« Proposer une vision ambitieuse »
Rendez-vous de fin d'été, le comice agricole de Montargis s'est déroulé les 25 et 26 août. Les discours officiels ont été l'occasion d'évoquer les sujets qui feront l'actualité lors de la rentrée.
Ce samedi 25 août, les représentants officiels s'étaient donné rendez-vous place Victor-Hugo à Montargis pour l'inauguration du comice agricole de l'arrondissement. Les différentes personnalités ont ensuite défilé dans les rues de la ville, rendant visite aux commerçants du marché place de la République, avant de se diriger vers le kiosque du jardin du Pâtis pour les discours. Au terme de ceux-ci, Maxime Buizard-Blondeau et Cédric Benoist, respectivement président des Jeunes Agriculteurs du Loiret et président de la FDSEA, ont répondu à nos questions sous forme d'un entretien croisé.
Loiret agricole et rural : Quel est le sens de votre présence aujourd'hui à Montargis ?
Maxime Buizard-Blondeau :
Lors d'un comice, il est naturel que les organisations professionnelles agricoles et en particulier les deux syndicats majoritaires, FDSEA et JA, soient présents. Dans le département, on a deux groupes de comices, l'un pour l'arrondissement de Gien et l'autre pour celui de Montargis : les JA participent à l'évènement via les buvettes et les concours de labour.
Cédric Benoist : Montargis est symbolique à plusieurs titres. Notamment la gestion de l'eau. L'enjeu : protéger Paris des crues. Or cela concerne le Montargois et le Pithiverais : dans le second cas, une discussion va s'ouvrir sur l'Ocre. Nous sommes d'accord pour être une zone d'expansion de crues à condition que les indemnités correspondent aux pertes réelles. Nous demandons également la mise en oeuvre d'une politique de stockage de l'eau. Objectif : lisser les déficits et les excès. Autre sujet travaillé par la FDSEA et les instances nationales : les zones intermédiaires.
LAR : Qu'avez-vous pensé des différents discours ?
M.B.-B : En dehors du discours de la représentante de l'État (NDLR : Taline Aprikian, directrice de cabinet du préfet) qui était particulièrement hypocrite, ceux des élus locaux étaient appréciables. Ils connaissent le milieu agricole et sont très investis dans leurs mandats. Les parlementaires ont été présents à nos côtés dans les combats sur le glyphosate et les États généraux de l'alimentation. À chaque fois qu'on les appelle, ils se montrent réactifs. C'est également le cas des élus locaux qui retravaillent leurs Plans locaux d'urbanisme. L'enjeu : préserver autant que possible le foncier agricole.
C.B : Globalement, la philosophie des discours nous convenait. Mention particulière à Jean-Pierre Door. Lui avoir décerné le « Glypho d'or » 'est une honte ! Comme avait dit Xavier Beulin, on est dans le djihadisme et la négation de la science ! Le député du Montargois a eu le courage d'assumer ses positions et il l'a encore fait aujourd'hui.
LAR : Quels seront les grands sujets syndicaux de la rentrée ?
M.B.-B : Les Zones défavorisées simples ont été évoquées par chacun des intervenants. Une carte a été définie. On attend les annonces du ministre sur les compensations pour les communes qui sortent : les candidats à l'installation seront privés de la majoration de la Dotation jeunes agriculteurs. (...) Dans le département, il y a trois projets de poses de panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles : c'est inacceptable et nous attendons une clarification de la part des élus locaux ! (...) Début 2019, les agriculteurs seront appelés à désigner leurs représentants à la Chambre d'agriculture : les JA seront présents aux côtés de la FDSEA pour proposer une vision de l'agriculture du Loiret ambitieuse, réaliste et à long terme.
C.B : Nous aurons certainement des mouvements liés à la fin de l'exonération de charges patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels. À quoi cela sert-il de parler des prix si on met plus de charges ? Le revenu, c'est bien la différence entre un produit et des charges. Or on a du mal à répercuter sur nos produits un niveau de charges qui ne cesse de monter ! Nous sommes sur des marchés européens et mondiaux : il est primordial d'être compétitif. (...) Selon nous, la Chambre a un rôle de centralisateur au niveau économique entre tous les organismes : il faut qu'elle ait une direction claire de développement et de retour direct au niveau des exploitations.
LAR : Ces dernières années ont été extrêmement difficiles pour les agriculteurs loirétains : 2018 s'annonce-t-elle meilleure que les précédents ?
C.B : L'année 2018 condense toutes les problématiques d'une exploitation : le risque climatique puisque nous avons eu un printemps excessivement humide et un été excessivement sec. Autre problématique : la gestion du risque prix. C'est le gros souci de demain pour la gestion des exploitations. Or les organismes stockeurs ont un rôle à jouer. L'enjeu : construire des schémas pour simplifier la vie des agriculteurs. En effet, la volatilité est excessive : en une semaine, le blé a perdu vingt euros la tonne. Auparavant, il en avait gagné environ cinquante. On sent les gars un peu perdus. Au niveau des agriculteurs, le peloton s'allonge. Or c'est très difficile à gérer. Quand on a contracté un prêt de consolidation sur cinq ans en 2016, on sait très bien qu'on n'en verra le bout qu'en 2021. Et, pour le moment, ce n'est pas Byzance ! Certes, on a eu une hausse des cours. Mais ce sont ceux de 1984...
M.B.-B : On a enfin une année relativement normale après deux années très compliquées mais, avec cette seule récolte, les agriculteurs du Loiret et en particulier les jeunes installés n'arriveront pas à revenir à un niveau de rémunération normal. Tout le monde doit donc resté mobilisé. En blé, on est passé de cent soixante euros la tonne à quasiment deux cents et, maintenant, cent quatre-vingts. Face à de telles fluctuations, c'est très difficile de prendre des décisions. Cela ne relève pas de la production mais de la commercialisation et presque de la spéculation. Or ce n'est pas le rôle des paysans mais de leurs groupements, notamment les coopératives. Elles sont déjà très présentes mais elles doivent l'être encore plus. L'enjeu : redonner un peu de visibilité et de sérénité.
Au fil des discours : ils ont dit…
Benoît Digeon, maire de Montargis :
J’ai une pensée émue pour Xavier Beulin. C’était un visionnaire. Son décès (NDLR : le 19 février 2017) fut un grand choc pour la France ! (…) Alliée à la recherche, l’agriculture est capable de s’adapter aux évolutions de la planète. La préservation de l’environnement et de la qualité de vie favorise l’économie.
Franck Supplisson, président de l’Agglomération montargoise :
L’agriculture est au cœur de l’économie de l’Agglomération. Le bassin du Montargois est une puissance agricole.
Jean-François Thoizon, président du comice :
Un comice se prépare un an à l’avance : nous mettons en place le rendez-vous 2019 à Bellegarde. (…) Les comices se suivent et les crises agricoles aussi. (…) Dans sa carrière, un agriculteur se remet en cause régulièrement : diversification, etc. (…) Faut-il se lancer dans le photovoltaïque et les énergies renouvelables ? Mais les céréales ne seront plus sur nos tables. Les agriculteurs doivent vivre décemment de leur métier.
Michel Masson, président de la Chambre d’agriculture :
La Chambre d’agriculture travaille avec la Direction départementale des Territoires et l’agence de l’eau Seine-Normandie pour gérer l’eau de manière intelligente dans le cadre d’un projet de territoire. Il faut stocker l’eau quand elle est abondante et la consommer avec parcimonie en période de pénurie. Nous avons embauché des hydrogéologues pour gérer ces questions. La notion de climat tempéré de la France est à tempérer : le climat change et il faut passer aux actes ! (…) Nous avons les technologies pour produire plus et réduire notre impact sur l’environnement : nous travaillons beaucoup dans la science et peu dans la philosophie. (…) Un comice est une occasion de communiquer et de travailler ensemble.
Jean-Pierre Sueur, sénateur :
Avec la révision de la carte des Zones défavorisées simples, des exploitants de certaines communes ne seront plus aidés au profit de leurs collègues d’autres communes :
il faut en finir avec ces décisions bureaucratiques ! Le ministère de l’Agriculture doit prendre en compte la réalité des situations. (…) La régulation de l’eau est nécessaire. Il faut donc la stocker : le réalisme consiste à investir.
Jean-Pierre Door, député :
Les terres agricoles représentent 50 % de la superficie du Montargois. Le Plan local d’urbanisme intercommunal ambitionne de soutenir l’agriculture. (…) En matière de santé publique, nous subissons des polémiques stériles de la part d’intégristes : concernant le glyphosate, aucun scientifique n’a confirmé la réalité de la situation américaine.
Taline Aprikian, directrice de cabinet du préfet : La France est une terre agricole de premier rang. L’agriculture est confrontée à un triple défi : climatique, environnemental et économique. La profession ne reste pas inactive et l’État est là pour la soutenir dans cette période de transition. (…) Le gouvernement défend une Politique agricole forte et adaptée à la hauteur des enjeux.