Forte mobilisation agricole à Chartres mardi
Mardi 2 février, la cité administrative à Chartres a été assiégée toute la matinée par les agriculteurs de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs d’Eure-et-Loir. L’ensemble des filières, avec le soutien des organisations professionnelles, réclame d’abord d’être entendu.
Dès l’aube, plus de deux cents agriculteurs et pas moins de soixante-dix tracteurs investissent la cité administrative au centre de Chartres. Leur objectif, en ce mardi 2 février, est de bloquer les entrées des différentes administrations afin qu’elles ne puissent pas travailler.
Les forces de l’ordre, avec une centaine d’hommes engagés, limitent la progression des manifestants mais ceux-ci parviennent à leurs fins en début de matinée. Et si quelques employés de différents services arrivent jusqu’à leurs bureaux, la plupart font demi-tour : « Nous comprenons leur colère, surtout celle des éleveurs, mais nous aimerions aller travailler aussi... », pointe l’une d’elle.
La manifestation se déroule sous un fin crachin breton. On peut y voir une forme de solidarité avec les éleveurs de cette région souvent confrontés à des situations critiques.
« Mais ici c’est différent », note Pascal Trécul, éleveur et président de la section bovine de la FDSEA : « Nous sommes en polyculture-élevage. Souvent, le cours des céréales nous permet d’équilibrer nos comptes, mais là, la filière viande est touchée depuis longtemps et les céréales ne compensent pas. Tous les matins, je me lève et je mange de l’argent. Qui d’autre travaillerait pour rien ? Nous sommes en train d’envoyer nos familles dans le ravin... », relève-t-il.
En dépit d’une tension palpable, renforcée par la présence de forces de l’ordre sérieusement arnachées, la manifestation se déroule sans débordement. « La cité administrative, c’est le symbole de l’État. Il nous empêche de travailler tous les jours alors nous les empêchons de travailler, au moins aujourd’hui », explique Jean-Michel Gouache, le président de la FDSEA.
Il ajoute : « Nous voulons être entendus par l’État. On nous écoute, mais on ne nous entend pas. Il y a pourtant des mesures qui pourraient être prises rapidement. »
Une fois le dispositif mis en place par les agriculteurs en bloquant les issues, en déversant quelques pneus, en cadenassant des grilles, en bloquant des portes, ils tiennent leur position. Le temps qu’une délégation syndicale d’une demi-douzaine de personnes, emmenée par le président de la FRSEA du Centre, Éric Thirouin, rencontre le préfet Nicolas Quillet et Jean-François Reverchon, le directeur des Territoires. La rencontre dure près d’une heure et demie, temps mis à profit par les manifestants pour se réchauffer un peu et manger une des crêpes concoctées par les équipes syndicales, Chandeleur oblige...
À l’issue de l’entrevue, les présidents de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs grimpent sur une remorque et prononcent leurs discours après avoir observé une minute de silence à la mémoire de Gilles Égasse, grande figure du monde agricole eurélien disparue prématurément.
« Je suis surpris par la force de la mobilisation et le nombre de tracteurs », souligne Jean-Michel Gouache, qui rapporte : « Le préfet est d’accord sur certains points et moins sur d’autres... »
Il lance : « Aujourd’hui, nous n’avons plus de compétitivité sur nos exploitations. Nous avons un ministre, aujourd’hui, qui l’est en dilettante, plus porte-parole du gouvernement que ministre de l’Agriculture. Les problèmes sont suffisamment nombreux et répétés depuis un an, pour qu’il se consacre à plein temps à son ministère et fasse avancer les choses. Si les prix ne se décrètent pas à Paris, ils se décident à Bruxelles. Il pourrait aller frapper à la porte de la commission et demander la réunion d’un conseil des ministres, c’est urgent ! »
« Aujourd’hui les prix sont ce qu’ils sont », constate-t-il : « Il faut donc travailler à la limitation des charges. Nous demandons la mise en place de la TVA sociale, instituée par Nicolas Sarkozy et détricotée par François Hollande. Ça se fait déjà, notamment en Espagne, et quand on voit son niveau de compétitivité on peut s’en inspirer. Nous demandons également l’extension du CICE à tous les exploitants, même s’ils ne sont pas employeurs. »
Pour l’élevage : « Une chose pourrait être mise en place rapidement si tout le monde se met autour de la table : un fonds de soutien. Il suffit qu’au bout de la chaîne, le litre de lait transformé, par exemple, soit vendu quelques centimes plus cher et que ces sommes soient redistribuées aux éleveurs. C’est demain qu’il le faut, pas dans six mois ou un an... »
Les agriculteurs ont levé leur siège en début d’après-midi, non sans avoir consciencieusement répandu le contenu de quelques remorques devant la préfecture.