[Crise agricole] « Nous travaillons en coordination avec tous les acteurs »
Depuis 2015, Anne-Sophie Jurkiewicz reçoit les agriculteurs en difficulté au sein d’Aidagri. Elle témoigne de son activité depuis le début de la crise.
Horizons : Quelles ont été les conséquences de la crise sur votre activité ?
Anne-Sophie Jurkiewicz : Il y a eu une forte accélération après la récolte 2016. Nous avons traité une quarantaine de dossiers sur un semestre, soit plus que sur une année normale. Et comme ils ne se résolvent pas forcément en un an, nous avons beaucoup qui seront toujours suivis cette année. Pour 2017 nous devrions en avoir environ quatre-vingt à traiter. C’est pourquoi nous avons recruté une deuxième personne au début de l’année, Mérédith Maurine, qui sera chargée du suivi.
Comment sont traités ces dossiers ?
Nous travaillons en coordination avec tous les acteurs. Nous organisons des tables rondes pour accélérer le traitement. Nous sommes dans le dur, surtout quand c’est cumulatif, avec des problèmes avec une banque et une coopérative par exemple.
Constatez-vous des problèmes avec des profils d’exploitation particuliers ?
Non, les exploitants en difficulté viennent de tout le territoire, de toutes les filières — élevage, grandes cultures, spécialisés — et sont de toutes tailles. Un quart de nos dossiers viennent de grosses exploitations laitières qui viennent de se moderniser, leurs problèmes proviennent d’investissements très importants et nous avons peu de latitude pour travailler sur ces dossiers... En grandes cultures, le problème est dû soit au matériel, soit à la main d’œuvre. Il y aura d’ailleurs un travail post-crise à faire pour essayer de comprendre pourquoi, identifier les points qui peuvent ressortir.
Dans quel état psychologique sont les personnes qui viennent vous voir ?
Nous ne voyons pas les gens quand ils sont au plus bas. Quand ils viennent, ils sont pris en charge et sont dans une dynamique plus positive. Notre but est de les mettre en mouvement. Quelques uns sont plus en difficulté et se posent plus de questions, surtout dans le secteur du lait ou du porc. Leur problème, c’est la visibilité. Et parfois, même en soldant la ferme, on ne solde pas le dossier...
Avez-vous le sentiment de voir tous les agriculteurs en difficulté ?
Non, notamment dans l’élevage, nous avons plus de mal à les faire venir ici. Ils essayent plus de se dépatouiller par eux-même et font le dos rond en attendant que ça reparte... Ils ont déjà connu d’autres crises avant...
Arrivez-vous à trouver des solutions pour chacun ?
Nous arrivons à trouver des alternatives pour pas mal d’entre eux. L’objectif premier est le maintien de l’exploitation. Et la décision finale revient à l’exploitant. Nous n’avons que peu d’échecs au niveau des tables rondes. La règle est la transparence pour tous, pour que les créanciers se positionnent et que tout le monde avance dans le même sens. Et ça fonctionne très très bien. Chacun y met de la bonne volonté, se rend disponible, la confiance s’établit. Par rapport à la crise, j’ai le sentiment qu’on s’est bien débrouillé, mais si la récolte 2017 est mauvaise, nous allons avoir un souci...
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