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Témoignage
150 tonnes de haricots refusées à cause du datura

Emmanuel Calers, installé à Souvigny-en-Sologne, s'est vu refuser la totalité de sa production de haricots en raison de présence de datura. Un coup dur pour l'agriculteur qui a fait le choix de donner sa production plutôt que de la jeter.

Emmanuel Calers, installé en agriculture biologique en polyculture élevage à Souvigny-en-Sologne, a le cœur gros. Producteur de haricots verts, il s'est vu refuser l'intégralité de sa production, soit 10 hectares, par la conserverie à qui il livre ses légumes. La raison : du datura a été détecté dans ses parcelles.

« Ils ont récolté 20 tonnes, ont trouvé du datura à l'usine et c'était fini. Ils ne sont même pas venus constater l'état du champ. Le contrat stipulait qu'aucune présence de cette plante n'était autorisé. Il n'y a pas de dialogue, pas de recours possible », indique Emmanuel Calers.

80 000 euros de perdus

Le producteur l'affirme : il n'aurait pas pu faire plus. « Je suis passé huit fois désherber à la main. C'est des heures à passer et de la pénibilité. En bio, on ne peut pas faire mieux. Là, c’étaient des plants qui s'étaient cachés sous les pieds de haricot et qui ne sont pas visibles. » Résultat, ce sont entre 150 et 160 tonnes de haricots qui restent au champ.

Un important manque à gagner pour Emmanuel Calers. Il estime que sa récolte aurait dû lui rapporter entre 80 000 et 90 000 euros de chiffre d'affaires. « J'avais fait un très bon travail. L'entreprise m'a même dit que c'était le plus beau champ qu'ils avaient vu cette année pour le moment. Ça énerve d'entendre ça vu le contexte. »

Un problème à considérer

Le datura est une plante extrêmement toxique. Sa consommation peut entraîner des troubles de la conscience : agitation, confusion, hallucinations, parfois des tremblements, des convulsions, un coma. Les entreprises craignent que des boules ou des feuilles ne se retrouvent dans les conserves et n'intoxiquent les consommateurs. « Le problème, c’est que les conserveries attendent presque que les boîtes soient faites à la sortie du champ. Ce n'est pas possible. Elles devraient installer des chaînes de tri pour ne plus avoir à refuser des productions », revendique Emmanuel Calers.

L'agriculteur affirme avoir voulu raconter son histoire pour mettre en avant le problème du datura. « Aujourd'hui presque personne n'en parle. Pourtant, ce n'est pas à prendre à la légère. Demain, on peut tous être concernés. Même en conventionnel. Il suffit qu'une molécule soit interdite. Nous devons trouver des solutions ensemble pour vaincre ce fléau », insiste-t-il.

Distribution au grand public

Pour éviter que ses 150 tonnes de haricots ne soient détruites, Emmanuel Calers a décidé d'offrir gratuitement sa production et invite ceux qui le souhaitent à venir cueillir ses légumes. Seule condition : que chacun s'engage à ne pas commercialiser la récolte, par respect pour le travail de ses collègues. Une action couronnée de succès : « Depuis que j'ai ouvert ma parcelle, il y a entre 80 et 100 voitures qui s'arrêtent chaque jour ».

Une boîte à dons a également été installée. « Je ne fais pas ça pour l'argent. Je sais que de toute façon c’est perdu. Seuls ceux qui veulent donner, donnent. Je veux surtout communiquer, montrer au grand public à quel point nous sommes tributaires des entreprises agroalimentaires. » Le producteur a également reçu de nombreux messages de soutien aussi bien de particuliers que d'agriculteurs de toute la France.

Emmanuel Calers avoue que cet épisode le pousse à remettre en question son système : « Je pense sérieusement à arrêter mon contrat avec la conserverie et à mettre en place de la cueillette au champ. Cela fait longtemps que j'y pense. Aujourd'hui, je me dis que c'est le moment ».

Des particuliers émus

Les particuliers, venus ramasser les haricots dans la parcelle d’Emmanuel Calers, sont touchés par ce qui arrive au producteur. « Je trouve cela scandaleux que l'entreprise n'ait pas voulu récolter les haricots. Ils laissent perdre une marchandise à une époque où on lutte contre le gaspillage alimentaire. En plus ces haricots sont très beaux », affirmait lundi 4 octobre une retraitée. « Ça fait vraiment très mal au cœur. On se met à la place de l'agriculteur… On veut le soutenir », ajoutait son compagnon de cueillette.
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