Édito
Interdiction des NNI : « Une filière sous le choc ! »
Alexandre Pelé, président de la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves) Centre-Val de Loire, réagit à la suite de la récente décision de la Cour européenne de justice confirmant l'interdiction des néonicotinoïdes.
Alexandre Pelé, président de la CGB (Confédération générale des planteurs de betteraves) Centre-Val de Loire, réagit à la suite de la récente décision de la Cour européenne de justice confirmant l'interdiction des néonicotinoïdes.
« Jeudi 19 janvier est tombée la décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui indique que ''les États membres ne peuvent pas déroger aux interdictions expresses d’utilisation (…) de semences traitées néonicotinoïdes''. Cette décision est inattendue et brutale pour toute la filière et plus particulièrement pour notre bassin de production.
Pas de 3e dérogation NNI en France
Revenons sur l’origine de cette décision : en février 2019 en Belgique, deux associations de protection de la nature et un apiculteur avaient déposé un recours auprès du Conseil d’État du pays contre les dérogations accordées pour les NNI, selon eux de manière ''abusive et sans justifications suffisantes''. Le Conseil d’État belge s’est alors tourné, en février 2021, vers la Cour de justice de l’Union européenne qui devait déterminer s’il était possible d’accorder des dérogations au titre de l’article 53 pour ces produits. L’arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la plus haute autorité de justice européenne, applicable immédiatement à tous les États membres sans recours possible, va au-delà de simples néonicotinoïdes et restreint potentiellement les possibilités de dérogation sur tous les produits phytosanitaires interdits au niveau européen.
Alors qu’en France la dérogation pour les semences de betteraves traitées aux NNI en 2023 suivait le processus prévu par la loi, il a été brutalement stoppé.
Les engagements du ministre
Lors de la réunion d’urgence au ministère avec les représentants de la filière (CGB et groupes sucriers) lundi 23 janvier, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, après expertise juridique, a confirmé que la France n’accordera pas cette troisième dérogation tant attendue par les planteurs de betteraves et la CGB.
Pour pallier cet obstacle juridique, et face à l’incertitude agronomique en l’absence de solutions alternatives efficaces, le ministre s’est engagé à :
- étudier les possibilités de ''nouveaux itinéraires techniques'', dont l’accélération de l’homologation de deux nouvelles matières actives insecticides ;
- renforcer le programme de recherche en cours ;
- déclencher une clause de sauvegarde auprès de la Commission européenne et s’assurer de l’homogénéité de l’application de la décision de la Cour de justice pour éviter toute source de distorsion de concurrence ;
- mettre en place un accompagnement financier pour soutenir les planteurs, mobilisable en cas de perte de rendements liée à la jaunisse.
Échaudés par les modalités des indemnisations jaunisse de 2020, la CGB a exigé que le dispositif appliqué soit hors cadre des minimis, c’est-à-dire sans franchise et sans plafonnement… Les éléments techniques devront être définis très rapidement afin de rassurer les planteurs avant les semis de betteraves.
Une solution technique durable
Aussi, si le dispositif d’indemnisation existe et doit être travaillé, notre objectif reste d’apporter une solution technique durable. Les fonds alloués à la recherche doivent être renforcés et les moyens techniques (NBT) accélérés par des décisions politiques responsables.
La souveraineté alimentaire tant affichée par nos politiques est aujourd’hui bafouée par une décision juridique européenne. Elle constitue une alerte supplémentaire pour toute notre profession et met en exergue les menaces qui pèsent sur nos moyens de production. Les orientations agricoles hors-sol prises par nos politiques nationaux et européens doivent vite être revues ! »