Éric Sanceau : une autre voie pour l’élevage
À Auffargis (Yvelines), Éric Sanceau conduit un élevage bovins atypique. Races anciennes, musique classique dans l’étable... Rencontre avec celui qui aspire à ce que d’autres empruntent sa voie.
Imaginez. Un élevage bovins comptant jusqu’à 160 têtes avec près d’une dizaine de races différentes — pour la plupart anciennes, voire préhistoriques —, le tout nourri exclusivement à l’herbe et au foin et bercé quotidiennement par les œuvres diffusées sur Radio Classique.
Imaginez. Un élevage d’exception qui produit une viande d’exception, valorisée au juste prix grâce à un partenariat avec... un hypermarché local.
Impensable ? Improbable ? Irréaliste ? C’est pourtant une histoire vraie. Celle d’Éric Sanceau.
Cet ancien cavalier de saut d’obstacles international s’est tourné vers l’élevage bovin il y a une petite dizaine d’années. Dans sa ferme de la Petite-Hogue, à Auffargis (Yvelines), chevaux et bovins se côtoient sur 150 hectares.
L’éleveur a pris le parti de se tourner vers des races anciennes : aubrac, aurochs, salers, hereford, parthenaise, aberdeen-angus... et plus récemment, la saosnoise dont il ne reste que 400 têtes en France. « Je suis contre la standardisation des élevages, martèle Éric Sanceau. Je suis un fervent défenseur du goût, de l’authenticité et de la qualité accessible à tous ».
L’autre préoccupation principale de cet éleveur, c’est le bien-être de ses pensionnaires. Éric Sanceau est d’ailleurs membre de l’Association en faveur de l’abattage des animaux dans la dignité (Afaad).
Pour ses bêtes, il a choisi l’abattoir de Vendôme (Loir-et-Cher) pour ses méthodes sans stress et sans brutalité et milite pour le développement des abattoirs mobiles.
L’hiver en étable, les bovins ne mangent que du foin issu de la ferme et quand vient la belle saison, les bêtes sont mises à l’herbe. Éric Sanceau pratique le pâturage tournant dynamique, travaille uniquement en sursemis et ne met aucun intrant.
« Le seul apport dans nos parcelles, c’est notre fumier, mon or noir, confie-t-il. Grâce à cela, mes terres comptent jusqu’à deux tonnes de lombrics à l’hectare ! ».
L’éleveur ne donne ni céréales, ni ensilage à ses animaux, c’est « le seul moyen pour que la viande contienne autant d’oméga 3 que d’oméga 6, le must du must pour notre santé », ajoute Éric Sanceau.
Les méthodes de l’éleveur yvelinois lui permettent de produire une viande d’exception. Les grands chefs étoilés ne s’y trompent pas. Frédéric Vardon (le 39V), Laurent Trochain (Numéro 3) et Frédéric Larquemain (Trianon Palace) font partie de ses clients, de même que plusieurs chefs de restaurants voisins, dont l’abbaye des Vaux de Cernay et l’Auberge de l’Élan.
Mais Éric Sanceau a noué un partenariat tout particulier avec Laurent Ghérardi, le propriétaire de l’hypermarché Leclerc de Rambouillet, situé à moins de dix kilomètres de la ferme. Une grande partie des bovins élevés par Éric Sanceau sont proposés à la vente via cette filière courte.
« De l’abattoir, les carcasses vont directement dans les laboratoires de l’hypermarché où les bouchers font la découpe. La viande est ensuite vendue au rayon boucherie du magasin », explique l’éleveur qui assure que c’est grâce à ce partenariat et à ce prix rémunérateur que son élevage « tourne aussi bien ».
« Je suis la preuve que c’est possible. Mon modèle fonctionne avec deux salariés, est parfaitement équilibré économiquement et est reproductible ailleurs. Je suis prêt à ouvrir la ferme à tous ceux qui voudraient se renseigner pour se lancer. Les élevages sont trop standardisés aujourd’hui et les éleveurs sont trop en difficulté. Il faut changer le logiciel. Je suis un agriculteur heureux et je ne dois pas être un modèle unique ». L’appel est lancé.