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Environnement
Sdage Seine-Normandie : la profession agricole dépose un recours contentieux

La profession agricole, largement réunie à l'échelle du bassin Seine-Normandie, vient de déposer un recours contentieux portant sur le Sdage 2022-2027.


Sdage. Cinq lettres pour dire Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux. Cinq lettres qui — en cette rentrée — occupent ­largement les esprits de l'ensemble des organismes professionnels agricoles à l'échelle du bassin Seine-Normandie.

Lundi 19 septembre, après plusieurs tentatives de négociations, la profession agricole a déposé un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Paris. Vingt-cinq signataires (chambre d'Agriculture, fédérations départementales et régionales et fédérations de la Coopération agricole) sont réunis et contestent la rédaction de ce document portant sur la période 2022-2027.

« Le Sdage outrepasse ses droits »

Validé par le Comité de bassin le 23 mars dernier — contre l'avis de la profession agricole représentée par Christine Hermans-Chapus — et publié au Journal officiel le 6 avril, le Sdage Seine-Normandie comporte de nombreux points d'achoppement. À maintes reprises, les élus agricoles du bassin Seine-­Normandie ont tenté des négociations. Si certains points ont connu des évolutions favorables (la suppression des dates limitant les périodes de remplissage des retenues à l’échelle du bassin, ainsi que la référence à l’article L101-3 du Code de l’urbanisme qui précise que la prescription de l’occupation des sols par les documents d’urbanisme en vue de la protection des captages ne concerne pas les productions agricoles), d'autres en revanche persistent dans le document, selon des termes que la profession agricole juge bien trop restrictifs, voire prescriptifs.

« La profession agricole reproche à ce document de planification d’outrepasser ses droits, annoncent les requérants dans un communiqué. Elle estime que le document crée des obligations non prévues par la réglementation française et européenne dans le domaine de l’eau, par exemple en matière d’utilisation de produits phytosanitaires, de compensation écologique ou de gestion de la fertilisation, il vient ajouter des contraintes supplémentaires parfois applicables directement aux agriculteurs ».

« Une vision décroissante et dangereuse pour l'agriculture »

« Le Sdage est normalement un document d'orientation, il n'est pas et ne doit pas être prescriptif, souligne le président de la FRSEA Île-de-France, Damien Greffin. Or, la rédaction de ce Sdage est si détaillée sur certains points que nous avons toutes les raisons de craindre que ces préconisations soient aisément reprises et appliquées en ces termes par des collectivités notamment. De plus, nous ne partageons absolument pas les orientations de ce Sdage qui sont éloignées de la science. Il s'agit là d'une vision décroissante, impactante pour la production agricole et qui pourrait mettre l'agriculture en difficulté sur l'ensemble du territoire du bassin Seine-­Normandie ».

Un travail important de coopération

Après un recours gracieux, réunissant trente-deux requérants, déposé le 3 juin dernier et rejeté par le préfet coordinateur de bassin, Marc Guillaume, le 6 juillet, la profession agricole avait obtenu une rencontre le 2 septembre en préfecture de région à Paris, afin d'exposer sa position et ses arguments, sans toutefois parvenir à de nouvelles avancées satisfaisantes. « La décision du recours contentieux a donc été prise avec vingt-cinq des requérants qui avaient déjà engagé le recours gracieux », explique Damien Greffin, qui souligne dans ce dossier « l'extraordinaire travail de coopération entre l'ensemble des organismes agricoles  (les chambres d'Agriculture représentées par ­Sébastien ­Windsor, les fédérations de la Coopération agricole portées par Maurice Lombard, et le réseau syndical que je représente), qui unissent leurs compétences et travaillent sur ce dossier main dans la main pour défendre l'avenir de l'agriculture à l'échelle de ce vaste territoire ».

Ainsi, le Sdage viendrait créer des formalités pénalisantes pour les exploitants alors qu’il n’en a pas le pouvoir, ni l’objet. « La profession agricole a constaté que tantôt le Sdage bascule vers un rapport de conformité alors qu’il devrait s’en tenir à la compatibilité des textes qui lui sont inférieurs, tantôt le Sdage ne respecte pas les obligations de conformité qui l’oblige vis-à-vis des documents qui lui sont supérieurs », notent les requérants qui ont d'ores et déjà annoncé que le recours contentieux ne serait retiré que si les demandes de la profession aboutissent.

Sdage : la définition

Le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) a été institué par la loi sur l’eau de 1992. Il s'agit d'un document de planification qui fixe pour six ans les orientations visant à atteindre les objectifs attendus en termes de « bon état des eaux » et de « gestion équilibrée et durable de la ressource ». Il fixe notamment les objectifs du bassin Seine-Normandie à l’horizon 2027 en matière de protection et de reconquête de la qualité des cours d’eau, nappes, zones humides, captages destinés à l’eau potable. Il n’est pas opposable directement aux agriculteurs, mais uniquement sur les programmes et décisions dans le domaine de l’eau. Par exemple, les Plans locaux d’urbanisme et les décisions de la nomenclature ICPE ou « Loi sur l’eau » (autorisation de forage, travaux en rivières…) doivent lui être compatibles.

 

Les requérants du recours contentieux

  • Réseau syndical : FRSEA Île-de-France ; FDSEA Île-de-France ; FDSEA de Seine-et-Marne ; FRSEA Hauts-de-France ; USAA de l’Aisne ; FDSEA de l'Oise ; FRSEA Normandie ; FDSEA de la Marne ; FNSEA d'Eure-et-Loir ; FDSEA de Côte-d'Or ; FNSEA Centre-Val de Loire ; FDSEA de l'Aube ; FNSEA du Loiret ; FDSEA de l’Yonne ; FDSEA de Haute-Marne ; FDSEA de la Meuse ; FDSEA des Ardennes.
  • Réseau des Chambres : chambre d'Agriculture de région Île-de-France ; chambre régionale d'Agriculture de Normandie ; chambre régionale d'Agriculture des Hauts-de-France ; chambre d'Agriculture du Loiret ; chambre d'Agriculture d'Eure-et-Loir.
  • Coopération agricole Île-de-France ; Coopération agricole Hauts-de-France et Coopération agricole Centre-Val de Loire

 

Quelques exemples de points de désaccord

  • Plusieurs orientations sont centrées sur les cultures à bas niveau d’intrants dont celles en agriculture biologique. Si les chambres d’Agriculture sont investies dans le développement de l’agriculture biologique, certaines cultures à bas niveau d’intrants n'offrent ni débouchés ni rémunération à l'agriculteur. Les élus agricoles ont demandé en vain la reconnaissance des systèmes à bas niveau d’impact, qui ont une approche globale et tiennent compte des différentes composantes environnementales et économiques de l’exploitation. La disposition visant à couvrir la moitié des aires de captage en cultures bas niveau d’intrants risque de déstabiliser les filières et ne pas correspondre aux demandes des consommateurs (la surface concernée par les aires d'alimentation de captage étant dans certains départements supérieure à 30 % de la SAU).
  • L’encadrement des projets de réserves à usage irrigation est trop strict et va à l’encontre des annonces gouvernementales. S’il est important d’optimiser la recharge des nappes, cela n’empêche pas que les retenues puissent être une solution dans certains cas.
  • Dans les Zones de répartition des eaux (ZRE), en cas de création de retenue de substitution, l’objectif est de réduire de 20 % le prélèvement d’eau par rapport au volume antérieurement prélevé : la demande de la profession était le maintien du volume substitué antérieurement prélevé.
  • Des dispositions dédiées aux milieux humides qui n’ont pas de définition réglementaire contrairement aux zones humides.
  • Les ratios de compensation surfacique prévus dans le cadre de la séquence Éviter, réduire, compenser (ERC) sont dans certains cas disproportionnés, d’autant plus que la loi ne fait référence qu’à des compensations fonctionnelles, sans notion de surface.
  • Une incitation à faire coïncider périmètre de protection et Aire d'alimentation de captage qui n’a pas lieu d’être puisque ces deux zonages ont des objectifs différents.
  • Une incitation des Schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage) à prendre des mesures sur la limitation des intrants voire l’interdiction de certaines molécules, ce qui n’est pas de leur ressort.
  • Une confusion régulière entre le rapport de compatibilité et le rapport de conformité des textes avec le Sdage, qui est un document d’orientation et de planification. Cette confusion rendant trop prescriptives certaines dispositions du Sdage.

Voir aussi notre article Non au Sdage Loire-Bretagne 

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