Interview de Sophie Martin
« Les capteurs du futur doivent répondre à des problématiques concrètes »
Chercheuse à l'Inrae*, Sophie Martin est directrice de l'Alliance H@rvest, la chaire partenariale de mécénat portée par la Fondation AgroParisTech qui a pour objectif d’accélérer l’émergence de technologies numériques au bénéfice de la filière agricole.
Chercheuse à l'Inrae*, Sophie Martin est directrice de l'Alliance H@rvest, la chaire partenariale de mécénat portée par la Fondation AgroParisTech qui a pour objectif d’accélérer l’émergence de technologies numériques au bénéfice de la filière agricole.
L'Alliance H@rvest a organisé le 30 mai dernier son colloque annuel sur le thème des capteurs du futur. Quels enseignements tirez-vous de ce colloque ?
Sophie Martin : Nous nous sommes rendu compte qu'il existait d'un côté une forte demande de la part du monde agricole pour que des solutions numériques innovantes soient trouvées à certains problèmes (lutte contre les ravageurs, détection précoce de bioagresseurs, capacité des robots à faire du désherbage) afin, notamment, de diminuer le temps de travail (clôtures virtuelles, semis de cultures mélangées, etc.). Et d'un autre côté, une offre se développe.
Quelles innovations vous ont semblé les plus intéressantes ?
Emmanuel Leveugle, agriculteur betteravier, a parlé du semoir qu'il a conçu pour favoriser l'agriculture de conservation des sols. Ce qui prouve qu'il existe un fort potentiel d'innovation dans les territoires, et que celle-ci ne s'effectue pas uniquement en laboratoire ! Il s'agit au contraire de faire communiquer le monde de la recherche et le terrain. La société Sun'Agri a présenté des capteurs permettant d'optimiser la rotation de panneaux photovoltaïques. L'entreprise Chouette.vision a développé des outils de surveillance et de recommandation en s'appuyant sur des technologies optiques et hyperspectrales. Nous avions également cherché à faire venir des experts de capteurs quantiques, mais il est encore trop tôt pour que cette recherche ait des utilisations concrètes. Enfin, de nombreux travaux s'appuient sur des données fournies par des satellites. Toutes ces technologies n'ont pas encore montré leur plein potentiel.
À quelles conditions faut-il veiller pour que le recours aux capteurs soit utile et efficace ?
D'abord, les solutions doivent être co-construites entre les agriculteurs et les chercheurs. Elles doivent répondre à des problématiques concrètes. Il ne s'agit pas de faire du numérique pour faire du numérique. Ensuite, il faut créer de la confiance entre les informations fournies par les capteurs et les utilisateurs. Cela nécessite d'avoir de nouvelles méthodes de certification de ces outils. Enfin, une certaine tempérance doit être respectée dans leur usage. Multiplier les capteurs est inutile, coûteux, accroît l'empreinte environnementale. De plus, ces capteurs doivent être robustes et réparables, avec des mises à jour accessibles.
Quelles suites allez-vous donner à ce premier colloque ?
Nous avons réuni en présentiel près d'une centaine de personnes. L'année prochaine, nous souhaiterions organiser un nouveau colloque, avec si possible davantage d'étudiants. Le thème portera sur le traitement des données. Je suis sûre qu'il y aura encore de belles innovations à présenter.
*Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
Et après ?
L'Alliance H@rvest regroupe des partenaires privés mécènes : Exel Industries, la Société du canal de Provence, Sofiproteol ; des partenaires académiques : AgroParisTech, Télécom Paris, UniLaSalle ; un partenaire technique : Terres Inovia ; un cluster d'innovation : Agreen Tech Valley. Elle a défini quatre sujets prioritaires de recherche cette année : la biologie des sols, la gestion de l'eau, la détection de bioagresseurs, la robustesse des modèles de recherche.