Moutarde : Martin-Pouret résiste à la pénurie
Alors que depuis plusieurs mois la moutarde se fait rare dans les rayons, la marque orléanaise Martin-Pouret marque définitivement son territoire avec sa moutarde 100 % loirétaine.
Alors que depuis plusieurs mois la moutarde se fait rare dans les rayons, la marque orléanaise Martin-Pouret marque définitivement son territoire avec sa moutarde 100 % loirétaine.
Martin-Pouret est une vieille institution orléanaise créée en 1797. Selon son premier co-dirigeant, Paul-Olivier Claudepierre, il s’agirait même « de la plus vieille entreprise du Loiret ». Historiquement productrice de vinaigre de vin, Martin-Pouret faisait partie des centaines d’entreprises françaises produisant du vinaigre dès la fin du Moyen Âge, et jusqu’au début de la Renaissance. Désormais, elle est la dernière encore en activité. Forte d’être l’ultime rempart aux productions non artisanales, la société a décidé de se diversifier en créant une ligne de moutarde il y a moins de dix ans. « La moutarde d’Orléans existe depuis le XVIe siècle, souligne Paul-Olivier Claudepierre. L’histoire a retenu la moutarde de Dijon car les Dijonnais ont été plus forts en marketing que les Loirétains, mais la moutarde d’Orléans existe depuis aussi longtemps ». Aujourd’hui, la moutarde Martin-Pouret est la seule à ne pas souffrir de la pénurie qui s’abat sur le territoire depuis maintenant plusieurs mois.
Des graines de moutarde du Pithiverais
Lancée de façon minime, la production de moutarde Martin-Pouret devrait atteindre les 400 000 pots de moutarde vendus d’ici la fin de l’année. « Nos graines de moutarde ne viennent pas du Canada mais de Pithiviers, chez un agriculteur qui dédie l’intégralité de sa récolte à l’entreprise depuis le début de la production », nous explique fièrement le co-dirigeant de Martin-Pouret. Il poursuit, plus attristé : « À cause de la sécheresse, la récolte canadienne a été désastreuse. Nous en constatons les impacts aujourd’hui puisque 95 % des moutardes vendues en France sont faites à base de graines canadiennes ».
Bénéficiant de cette concurrence quasi nulle, l’entreprise se dit convaincue de produire et de commercialiser plus d’un million de pots de moutarde dans les trois voire les quatre années à venir. « Cette année, notre récolte a été excellente, que ce soit au niveau des rendements et de la qualité, détaille Paul-Olivier Claudepierre. Les quantités de production augmentent chaque année. En 2023, nous aurons de quoi faire 700 000 pots de moutarde ».
Défendre une production locale
Loin d’être une volonté marketing ou commerciale, l’entreprise a à cœur de proposer des produits locaux. « Il faut privilégier une agriculture locale, défendre les agriculteurs et travailler avec eux sur l’élaboration d’une culture qui soit adaptée à leurs terres et aux besoins des consommateurs, déclare Paul-Olivier Claudepierre. Cet état d’esprit fait partie de l’ADN de la marque. Le coût de l’énergie explosant, ça n’a plus de sens de faire venir des matières premières de l’autre bout du monde ».
Pour se diversifier davantage, Martin-Pouret est en train de développer de nouvelles lignes de production en plus de son vinaigre, sa moutarde et ses cornichons. « Nous voudrions démarrer une ligne de ketchup et de mayonnaise, précise David Matheron, second co-dirigeant de l’entreprise. Notre stratégie est de produire plus de condiments et de sauces contenant du vinaigre. Le ketchup contient des tomates, du vinaigre, des épices et du sucre, tandis que la mayonnaise doit être préparée avec de l’huile, des œufs, de la moutarde et du vinaigre. Nous produisons deux des quatre ingrédients les composant ». Ces deux lignes devraient voir le jour d’ici mars 2023.
Benoît Morisseau, l'agriculteur loirétain historique de Martin-Pouret
Installé depuis 2003 à Guigneville, dans le Pithiverais, Benoît Morisseau a commencé à travailler avec Martin-Pouret dès la création de la ligne de moutarde en 2015. « La société a lancé un appel à la radio. Elle souhaitait travailler avec des producteurs locaux et ainsi pouvoir maîtriser son approvisionnement et sa qualité ».
Être indépendant
Même si les débuts n'ont pas été faciles, aujourd'hui l'agriculteur est en mesure de répondre aux exigences de Martin-Pouret. « Historiquement, ma production était orientée céréales et betteraves sucrières. Il a fallu élaborer un itinéraire technique spécifique à la graine de moutarde. Avec maintenant sept ans de recul, nous maîtrisons correctement cette production ».
Pour l'agriculteur, il était important de travailler en circuit court et maîtriser un maximum sa commercialisation : « Je voulais m’assurer une marge d’une année sur l’autre et ne pas être sous l’emprise de la mondialisation ». En ce sens, Benoît Morisseau a également diversifié sa production avec des légumes de plein champ comme le céleri et la courge, et a repris une exploitation de fraises avec sa femme. « Nous ne voulions pas non plus dépendre des aléas climatiques et d’une monoproduction. »
Création d'une filière locale
Aujourd'hui, 12 % des sols de l'exploitant servent à la culture de la moutarde, ce qui représente une trentaine d’hectares.
Voulant augmenter significativement sa récolte en 2023, Martin-Pouret a décidé de collaborer avec cinq autres producteurs loirétains, soit environ 70 hectares en plus et une centaine de tonnes de matière. Ils travailleront de concert avec Benoît Morisseau afin de bénéficier du savoir-faire du producteur historique de l'entreprise. « Cette collaboration grandissante va permettre la création d'une filière de la graine de moutarde française et locale », se félicitent l'agriculteur et les deux co-dirigeants de Martin-Pouret.
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