ajoutée
Pour mémoire, l'Adel a été créée en 2019, et est chargée par la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDpenaf) de recevoir les différents projets susceptibles d'être soutenus par ces fonds versés au titre de la compensation agricole, instaurée en 2014. Celle-ci s'applique aux aménageurs consommant des terres agricoles et s'active à partir d'un hectare artificialisé. Elle vient en plus de la compensation environnementale, mieux connue, qui grignote elle aussi de la SAU…
« Cette compensation vise à intégrer la perte de valeur ajoutée sur l'activité agricole du territoire qui est une vraie perte économique pour le secteur, pointe Éric Thirouin. Il fallait défendre le fait d'intégrer cette perte dans les projets. Soit l'aménageur compense de lui-même en apportant une valeur agricole à son projet*, comme par exemple l'accueil gratuit de producteurs locaux dans une grande surface, soit il verse une somme qui doit servir à retrouver une activité supplémentaire, favorable au territoire et au développement de valeur ajoutée du secteur agricole ou agro-industriel ».
Collecte d'1,5 million
Le temps que les chantiers concernés s'achèvent, que les entreprises versent les sommes dues à la Caisse de dépôt et consignation, l'Adel s'est retrouvée il y a un an avec une somme assez conséquente. De fait, ce sont près d'1,5 million d'euros qui ont été collectés. « Nous allions enfin pouvoir avoir une action efficace plutôt que de distribuer de petites sommes », s'est réjoui son président.
L'Adel a donc lancé un appel à manifestation d'intérêt : « Ça nous a permis de voir quels types de soutiens nous étions susceptibles d'apporter. Nous partions d'une feuille blanche… Le premier objectif a été d'essayer de bien calibrer les choses. Peut-être qu'à l'avenir nous serons amenés à faire différemment pour être encore plus efficaces », explique Éric Thirouin.
L'Adel a lancé ensuite un appel à projets, fin juin. Ses administrateurs se sont réunis et ont sélectionné les six premiers projets pouvant percevoir une partie de ce fonds de compensation. Ils répondent à quatre critères : avoir un impact sur la chaîne de valeur agricole locale, avoir vocation à créer une filière innovante ou à redynamiser une filière, s'ancrer dans une démarche collective ou partenariale et être localisés en Eure-et-Loir.
Pour cette première sélection, près de 450 000 euros sont reversés sous forme de subventions, avec un plafond fixé à 40 000 euros, et/ou d'avances remboursables (prêt à taux zéro). Les projets sélectionnés ont été aussi choisis parce qu'ils étaient à proximité des entreprises ayant versé cette compensation agricole. Un deuxième appel à projets sera lancé prochainement, d'autres suivront.
Au plus grand nombre
« Si nous voulons ramener de la valeur ajoutée, ça passe par des chefs d'entreprise, des hommes et des femmes engagés qui ont envie de se battre. Notre rôle est d'être facilitateurs, d'accompagner cette dynamique. Et si nous pouvons apporter le bénéfice de cette compensation agricole au plus grand nombre, ce sera parfait », conclut Éric Thirouin.
*Soumis également à l'acceptation de la CDpenaf.
Six projets collectifs et qui apportent de la valeur ajoutée
La conférence de presse de l'Adel, le 25 octobre à Chartres, a été l'occasion pour les six lauréats du fonds de compensation agricole de présenter leurs projets.
Magasin de producteurs
À commencer par Adrien Pelletier, agriculteur installé en bio sur la Ferme d'Orvilliers à Broué, qui vient d'ouvrir en association avec quatre autres producteurs un magasin de produits bio et locaux de 150 m2, La Brouette, qui sera alimenté également par une trentaine d'autres producteurs. « Je suis très heureux de bénéficier de la compensation. Notre souhait est de fonctionner comme une coopérative en minimisant les marges pour redistribuer le plus possible aux fermes », explique-t-il. L'aide permettra d'équiper le magasin.
Trituration de colza
Le directeur de la société Le Ruisseau - Alizeol, Bruno Saillant, explique que son entreprise est spécialisée dans la trituration du colza (sans hexane) et presse quelque 8 000 tonnes de grain. La subvention perçue est destinée à automatiser l'unité de production et créer un laboratoire pour définir les propriétés physico-chimiques des huiles répondant aux besoins de ses clients. L'objectif est de doter le territoire d'un outil de transformation pour apporter de la valeur ajoutée à la filière. « L'Eure-et-Loir est le premier producteur de colza en France, et la valeur ajoutée s'en va », constate-t-il. « Depuis des années, je porte l'ambition de développer des outils de transformation euréliens, et ce projet est un parfait exemple de ce qu'il faudrait multiplier », souligne Éric Thirouin. À la fin de son propos, Bruno Saillant remercie vivement les services de l'État et la chambre d'Agriculture pour leur soutien efficace et loue la simplicité de la demande d'aide auprès de l'Adel.
Légumes secs
Romain Mercier, qui a repris en 2016 la Ferme de Louis à Terminiers, spécialisée dans la commercialisation de légumes secs, s'exprime à son tour. L'aide de l'Adel va lui permettre de financer un nouveau bâtiment et un nouvel équipement de triage et de conditionnement. La Ferme de Louis travaille avec une trentaine de producteurs locaux de lentilles et haricots. « Nous leur offrons la possibilité de produire pour nous avec un prix juste », souligne-t-il.
Légumerie
Le quatrième projet soutenu est celui de Fraîcheur de Beauce, la légumerie portée depuis quatre ans par Isabelle Decorte à Beauvilliers. Après quelques péripéties, la structure devrait démarrer à l'automne et proposer à la restauration collective des légumes prêts à cuisiner (4e gamme). La structure porte un volet de l'économie sociale et solidaire (ESS) en employant des salariés en insertion. Fraîcheur de Beauce souhaite aussi faire profiter d'autres producteurs de ses débouchés dans le cadre de contrats gagnant-gagnant. L'aide de l'Adel va venir financer du matériel.
Andaineuse
Deux agriculteurs de la Cuma des Jonqueuses, Frédéric Bellanger et Sylvain Cousseins, interviennent ensuite. Forte de treize membres installés dans le secteur compliqué des franges euréliennes de l'Île-de-France, elle se redynamise depuis quelques années en se fixant pour objectif de trouver de nouvelles productions et de réduire les phytosanitaires. Face à la problématique de gestion des adventices, la Cuma va investir grâce à l'Adel dans une andaineuse et lancer des tests sur les cultures de sarrasin, de blé dur, de blé tendre… « Les phytosanitaires ont leurs limites, il faut trouver des solutions », estiment-ils.
Atelier de transformation
Enfin, Anna Stépanoff, installée depuis 2023 en maraîchage bio-intensif sur la Ferme de Lignerolles au Thieulin, souhaite développer « un lieu d'expérimentation et de partage ». Avec l'aide de l'Adel, elle va doter l'exploitation d'un atelier de transformation pour créer davantage de valeur sur place. « J'ai été formée à la transformation artisanale à Florac (Lozère) et je voudrais pouvoir former à mon tour grâce à cet atelier », précise-t-elle. Sa ferme deviendra bientôt un centre de formation au BPREA (Brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole) en alternance avec un module transformation. L'atelier pourra aussi accueillir des ateliers pour le grand public et être utilisé par d'autres agriculteurs.