Arnaud Travers : « Il faut toujours proposer des choses nouvelles »
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le gérant des Pépinières Travers dresse un panorama de l’entreprise : produits, positionnement sur le marché, conjoncture et nouveautés.
Loiret agricole et rural : L’entreprise est née en 1870 : quelles ont été les grandes étapes de son évolution ?
Arnaud Travers : L’entreprise a été créée par le grand-père de mon grand-père. Il faisait du maraîchage et de la vigne car à l’époque il n’y avait ni vacances ni RTT : il fallait se nourrir ! Le seul plaisir qu’il avait consistait à cultiver des clématites et les gens qui venaient acheter des légumes lui demandaient ce qu’était cette bête qui fleurissait sur ses murs et il a commencé à multiplier ses premières clématites en 1870. Depuis, cela s’est transmis génération après génération. Durant les deux guerres, les collections ont été conservées. Autre étape significative : lorsque mon grand-père prit les rênes de l’entreprise, il y avait trois salariés. Quand mon père lui succéda, il passa à plus de trente et s’ouvrit à l’export. Aujourd’hui, nous sommes quarante et nous vendons aussi bien sur toute la France (jardineries, pépiniéristes et paysagistes) qu’à l’export (Europe et pays tiers via notre groupement d’exportation Plandorex).
LAR : Qu’est-ce qui vous passionne dans la clématite ?
A.T. : Ce qui est passionnant dans la clématite, ce sont toutes les présentations qu’elle peut avoir. Toute la diversité des fleurs, aussi différentes en couleurs qu’en périodes de floraison. Je peux vous fleurir un jardin toute l’année avec plusieurs clématites puisque nous en avons même qui fleurissent entre novembre et février. Vous avez aussi des fleurs de formes et surtout de hauteurs de pousses différentes : certaines clématites adultes ne font que cinquante centimètres alors que d’autres grimpent à plus de dix mètres ! Vous avez donc des utilisations totalement différentes. Il y a des clématites qui sont couvre-sol, qui ne s’accrochent pas et qui redémarrent tous les ans de la base comme une plante vivace. D’autres variétés traditionnelles qu’on met sur des treillages font deux ou trois mètres de haut. On peut également les associer à des arbustes ou des rosiers grimpants : c’est encore plus intéressant. Pensez aussi à fleurir vos haies et vos arbres ! Par exemple, une haie de thuyas, c’est triste. Alors que, quand vous mettez une clématite qui fait cinq mètres de haut voire plus, elle court dans la haie et vous avez une haie fleurie.
LAR : Comment cultive-t-on une clématite dans son jardin ?
A.T. : Les tiges d’une clématite sont fines : elles ne sont pas fragiles mais on n’a pas beaucoup de matière végétale. Une clématite boit mais peu à chaque fois. Surtout, pas de goutte-à-goutte au pied de la plante : l’excès d’eau constitue le premier facteur de mortalité ! Si vous avez un terrain argileux, drainez-le fortement ! Sinon, en hiver, la plante peinera de l’excès d’humidité à son pied. Deuxièmement, après avoir planté la clématite, taillez-la tous les ans à la sortie de l’hiver : une tige sur deux à cinquante centimètres du sol ! Ainsi, vous avez toujours de nouveaux départs de la base. Et une plante feuillée de bas en haut avec un maximum de fleurs.
Une écoute attentive de ce qui se fait ailleurs
LAR : Il y a quelques années, l’entreprise s’est ouverte à l’export : qu’est-ce qui a motivé cette démarche ?
A.T. : L’export représente un autre débouché. Différent puisqu’il s’agit, non plus de ventes en conteneurs, mais de jeunes plants. Cela résulte des relations que nous avions avec d’autres collectionneurs à l’époque de mon père : nous avons beaucoup voyagé afin de faire des échanges avec d’autres obtenteurs. Ces exportations se font également via Plandorex, notre groupement d’exportateurs : nous sommes cinq pépiniéristes d’Orléans ayant chacun sa spécialité. Grâce à cette organisation, Plandorex propose un catalogue très large. Et nous avons des moyens en commun : représentants, bâtiments, etc. Pour moi, l’exportation, c’est très important même si, ramené à la plante, le chiffre est plus petit. Quand vous vendez un jeune plant à un euro, voire moins car on est vraiment sur le bébé, le chiffre d’affaires n’est pas le même que quand vous vendez de gros conteneurs. Par contre, cela vous permet d’avoir une diversité en termes de variétés : celles qui se vendent bien en Angleterre ne sont pas les mêmes que dans les pays de l’Est ! Vous conservez une écoute attentive de ce qui se fait ailleurs et ne restez pas enfermés dans ce que vous savez faire : il faut toujours proposer des choses nouvelles. En outre, nous sommes Collection nationale de clématites pour la France : cela nous oblige à conserver cette diversité variétale.
LAR : Un mot sur la conjoncture : quelle est la situation de l’entreprise ?
A.T. : Ce qui est important, ce n’est pas notre entreprise, ce sont nos clients. Quand ces derniers vont bien, nous allons bien également. Quand nos clients vont moins bien, ce n’est jamais tellement rose non plus pour nous. Le monde de la jardinerie traverse une crise : le secteur se cherche et le consommateur a changé. Ce n’est pas simple pour nos clients. Nous sommes là pour leur proposer des solutions afin d’améliorer leurs ventes. Nous sommes les premiers en France à avoir créé des mobiliers spécifiques pour présenter les plantes grimpantes en magasin : une plante grimpante a un tuteur et est haute. Elle tombe avec le vent et n’est pas facile à arroser. Depuis plus de dix ans, nous proposons des meubles pour présenter et rendre plus ludique la plante grimpante en magasin.
Des billes de parfum sur les étiquettes
LAR : L’entreprise est inscrite dans une démarche de protection de l’environnement : de quoi s’agit-il et comment parvenez-vous à concilier performance économique et performance environnementale ?
A.T. : Cette stratégie résulte d’un choix personnel de ma part. L’entreprise possède deux normes environnementales : MPS, référence européenne, et Plantes Bleues. Cette seconde distinction fait suite au Grenelle de l’environnement. Nous n’utilisons plus aucun désherbant mais une méthode alternative à base de paillage. Nous faisons dans notre pot ce que je conseille sur notre site internet concernant la plantation : la taille, l’arrosage et un paillage. Ce dernier permet une économie d’eau puisque celle-ci ne s’évapore pas à cause du soleil. Le paillage fait couverture sur le dessus du pot : la mauvaise herbe ne germe pas. Économiquement, cela fonctionne. Nous avons comparé avec ce que nous faisions avant. Or le chimique coûte cher. Je ne crache pas sur des choses qui ont été faites dans le passé. Mais, aujourd’hui, on a des solutions alternatives. Et, quand on en a mis une en place, c’est qu’on l’a trouvée viable dès le départ !
Depuis 2015, nous sommes également certifiés bio pour la production de petits fruits et de plantes grimpantes fruitières. Notre client n’a pas l’obligation d’acheter de la plante bio : c’est une possibilité.
LAR : À la mi-février, votre entreprise participait au salon du végétal d’Angers (Maine-et-Loire), où elle a été doublement primée !
A.T. : Nous avons reçu un Innovert d’or pour notre Campsis Orangeade®, une nouvelle bignone à fleurs oranges et rouges striées, un coloris jusqu’alors inconnu dans ce genre de plantes. Elle fait suite à notre nouvelle gamme de clématites Success® que nous avions présentée l’année dernière et pour laquelle nous avions également eu un Innovert : cela fait plusieurs fois que nous sommes primés pour de nouvelles variétés créées par les Pépinières Travers. La démarche existe depuis l’époque de mon père. Créer une nouvelle variété peut prendre jusqu’à dix ans, voire plus. Beaucoup de graines sont semées mais très peu sont élues car le but du jeu consiste à apporter quelque chose d’innovant. Les clématites Success® sont spécialement faites pour être cultivées en pot parce qu’elles fleurissent de bas en haut. Elles sont très trapues, compactes, pour de très grandes fleurs. Avec une floraison qui dure jusqu’à cinq mois : par rapport à une variété ancienne qui fleurit pendant trois semaines, quelque chose de très innovant !
Nous avons également reçu le label Fleurs de France qui est un label de production française. C’est important pour moi de mettre en valeur la production française : plus celle-ci sera mise en avant, plus nous défendrons nos salariés.
LAR : D’autres innovations sont-elles à prévoir ?
A.T. : Nous avons également créé le concept Fragrances. Des billes de parfum sont déposées sur les étiquettes de nos plantes et, quand vous frottez, vous cassez ces petites bulles, ce qui libère le parfum : on est capable d’avoir un parfum de clématite Montana, de chèvrefeuille, de framboise, de kiwi, etc. Si un point de vente prend ce concept, ses clients pourront sentir le parfum de la fleur ou le goût du fruit dès l’achat : une innovation toute récente que nous venons de lancer.
L’entreprise en un coup d’œil :
• Appellation : Pépinières Travers.
• Siège social : Saint-Cyr-en-Val.
• Statut juridique : SARL.
• Gérant : Arnaud Travers (5e génération).
• Activité : multiplication, élevage et obtention de plantes grimpantes et de petits fruits.
• Effectifs : 40 salariés.
• 1.300.000 plantes multipliées par an, dont 650.000 clématites
• 650 variétés disponibles dont 350 de clématites.
• 15 ha de cultures dont 4,5 ha couverts.