édito
« Réforme de la Pac : les grandes cultures piétinées »
Philippe Heusèle, secrétaire général de l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), s'exprime au sujet de la future Pac.
Philippe Heusèle, secrétaire général de l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), s'exprime au sujet de la future Pac.
« Depuis plusieurs mois, l’AGPB est mobilisée avec l’AGPM*, la CGB**, la FOP*** et la FNSEA pour préparer la prochaine Pac, et plus particulièrement sa déclinaison française, le Plan stratégique national (PSN), qui doit en fixer les différents curseurs et niveaux de paiements.
À raison d’innombrables réunions ou rencontres, nous avons écouté, suggéré, négocié et surtout alerté sur la situation difficile des grandes cultures. Nous avons pour objectif de proposer une Pac plus juste, plus équilibrée, et créatrice de valeur ajoutée pour nos exploitations agricoles.
Nous voulons surtout éviter que ne se reproduise le scénario des dernières réformes de la Pac qui a vu nos aides chuter à un niveau inférieur à la moyenne nationale. Ce sont 160 euros par hectare perdus pour les céréaliers depuis 2007. Une situation inacceptable qui pèse lourdement sur notre compétitivité et obère notre avenir.
Vous le vivez au quotidien : avec un revenu en moyenne équivalent à un demi-Smic par an, les céréaliers sont à bout de souffle. Notre ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, avait semble-t-il entendu notre détresse dans ce contexte de crise.
Et pourtant, il y a quelques jours, les premières orientations des services économiques du ministère (DGPE) sur le PSN ont été rendues publiques. Les mesures envisagées ne tiennent absolument pas compte de nos contraintes et de nos difficultés. Elles s’avèrent particulièrement éloignées du compromis porté par la FNSEA.
Avec ce qui est mis sur la table aujourd’hui, le risque d’un décrochage économique fatal pour les céréaliers est réel. Avec de telles orientations, une énième baisse de plusieurs dizaines d’euros par hectare d’aides directes seraient infligées aux céréaliers : une baisse tout bonnement insoutenable, avec à la clé, des revenus nuls.
Veut-on sacrifier sur l’autel de l’idéologie ou de la complaisance politicienne une filière céréalière qui joue un rôle considérable dans l’équilibre de notre balance commerciale ? Est-on prêt à provoquer des vagues de faillites, notamment en zones intermédiaires après avoir prétendu soutenir ces régions ? Pourquoi vouloir piétiner le compromis transmis par la FNSEA, sans que personne n’y trouve réellement son compte ?
Nos exploitations n’ont jamais été aussi engagées dans des modes de production soucieux de l’environnement. Nous pensons donc pouvoir prétendre à l’éco-régime nouvellement créé par l’Europe, notamment via la certification environnementale de niveau 2.
Cette orientation d’un éco-régime simple et accessible à tous qui nous paraît relever de l’évidence, n’est pour le moment pas celle retenue. Les propositions sur la table pourraient exclure l’essentiel des exploitations céréalières de cet éco-régime en le réservant à une ''élite'' peu nombreuse, dégrader notre compétitivité à l’exportation et annihiler nos efforts de création de valeur sur le marché français. Quel gâchis !
Notre devoir est de rappeler fermement ce que doit être la Pac : un outil économique qui accompagne la transition agroécologique, garantit la souveraineté alimentaire nationale et européenne et surtout permette aux producteurs, céréaliers compris, de vivre décemment de leur métier.
Soyons-en bien conscients : les quinze prochains jours sont décisifs pour notre avenir. Notre pleine mobilisation pour défendre notre futur est intacte et nous vous solliciterons dans les jours qui viennent pour mener des actions et faire valoir nos revendications. »
*Association générale des producteurs de maïs.
**Confédération générale des planteurs de betteraves.
***Fédération des producteurs d'oléoprotéagineux.