Chambre d'Agriculture
La guerre en Ukraine s'impose en session
Les membres de la chambre d'Agriculture d'Eure-et-Loir se sont réunis en session le 14 mars à Chartres, sur fond de conséquences de la crise russo-ukrainienne.
Les membres de la chambre d'Agriculture d'Eure-et-Loir se sont réunis en session le 14 mars à Chartres, sur fond de conséquences de la crise russo-ukrainienne.
Il nous arrive souvent de dire que l'ordre du jour de la session des membres de la chambre d'Agriculture d'Eure-et-Loir est chargé mais ce 14 mars, c'est l'actualité de la crise en Ukraine qui s'est chargée de remplir quasiment tout l'espace de ses travaux.
Le Green deal et la guerre
Aussi, après avoir constaté que le compte financier 2021, présenté par l'agent comptable de la Chambre, Véronique Damour, était sain et reflétait une bonne gestion comptable, la parole a été donnée à Thierry Pouch, membre de l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'Agriculture). Son analyse du Green deal par temps de guerre a servi à lancer le débat. De fait, il a relevé que les marchés des matières premières, énergétiques et agricoles, étaient orientés à la hausse depuis la reprise post-Covid, puis le conflit russo-ukrainien n'a fait qu'amplifier les choses.
Il en a souligné les conséquences comme l'alourdissement des charges pour les exploitants, les problèmes de disponibilité et du prix des engrais, l'impact sur la sécurité alimentaire pour les pays importateurs et le danger pour le secteur de l'élevage. Concernant le Green deal : « Si l'Europe l'applique, il y a un risque de décrochage de l'agriculture, une baisse des exportations, des revenus et une hausse des importations ». Selon lui, l'Union européenne est à l'heure des choix agricoles difficiles mais elle a son rôle à jouer et la France en premier lieu : « Nous avons en poche un certain nombre d'atouts ».
Enjeu de souveraineté
Partant de ce constat, le président de la Chambre, Éric Thirouin, a ouvert le débat : « La position des organismes que je peux représenter au-delà de la Chambre d'Eure-et-Loir est claire. Aujourd'hui, il y a cet objectif de Farm to fork, par rapport au changement climatique, qu'il ne faut pas abandonner, mais on y rajoute un enjeu qui est la souveraineté alimentaire, soit nourrir notre pays, notre Europe et la planète entière. Il faut que l'on arrive à faire les deux. Et j'ai toujours dit que l'on pouvait y arriver ». Pour lui, dès aujourd'hui se pose donc la question de savoir s'il ne faut pas « dans cette situation de guerre, remettre en production les surfaces en SIE, en jachère, pour pallier un manque d'alimentation animale en France. On a vu par le passé des guerres pour le pétrole mais l'enjeu essentiel, c'est l'alimentation matin, midi et soir. C'est un enjeu crucial. Or, si l'on regarde ces trois dernières années — il évoque par exemple des actions de lobbying —, la Russie semble avoir préparé son coup ».
Une récolte tendue
Éric Thirouin a évoqué également une prochaine récolte qui s'avère d'ores et déjà compliquée par des soucis de sécheresse au Maroc, des difficultés en Chine, auxquelles s'ajoutent celles qu'auront les agriculteurs ukrainiens à réaliser la leur et le blocage des ports de la Mer Noire : « Même sans la guerre elle aurait été tendue. Là, on est sûr qu'il y aura des pénuries ».
De nombreux membres de la Chambre se sont exprimés. Ils ont évoqué les risques autour du transport, de l'impossible répercussion de la hausse des engrais sur certaines productions, les pénuries éventuelles, le cas particulier des entreprises de travaux agricoles, les énormes besoins de trésorerie… Puis l'élu en charge de l'élevage, Yohann Serreau, est intervenu pour dire que dans ce secteur : « Ce sont les producteurs de viande blanche, volaille et porc, qui souffrent le plus. Ils connaissent déjà un vrai effet ciseaux qui risque de déboucher sur une crise très grave ».
Pour le président, prenant les représentants de l'État à témoin, les travaux se déroulant en présence du secrétaire général de la préfecture, Adrien Bayle, et du directeur des Territoires, Guillaume Barron : « Tout est en train de s'allumer en dominos, les sujets les uns après les autres. C'est notre rôle de responsable agricole de prendre un peu de recul. Car au-delà des situations individuelles, il faut comprendre que tout est chaîné ».
Soutien aux Ukrainiens
Les travaux se sont poursuivis dans la même veine avec le traditionnel tour de l'actualité agricole d'Éric Thirouin. Après avoir affirmé le soutien du monde agricole eurélien au peuple ukrainien, et plus particulièrement à ses agriculteurs entrés en résistance, et avoir assuré que la Chambre ferait tout pour aider à l'accueil des réfugiés, il a redit que la crise rappelle le rôle stratégique de l'agriculture dans les équilibres politiques du monde.
Dans son propos, il a demandé que cesse sans délais cette orientation de l'Europe qui veut que l'on laisse 4 % des terres en jachère, pour redonner de la flexibilité aux exploitations et répondre à tous les enjeux de production, comme celle de produire de la protéine pour l'alimentation animale. Une volonté affirmée avec d'autres, à travers une délibération voté à la suite, pour demander des mesures d'urgence pour la résilience de l'agriculture dans ce contexte. Une seconde délibération a été adoptée également, au sujet du risque de voir interdire l'usage de produits phytosanitaires en zone Natura 2000 et une troisième sur la complexité et la place du département dans le dispositif des Maec (Mesures agro-environnementales et climatiques).