Portrait
Manon Cadoux, d’une rive à l’autre
La jeune paysagiste Manon Cadoux participe cette année au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). Rencontre en bord de Loire.
La jeune paysagiste Manon Cadoux participe cette année au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). Rencontre en bord de Loire.
La rencontre a lieu au cœur de son jardin paysager, L'Autre rive, qu’elle présente cette année au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher). Le soleil est déjà chaud et l’eau clapote doucement.
Manon Cadoux est une toute jeune paysagiste conceptrice DPLG*, sortie de l’École nationale de paysage de Versailles (Yvelines) il y a deux ans et demi.
Investie depuis dans plusieurs agences de paysage à Paris — « de la maîtrise d’œuvre principalement » —, elle vient de se lancer dans une activité indépendante qui mêle différentes approches et fait la part belle à la création artistique. Une façon d’avoir un « pouvoir d’expression plus fort ». Elle sourit : « Je suis hyper contente car le fait de gagner Chaumont-sur-Loire, c'est tombé pile au moment où je commençais seule ! ».
Le Festival a cette année pour thème « Biomimétisme du jardin - la nature, source infinie d’inspiration ».
Certains artistes ont choisi d’axer leur jardin sur le monde animal — on croise par exemple un jardin camouflage inspiré des caméléons et des raies —, d’autres ont opté pour le biomimétisme architectural, « avec des constructions plus écologiques » ou carrément pour des œuvres futuristes, comme cet arbre bleu Klein qui strie le ciel de racines aériennes.
Manon Cadoux s’est plutôt « intéressée au biomimétisme végétal. Je voulais quelque chose d’assez ancré, concret », précise-t-elle. Comprenant le biomimétisme comme « l'attention à ce qui existe déjà » à l’échelle géographique, la jeune femme a décidé de reproduire la Loire auprès de laquelle elle a grandi, là où le fleuve et la rivière de la Cisse se font face.
Une succession de bassins reproduit « le vocabulaire et le tracé de la Loire », un petit ruisseau figure le parcours de la Cisse, entre les deux une surface plantée rappelle la plaine fertile qui sépare les deux cours d’eau.
« L’idée est que le jardin ait une esthétique ligérienne, explique la jeune conceptrice. Tout est très brut : le bois, la pierre, le pavé… ».
Le jardin reproduit les écosystèmes végétaux qui colonisent les bords de Loire, une palette plus horticole vise aussi à apporter « de la couleur et de la diversité végétale ». Pour cela, Manon Cadoux est confiante ce 26 mai : « les semis sortent bien ! »
Elle a aussi mis en place des plantes phytoépuratrices de berge (Iris pseudocorus, Lythrum salicaria…) et des plantes phytoépuratrices immergées (Hippuris vulgaris, Potamogeton natans), qui permettent de filtrer et purifier l’eau.
Car voilà l’idée directrice de L’Autre rive : proposer au promeneur de cheminer le long de l’eau au fur et à mesure qu’elle se nettoie, à partir du puits initial, puis tout au long d’un ruisseau, dans un bassin de roselière et enfin dans de petits bassins.
Avant d’en arriver là, c’est au fil de ses études que la jeune artiste a développé la pratique du dessin — « en amateur », comme « moyen de communiquer » — avant de se tourner vers le métier de paysagiste car « il englobe énormément d’aspects » et permet « de lier l’art et la nature ».
Elle développe : « Je m’intéressais beaucoup aux domaines qui traitent de la terre : la géologie, la sismologie, l’océanographie… Mais en plus de la rigueur scientifique, il me manquait quelque chose » : le volet artistique.
Ce qui la passionne, dans son activité, c’est « le travail de recherches », « parce que que j'ai besoin de me sentir légitime à proposer quelque chose, de connaître ce dans quoi ça s’inscrit ». À l’instar de son jardin ligérien : « Je me suis intéressée à la géographie… C’est le principe du paysagisme : même si on travaille à une échelle très réduite, on va interroger le contexte environnant très large, les ancrages géographiques. Sur la Loire, je me suis rendue compte qu’il y a plein de choses que je ne connaissais pas ! », glisse-t-elle.
Une fois en confiance avec ses connaissances, Manon Cadoux travaille sur la topographie et le dessin du jardin pour fonder sa structure, puis sur la palette végétale qui va accompagner l’ensemble.
Cette participation au Festival des jardins de Chaumont a été un sacré challenge pour la jeune femme. Pour son « premier premier jardin réalisé », elle a travaillé en amateur avec des proches et a choisi de concevoir un jardin où s’écoule de l’eau, un « petit défi technique : je ne l’avais jamais fait. Ça ne se voit peut-être pas, mais l’eau, c’est compliqué : elle évolue, elle va salir ou pas, bien couler ou pas, la pompe va fonctionner ou pas… ».
Et la période Covid a ajouté de la difficulté, contraignant les périodes d’intervention des équipes sur les jardins. « Pour la troisième intervention, j’ai travaillé sur avril, c’est tard pour les plantes… Mais je suis contente : ça a bien poussé ! ». De fait, le jardin apparaît cohérent, abouti, apaisant. Et la jeune femme peut être contente car grâce à L'Autre rive, elle a remporté le Prix de la création le 22 juin dernier.
2021 est une année artistique faste pour Manon Cadoux : en plus de le L’Autre rive à Chaumont, elle a réalisé une installation de land art pour le Festival des Murs à pêches de Montreuil (Seine-saint-Denis). Et envisage, dans les mois qui viennent, de « conjuguer projets privés et commandes publiques de petite échelle ».
Pour découvrir les trente jardins du Festival, sans oublier les collections végétales enrichies, rendez-vous au domaine de Chaumont-sur-Loire jusqu’au 7 novembre.
*DPLG : diplômée par le gouvernement