Solaal met l'aide alimentaire en musique
Émanation du syndicalisme agricole, l'association organise les dons des agriculteurs. Les enjeux : la lutte contre le gaspillage alimentaire et l'équilibre nutritionnel.
Fondée le 28 mai 2013 par Jean-Michel Lemétayer, Solaal (Solidarité des Producteurs agricoles et des Filières alimentaires) est aujourd'hui présidée par Angélique Delahaye, maraîchère à Saint-Martin-le-Beau (Indre-et-Loire) et députée au Parlement européen. Directrice de l'association, Dorothée Briaumont en explique les objectifs : « Contribuer à l'alimentation des plus démunis via les associations nationales d'aide alimentaire habilitées. » Ces dernières sont au nombre de quatorze (voir l'encadré).
En France, l'aide alimentaire est soumise à une double tutelle ministérielle : Agriculture et Lutte contre l'Exclusion. Un décret de février 2013 prévoit que l'État exerce un contrôle sur les associations recevant des subventions publiques au titre de l'aide alimentaire. Or avant la naissance de Solaal, qui est reconnue d'intérêt général par le ministère de l'Économie, l'un des freins au don était le suivant : « Comment rassurer le donateur sur la traçabilité de son don ? Le contrôle public est un gage de sérieux pour les associations concernées, raison pour laquelle nous travaillons avec elles. »
Un agriculteur qui souhaite effectuer un don contacte Solaal et indique les caractéristiques de son offre : volume, variété, conditionnement et délais de conservation. Resteront à régler les questions du transport et de la structure bénéficiaire. Si l'agriculteur n'exprime aucune volonté particulière, Dorothée Briaumont envoie un mail aux quatorze associations et celles-ci ont quarante-huit heures pour répondre. En fonction de quoi la directrice de l'entité procède à une répartition équitable. « Nous essayons de mutualiser les énergies. L'enjeu : trouver des solutions communes pour le conditionnement et le transport afin de satisfaire le donateur et les associations. »
« Les valeurs de solidarité de l'agriculteur » peuvent inciter celui-ci à donner. Mais il y a également le hors-calibre : « Vous donnez ce que vous mangeriez et que vous donneriez à vos enfants. » L'idée sous-jacente : donner des produits sains et consommables. La saturation du marché ou encore le refus d'une palette par une plate-forme de distribution sont d'autres motifs de dons. « Les agriculteurs apportant des produits frais, cela contribue à la réduction du gaspillage alimentaire et à l'équilibre nutritionnel car nous faisons le constat suivant : plus le pouvoir d'achat diminue, plus l'obésité augmente, avec toutes les pathologies qui y sont associées. » L'association a principalement besoin de fruits et de légumes frais, d'oeufs, de lait, etc.
Des projets locaux à plusieurs acteurs
Donner, que ce soit en nature ou à travers une aide logistique, est déductible fiscalement. Cet avantage est plafonné à 5 pour 1.000 du chiffre d'affaires et à hauteur de 60 % du coût de revient du produit ou de la prestation. Sa forme varie selon les espèces. Un céréalier livrant à son organisme stockeur procédera à un abandon de recette. Par exemple, s'il livre cent tonnes de blé, il demandera à ce que le prix de la dernière tonne soit versé à Solaal ou à l'un de ses partenaires et la structure bénéficiaire transmettra un reçu fiscal à l'agriculteur. Pour les autres produits, le professionnel se prévaudra d'un avoir fiscal. Problème : lorsque le produit subit une transformation ou une mise en boîte, c'est-à-dire qu'il y a un intermédiaire entre le producteur et le bénéficiaire, l'agriculteur perd la propriété de son bien. Et, par conséquent, son statut de donateur au plan fiscal. « Il faut recréer ce lien aux yeux de Bercy » commente Dorothée Briaumont.
Un système a été mis en place pour le lait. Prenons le cas d'un litre de lait longue conservation. L'association qui achète le produit au transformateur est informée qu'un éleveur a effectué un don de lait. L'association achète donc le produit à la laiterie au coût de revient sauf la matière première qui a été donnée. Une fois que l'association a été livrée, elle envoie une attestation à l'agriculteur sur la base du volume donné. Solaal est en négociation avec le ministère des Finances pour que le dispositif soit applicable aux autres produits, notamment les oeufs. En revanche, aucune difficulté pour les fruits et les légumes puisqu'il y a un lien direct entre le producteur et l'association bénéficiaire.
« Je ne travaille qu'avec des volontaires » indique la directrice de Solaal. Au niveau régional, une antenne de l'association est en train d'émerger à travers les personnes d'Émilie Pichon et d'Éric Thirouin, de la FRSEA. « Mais je m'occupe de tous les agriculteurs qui m'appellent : le don n'a pas de couleur syndicale et le service est gratuit. » La structure a plusieurs objectifs : devenir l'instance recensant les dons agricoles car cela n'est fait nulle part ; renforcer et professionnaliser le réseau local. Troisième idée : des expérimentations de projets locaux à plusieurs acteurs, à l'image de ce qui s'est fait dans le département du Loiret sous l'égide de l'Udaf (lire notre édition du 31 octobre). Commentaire de Dorothée Briaumont : « Je crois à l'appropriation des projets par les acteurs de territoire et Solaal arrive en soutien, pour faciliter la mise en réseau. »
Les quatorze associations habilitées
Par arrêtés interministériels des 25 février 2013 et 11 juillet 2014, la liste des personnes morales de droit privé habilitées, au niveau national, à recevoir des contributions publiques destinées à la mise en oeuvre de l'aide alimentaire est la suivante : Association nationale de Développement des Épiceries solidaires ; Croix-Rouge française ; Fédération de l'Entraide protestante ; Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs immigrés ; Fédération française des Banques alimentaires ; Fédération nationale des Paniers de la Mer ; Fondation de l'Armée du Salut ; Imagine 84 ; Réseau Cocagne ; les Restaurants du Coeur - les Relais du coeur ; Revivre dans le Monde ; Secours catholique ; Secours populaire français ; Société de Saint-Vincent-de-Paul.