En Île-de-France, les faons sont mis en sécurité avant la fauche de la luzerne
En pleine période de fauche de la luzerne, des techniciens de la Ficif* interviennent dans les parcelles, en amont du passage des machines, pour mettre en sécurité les faons qui y nichent. Reportage.
En pleine période de fauche de la luzerne, des techniciens de la Ficif* interviennent dans les parcelles, en amont du passage des machines, pour mettre en sécurité les faons qui y nichent. Reportage.
Combien de fois les agriculteurs ont-ils déploré la perte d'animaux sauvages dans leur champ au moment de la fauche des foins et de la luzerne ? Des nids de faisans, parfois, et des faons, souvent. La problématique est connue de tous, et si certains y sont plus sensibles que d'autres, quelques hommes issus du monde de la chasse ont décidé de prendre à bras-le-corps cette problématique et d'en faire une belle histoire.
Ils s'appellent Guillaume Ripaux, Jérôme Babault et Frédéric Gouhier. Tous les trois sont techniciens pour la Fédération interdépartementale de chasse d'Île-de-France (Ficif) et ont entrepris, depuis l'année dernière, de mettre en sécurité, juste avant la récolte, les faons tout juste nés qui nichent dans les parcelles de luzerne. Si leur démarche est entièrement soutenue et accompagnée par la Ficif, les trois hommes ont fait le choix de prendre sur leur temps libre, à l'aube, pour effectuer cette mission gratuitement chez les agriculteurs qui en font la demande.
De la mi-avril jusqu'à fin juin, période des naissances et des récoltes, les journées démarrent quotidiennement dès 5 heures du matin. Munis d'un drone avec vue thermique — d'où la nécessité d'intervenir à la fraîche — les techniciens passent d'abord en revue la parcelle qui sera fauchée dans quelques heures, à la recherche des jeunes faons. Dès lors qu'un animal est repéré, l'équipe, souvent renforcée d'un ou deux bénévoles, se met en route à travers champ, munie d'épuisettes et de gants et guidée au centimètre près par le drone et son pilote. Une fois le faon récupéré, il est mis en sécurité dans une caisse, à l'ombre. Il sera relâché quelques heures plus tard, après le passage de la machine.
« Lorsqu'ils n'ont que quelques jours, les animaux se déplacent à peine. C'est bien souvent leur mère qui vient à eux pour les faire téter. Face à une machine dotée d'une coupe de 9 mètres de large et qui avance à 15 voire 20 km/h, les faons n'ont aucune chance, déplorent Guillaume Ripaux et Jérôme Babault, affairés ce jour-là dans plusieurs dizaines d'hectares de luzerne à Favrieux (Yvelines). La problématique existe depuis longtemps mais elle s'est amplifiée avec le développement de l'agriculture biologique et l'émergence des unités de méthanisation qui ont fait augmenter considérablement les surfaces de luzerne dans les exploitations ».
L'aventure des trois hommes a débuté l'année dernière avec l'achat des deux premiers drones, « financés par l'éco-contribution », expliquent-ils. Un troisième vient d'arriver ce printemps, ce qui leur permet désormais d'agir chacun de leur côté sur les trois départements, Essonne, Yvelines et Val-d'Oise. « L'année dernière, c'était le début et nous avons mis en sécurité environ un faon pour dix hectares, relate Guillaume Ripaux. Cette année, à l'issue de cette deuxième campagne, le bilan sera probablement bien supérieur. Nous sommes déjà à une cinquantaine de faons mis en sécurité et les demandes d'agriculteurs affluent ». Ce matin-là à Favrieux, Guillaume Ripaux et Jérôme Babault, épaulés bénévolement par Gaëtan, ont mis en sécurité quatre faons, repoussés hors de la parcelle trois autres et reçus au moins deux appels téléphoniques d'agriculteurs désireux de les voir intervenir avant que la récolte ait lieu chez eux le lendemain.
C'est là que repose désormais tout l'enjeu du dispositif mis sur pied par ces trois techniciens : parvenir à communiquer et travailler du mieux possible avec les entreprises de déshydratation de la luzerne, Sidésup pour la partie sud de l'Île-de-France ouest et l'UCDV pour la partie nord, pour être informés des plannings de récolte. « Nous nous faisons connaître progressivement de ces entreprises en démontrant l'efficacité de notre action, souligne Guillaume Ripaux. Nous ne sommes pas là pour ralentir leur récolte, au contraire. Sans compter que notre passage en amont peut leur apporter un moyen de communiquer positivement sur la préservation de la biodiversité ». Guillaume, Jérôme et Frédéric espèrent d'ici quelques mois pouvoir travailler en toute confiance avec ces entreprises en se voyant notamment transmettre avec plus de fluidité les calendriers de récolte afin de faciliter leur organisation. L'appel est lancé.
*Fédération interdépartementale des chasseurs d'Île-de-France.
Visionnez notre vidéo d'un sauvetage EN CLIQUANT ci-dessous :
Cet article a reçu un prix dans le cadre du concours organisé par le Syndicat national de la presse agricole et rural, le 21 juin 2024.