Florence Colas : une installation dans un fauteuil
« J’ai été fauchée en pleine gloire », glisse Florence Colas avec la pointe d’ironie nécessaire, quand elle explique ce qui lui est arrivé. « Je faisais tourner un centre équestre du côté de Rambouillet, ça marchait du tonnerre... Jusqu’à l’accident. »
Un accident de ski qui laisse la jeune femme dans un fauteuil, paraplégique. « Une paraplégie incomplète », précise-t-elle, « je conserve un peu de mouvements... » C’était en mars 2006. S’en suit une phase de réparation, physique, morale... et financière. C’est-à-dire qu’elle doit mener la bataille juridique pour son indemnisation : « C’est très long », souffle-t-elle : « et ce n’est pas fini... »
Florence Colas passe inévitablement par une période de recherche : « J’ai pensé me recycler, mais j’aime trop les gens et les chevaux... Si aimer les chevaux ne prépare pas au métier d’enseignant, c’est un choix que j’assume, c’est ce que je veux depuis toute petite. Au bout de quinze ans, j’étais un peu fatiguée... Peut-être que l’accident est arrivé au bon moment. Ça m’a permis de faire une pause... Tout métier a ses mauvais côtés et ceux-là, je les connais », pointe-t-elle.
Sa décision est prise. L’idée d’ouvrir son propre centre équestre prend forme en 2010. Elle se met en quête d’installation, contacte la Safer d’Ile-de-France, qui contacte celle du Centre, qui lui propose cette ferme de Blandainville, à quelques kilomètres d’Illiers-Combray, en Eure-et-Loir : « C’est exactement ce que je cherchais : une habitation, la possibilité d’installer un centre et quelques hectares de prairie. Ici, il y a une bonne rencontre entre le projet et le lieu », sourit-elle.
De fait, la ferme est superbe. Et son handicap ne sera pas un frein : « Au contraire, c’est une motivation ! On est obligé de se dire que l’on va faire les choses autrement. L’idée de repartir différemment a été un bon moteur. Et je suis persuadée qu’avec ce qui se draine autour du handicap, je surfe sur une vague positive. C’est motivant... Mais techniquement, c’est l’enfer », relativise-t-elle.
Florence Colas investit dans un quad — « ça se conduit avec les mains et c’est un bon moyen pour aller dans les prés où les carrières... » — et dans un dispositif motorisé pour monter et descendre de cheval. « Je suis consciente d’avoir des capacités limitées... Avec les cavaliers autonomes, pas de problème. Pour les autres, j’ai embauché quelqu’un du coin. J’ai envie de construire quelque chose avec plus d’échanges, que tout ne repose pas que sur moi », précise-t-elle.
En attendant, le centre équestre devrait être opérationnel cet été. « Si tout se passe bien, les travaux pourraient être achevés fin juillet », espère Florence Colas, qui, du coup, n’hésiterait pas à ouvrir son centre équestre dans la foulée, le 1er septembre au plus tard.
Sur le plan qu’elle déploie sur la grande table de son bureau, tout est là : les boxes, le manège, la carrière, le club house, le parking et des prés tout autour. « Rien de phénoménal. Ça devrait rester à dimension humaine. » En tout cas, une chose est sûre : tout le territoire attend cette ouverture.
Florence Colas dit n’avoir pas perçu de regards négatifs posés sur elle ou son handicap : « Honnêtement, on ne m’a pas mis de bâtons dans les roues. Je n’ai pas eu d’aide particulière non plus... Là où ça se complique, c’est qu’à plus de quarante ans, il n’y a plus d’aide à l’installation. Au niveau sous, il faut pouvoir se débrouiller seul. Handicapé ou pas, il n’y a pas de différence. C’est juste frustrant de ne plus pouvoir faire ce que je faisais avant, je ne peux rien faire si je suis seule... » Gageons qu’elle ne le restera pas.