Oignons : des rendements en retrait mais l'irrigation sauve la récolte en Beauce
Pour faire le point sur la campagne oignons qui s'est achevée début octobre, nous rencontrons le président-directeur général de la Ferme des Arches à Terminiers (Eure-et-Loir), Jean-Luc Parou.
Pour faire le point sur la campagne oignons qui s'est achevée début octobre, nous rencontrons le président-directeur général de la Ferme des Arches à Terminiers (Eure-et-Loir), Jean-Luc Parou.
Avec près de 700 000 tonnes, le Centre-Val de Loire est la première région productrice d'oignons en France. Pour dresser un premier bilan de la récolte qui vient de s'achever en Beauce, nous rencontrons Jean-Luc Parou, le président-directeur général de l'un des plus gros opérateurs du secteur, la Ferme des Arches à Terminiers (Eure-et-Loir).
Déficit de gros calibres
« Nous avons vécu une année relativement sèche, engendrant des besoins en irrigation. Néanmoins, tout en respectant les quotas, nous en avons eu suffisamment, relève-t-il. Cependant, les températures extrêmes ont provoqué du stress sur les oignons. Aussi, les calibres sont modérés et l'on aura un déficit de gros calibres (plus de 70 mm). Finalement, les rendements sont en baisse de 10 à 20 % mais on ne s'en sort pas trop mal comparé aux gros producteurs que sont les Pays-Bas et l'Espagne ».
En revanche, ces conditions engendrent de sérieux doutes quant à la qualité de conservation des condiments. « Peut-être que la période de commercialisation sera plus courte que d'habitude du fait des difficultés de stockage, estime le dirigeant qui verra aussi sa facture énergétique exploser (voir ci-dessous). Et il y aura beaucoup de vente après récolte ». Une situation similaire à celle que connaît le secteur de la pomme de terre.
Des prix décorrélés du marché
Cette tension relative engendre une hausse des prix. « La normale se situe autour de 200 - 250 euros la tonne et peut descendre jusqu'à 150 euros comme l'an passé, mais là cela monte jusqu'à 380. C'est complètement décorrélé du marché et dû essentiellement à de gros achats des Hollandais », explique Jean-Luc Parou.
Une opportunité de marché qui pourrait amener les producteurs à augmenter leur production l'an prochain, mais ce n'est pas dans la philosophie de la Ferme des Arches « qui ne produira toujours que ce que les consommateurs peuvent acheter. Le risque serait de se retrouver avec de la marchandise invendable sur les bras ».
Concernant les risques de difficultés de stockage, Jean-Luc Parou précise : « De notre côté, soit on arrive à garder et nous faisons la boucle jusqu'à l'arrivée de l'oignon nouveau, soit nous achèterons aux pays de l'hémisphère sud ». La Ferme des Arches ne pouvant pas se permettre de ne pas fournir ses clients tout au long de l'année…
Organisation de producteurs
Sous label
Garder le cap quand tout augmente
Comme de nombreux autres acteurs agricoles, la Ferme des Arches évolue dans un contexte tourmenté. L'impact de la guerre en Ukraine et son cortège d'inflations pèse dans sa balance économique. Ses responsables ont chiffré les hausses de charges prévues pour 2023.
Hausse des coûts de production
Ainsi, côté producteurs, le budget semences devrait augmenter de 5 à 10 %, mais ce n'est rien comparé aux engrais dont la hausse se situera entre 75 et 300 %, sans parler du prix des phytos, du GNR, de l'électricité ou de la main-d'œuvre… « Le coût de production risque d'être multiplié par deux », estime son PDG, Jean-Luc Parou.
Pour l'entreprise, la facture d'électricité va augmenter de 300 000 euros, celle de gaz de quelque 150 000 euros, le budget transports sur ventes de plus de 300 000 euros, la main-d'œuvre de 500 000 euros — les salaires seront revalorisés de 10 % — et les emballages (lire ci-dessous) d'environ 1,5 million d'euros. Soit au total une hausse de 2,7 millions d'euros, soit 26 centimes par kilo. « Le résultat net de l'entreprise étant de 600 000 euros, nous allons devoir trouver 2 millions d'euros… Nous avons trois voies d'économies : en interne, convaincre nos clients de prendre en charge les surcoûts, ou un accompagnement public », récapitule Jean-Luc Parou.
« La période suscite des interrogations pour beaucoup de filières, pointe le dirigeant. Il y a aussi le contexte eau. Nous savons déjà que nous n'aurons pas la même quantité que cette année. De nombreux producteurs de légumes se posent des questions d'arbitrage au sujet de leurs assolements. Nos producteurs vont continuer, c'est leur structure, mais il y a une conjugaison de plein de choses traumatisantes pour tous, y compris les consommateurs… ».
La loi Agec fragilise la filière condiments
Depuis le 1er janvier, la loi Agec* interdit l'usage de plastique pour les emballages autour des fruits et légumes de moins de 1,5 kg. « La décision a été mise en application très rapidement et pose plein de problèmes, souligne le président-directeur général de la Ferme des Arches, Jean-Luc Parou. Personne n'est contre cette mesure mais ça tombe mal. Pour nous, cela engendre une hausse de 900 000 euros pour les filets, de 400 000 euros pour les étiquettes et de 200 000 euros pour les cartons, soit en moyenne 14 centimes de plus par produit. 90 % de nos condiments sont concernés, nous sommes peut-être la filière la plus touchée par la loi Agec… ».
*Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.