Agriculture et environnement : Introduire le principe d’innovation
Lors d’un débat à la Fondation Concorde, le 11 mai, Eric Thirouin a déploré la priorité donnée au principe de précaution, au détriment du principe d’innovation, qui pourrait aboutir à l’interdiction des néonicotinoïdes et qui s’est déjà traduit par le retrait du diméthoate.
«Ce que nous dénonçons, c’est l’usage immodéré du principe de précaution en oubliant le principe d’innovation », a déclaré Eric Thirouin, le président de la Commission Environnement de la FNSEA, lors d’un débat à la Fondation Concorde, le 11 mai à Paris. A la veille de l’examen par le Sénat de la loi biodiversité en deuxième lecture, qui doit se prononcer sur le maintien de l’autorisation ou de l’interdiction des néonicotinoïdes, le président de la Commission Environnement a déploré, une fois de plus, que les autorités publiques s’appuient davantage sur « le principe de la peur et non sur celui de la science ».
Et de prendre plusieurs exemples. Ainsi, les néonicotinoïdes utilisés en enrobage de la semence permettent de protéger les cultures, les céréales en particulier, notamment contre la jaunisse nanisante dont les conséquences sont catastrophiques. La perte de rendement peut atteindre 30 %, selon Eric Thirouin. Si ces produits étaient interdits, il faudrait recourir à des insecticides plus classiques et procéder à des interventions plus fréquentes dans les champs avec des substances plus nocives pour les abeilles. Sans parler des distorsions de concurrence que la France subirait en la matière par rapport à ses partenaires européens où ces molécules sont autorisées.
C’est d’ailleurs l’argumentation qu’a développé Stéphane Le Foll, vis-à-vis des députés quand le texte a été examiné par l’Assemblée nationale. Hélas sans succès. Il n’en reste pas moins que les producteurs sont prêts à améliorer leurs pratiques et éviter d’éventuels épandages intempestifs, ainsi que le souligne Eric Thirouin : pas d’interdiction mais accord, en revanche, à un encadrement de l’utilisation.
La problématique des normes
La même problématique est posée par le diméthoate, seul produit efficace pour protéger les cerises contre le drosophile Suzukii. Bien que la molécule soit autorisée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), le ministre de l’Agriculture a décidé de l’interdire complètement en France, au nom du principe de précaution. Alors qu’il aurait pu faire valoir une éventuelle dérogation de 120 jours. Aujourd’hui, les producteurs de cerises sont totalement démunis, car il n’existe pas d’alternative au traitement des cerisiers contre ce parasite. Sous la pression des médias et de l’opinion publique, le ministre en oublie la lutte contre le parasite, au risque de compromettre la production de cerises en France. «Que fait-on contre le drosophila suzukii ? Alors qu’il faudrait investir à fond dans la recherche et l’innovation», s’inquiète Eric Thirouin. Au-delà des difficultés qu’une éventuelle interdiction ne manquerait pas de soulever, c’est la production de normes qui interpelle les agriculteurs. «Les exploitants agricoles ne sont pas seulement concernés par le ministère de l’agriculture, mais par cinq ou six ministères qui produisent leurs propres règles, sans concertation entre eux et quelquefois contradictoires », déplore Eric Thirouin qui s’est félicité cependant d’une avancée récente en la matière.
A la demande de la FNSEA, toute nouvelle règle fera l’objet d’un échange préalable et paritaire entre l’administration et la profession. L’expertise devra être attentive à ce que la nouvelle règle ne crée pas de charges supplémentaires, ni de distorsion de concurrence avec nos partenaires et qu’elle procède à une analyse coût/bénéfice. « C’est quelque chose qui doit durer dans les années qui viennent », espère le président, quel que soit les gouvernements en place.