« Plus il voulait que je fasse autre chose, plus j’avais envie de le faire ! »
Agricultrice sur la ferme familiale de Sailly (Yvelines), Amandine Béguin est aussi enseignante en lycée agricole et secrétaire générale de Jeunes agriculteurs Ile-de-France.
Horizons : Dans quel contexte êtes-vous devenue agricultrice ?
Amandine Béguin : Ca a été long et très difficile ! Je suis née et j’ai grandi dans une famille d’agriculteurs, j’ai toujours baigné dedans mais, parce que je suis une fille, mon père ne voulait pas que je reprenne la ferme. J’ai un fort caractère et devenir agricultrice était vraiment mon souhait alors je n’ai pas lâché. Plus il voulait que je fasse autre chose, plus j’avais envie de le faire !
Avez-vous davantage dû faire vos preuves en raison de votre sexe ?
Auprès de mon père oui, et c’est toujours le cas actuellement. Auprès des autres agriculteurs un peu moins mais certains ont d’abord été surpris de voir une femme au volant du tracteur. Et puis, lors de réunions professionnelles, il y a ceux qui sont surpris de voir que – techniquement – je tiens la route. Cela interpelle parfois les hommes de voir qu’on est autant capable qu’eux.
Comment expliqueriez-vous cette arrivée des femmes à la tête d’exploitation, céréalière notamment, en Ile-de-France ?
A mon avis, la montée du féminisme sert les agricultrices. C’est une belle revanche. Avant, c’était difficilement envisageable qu’une femme puisse faire ce métier. Progressivement, les mentalités changent et les femmes osent. En Ile-de-France, plusieurs femmes sont à la tête d’exploitations. Nous avons toutes un point commun : un caractère bien trempé !
Vous qui avez des responsabilités syndicales, que peuvent apporter les femmes au métier et à la profession ?
Nous sommes peut-être plus habiles pour communiquer. Pour le moment, notre présence est aussi porteuse car elle interpelle. On sort du cliché de métier d’homme, métier du bourrin qui n’a pas fait d’étude. Le stéréotype de l’agriculteur est cassé et donc, je pense que nous avons une chance de plus d’être écoutées. Dans mon cas, mon travail d’enseignante en lycée agricole me permet aussi d’avoir une vision plus globale de l’agriculture, d’avoir plus de recul par rapport à quelqu’un qui reste à 100 % sur sa ferme.
Vous qui êtes maman, la vie d’agricultrice est-elle compatible avec la vie de famille ?
Sincèrement, c’est extrêmement difficile. Mon fils va avoir un an et je n’ai pas vu l’année passer. Le plus dur, c’est évidemment durant les périodes de gros travaux dans les champs. A la moisson, je ne l’ai pas vu durant trois semaines, j’avais l’impression de l’abandonner. Mais une fois qu’on a dit cela, on prend les choses à bras le corps, on s’organise et on adapte notre façon de travailler. Une femme dispose aujourd’hui de nombreuses solutions pour mener ces deux vies de front.