Irrigation
Les irrigants entre hausse de l'électricité et manque d'eau
L'Association des irrigants d'Eure-et-Loir tient son assemblée générale le 17 mai à Chartres sur fond de hausse des coûts de l'électricité et de tension sur la réserve en eau.
L'Association des irrigants d'Eure-et-Loir tient son assemblée générale le 17 mai à Chartres sur fond de hausse des coûts de l'électricité et de tension sur la réserve en eau.
«Si ça continue, il va falloir y réfléchir à deux fois avant de déclencher un tour d'irrigation », lance le président de l'Association des irrigants d'Eure-et-Loir (AIEL), Marc Langé, au moment de conclure son assemblée générale mardi 17 mai. Une AIEL qui retrouve ses marques après deux ans d'absence, salle Mathurin-Régnier de la chambre d'Agriculture à Chartres.
Tension sur la nappe
Pour comprendre les propos du président, il faut rembobiner le fil des travaux de l'assemblée, à commencer par la fin, quand, après plus de trois heures de débat consacrées à une intervention de représentantes d'EDF concernant le coût de l'électricité (lire plus bas), vient enfin le moment de donner des nouvelles du front de la nappe de Beauce. « Elle baisse, alerte Marc Langé. En vingt jours, elle a perdu 25 centimètres ». Il faut dire que la recharge hivernale a été très faible et que son niveau se situait tout juste sur le trait autorisant l'attribution d'un coefficient de 1, ramené ensuite à 0,98 pour permettre l'arrivée de nouveaux irrigants.
Cependant, la sécheresse printanière conduit les exploitants à ne pas laisser en souffrance leurs céréales. Or, comme la sole qui leur est consacrée est conséquente, la consommation d'eau l'est tout autant. Si les conditions météorologiques n'évoluent pas comme l'an passé, l'administration ne reviendra certes pas sur le volume attribué, mais des mesures de restriction pourront être prises. Celles-ci seront déclenchées automatiquement si le niveau de deux des cinq rivières exutoires de la nappe passait sous un certain seuil, or « l'Aigre s'en approche et la Conie aussi », prévient le conseiller de la Chambre, Marc Guillaumin.
Il a poursuivi son propos, présentant quelques chiffres sur la nappe qui montrent que depuis la mise en place de sa gestion volumétrique, la tendance s'oriente vers des années de plus en plus sèches. Cependant, la consommation d'eau par les irrigants reste stable. « On voit que la gestion est efficace, les volumes sont constants, même s'il y a de fortes variations de consommation selon que l'année est sèche ou pas », pointe-t-il. Les années de sécheresse entraînant la consommation d'environ 70 % du volume, 40 % en années humides.
Changement de règles
« S'il ne pleut pas dans les quinze jours, les arrêtés vont tomber très rapidement, prévient Jean-Michel Gouache. Je crains déjà pour l'année prochaine si nous n'avons pas plus de recharge l'hiver prochain, le coefficient pour la prochaine campagne ne sera sûrement pas de 1, mais de 0,7 ou 0,6. On l'a déjà vu. Et si le seuil de crise est dépassé cette année, le risque c'est que tout soit renégocié de A à Z à la préfecture. Aujourd'hui, la tendance n'est pas en notre faveur. Je suis très inquiet ».
« De toute façon, à partir de 2023, des réflexions sont en cours au niveau de la Dreal, relayées ensuite dans chaque département pour chaque secteur de la nappe, qui viseraient à avoir des règles différentes de gestion, révisables en cours d'année », pointe Marc Guillaumin. « Nous avons la chance d'avoir une gestion qui fonctionne, mais le risque c'est que l'administration ne l'entende pas de cette manière. Restons vigilants », conseille Marc Langé.
Bien plus tôt, au début des travaux de cette assemblée générale, les aspects statutaires sont vites réglés. Son trésorier, Benoît Nouvellon, livre le bilan financier, positif, et relève que le nombre d'adhérents (628 au 31 décembre) reste stable. Une hausse des cotisations de 5 % est approuvée ensuite : « Elles ont été gelées pendant longtemps. Mais en cas de problème, nous pouvons être amenés à faire appel à des aides extérieures. Si demain il arrive un pépin, il faut pouvoir intervenir », argue le président.
Deux arrêtés à venir
Puis, avant d'évoquer le problème du coût de l'électricité, deux points sont présentés par le directeur des Territoires, Guillaume Barron. Le premier concerne la situation actuelle : « Nous avons un déficit hydrique depuis trois mois qui entraîne des difficultés sur les cours d'eau et la recharge de la nappe. Deux arrêtés-cadres concernant les eaux de surface seront pris d'ici la fin de semaine », explique-t-il. Le second point sera pour préciser ce qui se joue autour des forages des secteurs de Prunay-le-Gillon et Francourville sur le territoire de Chartres métropole (lire ci-dessous).
Un sujet qui n'est pas près d'être bouclé non plus, comme à peu près tout ce qui touche la gestion de l'eau. Sujet sensible s'il en est…
Tensions sur le territoire de Chartres métropole
Une augmentation inéluctable
Le président de l'AIEL, Marc Langé, a invité des représentantes d'EDF à venir s'expliquer sur la hausse du coût de l'électricité au cours de son assemblée générale, le 17 mai.
Consommer moins
« L'enjeu prioritaire est de moins consommer, les prix ne vont pas baisser », prévient d'emblée la directrice des ventes d'EDF, Anne-Marie Beillon, avant d'expliquer le mécanisme de formation du prix de l'électron. Pour les contrats à prix de marché, EDF établit ses offres à partir d'un prix de référence évalué chaque jour. Le prix au jour de la signature détermine le tarif pour l'année suivante, ou les années suivantes selon la durée du contrat. Ces prix connaissent depuis la reprise post-pandémie et les augmentations des prix du gaz et du charbon, une hausse encore jamais vue. Par exemple, un contrat signé aujourd'hui donnerait un tarif de 30 cts d'euro le kWh pour un contrat démarrant au 1er janvier 2022.
L'électricité ne se stocke pas
« Ces hausses s'expliquent par le fait que l'électricité ne se stocke pas et en complément du nucléaire, EDF fait appel à d'autres fournisseurs du marché, en énergies renouvelables ou issues de centrales thermiques », explique Anne-Marie Beillon. À ce prix de base, s'ajoutent la TVA (16 %), les taxes (22 %) et l'acheminement (20 %). Depuis janvier, le tarif de l'électron connaît une hausse constante qui ne devrait pas s'inverser compte tenu du contexte et de la situation particulière du parc nucléaire français.
Un contrat idéal
C'est un contrat collectif de ce type qu'avait souscrit l'AIEL le 7 février 2020, dans un contexte très différent. De fait, profitant d'une fenêtre de prix particulièrement bas à cette date, grâce aux bonnes sources de son président de l'époque, Jean-François Robert, l'association avait obtenu un prix de 4,2 cts d'euro le kWh. Or, ce contrat arrive à échéance et doit être renouvelé avant le 31 décembre… D'où cette invitation.
Heureusement, EDF ne propose pas que des contrats à prix de marché, dans sa besace elle dispose aussi d'un tarif basé sur le prix Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), depuis 2011, dont le prix est stable à 4,2 cts le kWh. Ce tarif est réservé aux consommateurs été et heures creuses, l'irrigant coche ces cases. Cependant, ce tarif s'applique pour 100 TWh vendus par EDF (120 en 2022), si les clients contractent pour plus, le surplus est vendu au tarif du marché calculé au moment de la signature. Ce volume de 100 TW est dépassé un peu plus tous les ans depuis 2018, de 20 à près de 40 %, engendrant un écrêtement correspondant. Le tarif Arenh ne s'applique alors que sur une partie de la facture.
Mieux que rien
Pour l'AIEL, le choix sera sans doute d'opter pour cette solution. Quel que soit le taux d'écrêtement, le tarif sera inférieur à celui du prix de marché. Reste à trouver la bonne date pour signer le contrat. « Aujourd'hui, je n'ai pas de prix à vous annoncer. Avec les fluctuations actuelles, nos prix ne sont valables qu'une journée. Si nous vous faisons une proposition à 10 heures, il faut que le contrat soit signé avant 17 heures, prévient la responsable commerciale du secteur, Véronique Préveaux. Un contrat signé en juin à tant de centimes, sera applicable au 1er janvier prochain mais susceptible d'être plus élevé après l'écrêtement ». Elle ajoute que ses clients signent généralement des contrats de trois ans.
Ce sera au conseil d'administration de l'AIEL de prendre la responsabilité de cette décision. Des réunions seront organisées rapidement pour bien mettre tout à plat et pour que chacun puisse s'engager en toute connaissance de cause, sachant que le prix final du contrat ne sera connu que bien après sa signature.
Le monde d'avant était décidément plus simple…