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Les brebis de retour en grandes cultures ?

Avec des cours stables et un marché demandeur, l’agneau se présente aujourd’hui comme une source de diversification pour les exploitations céréalières avec à la clé, un complément de revenu et une aide à l’équilibre des sols.

© CIIRPO

La région Centre-Val de Loire est en premier lieu une région de grandes cultures. L’élevage ovin y est toujours présent même si le nombre de brebis dans ces zones a considérablement diminué depuis les années 1970. Les causes sont multiples. Ce sont surtout les orientations du marché commun puis de la PAC (primes SCOP) qui ont accentué cet abandon de l’élevage sans compter la flambée du prix des céréales de 2007.

Mais depuis quelques années, la production ovine s’affiche de nouveau comme une valeur ajoutée pour le revenu de ces exploitations.  Dans un contexte de volatilité des cours de céréales pouvant descendre à moins de 100 € la tonne, la production ovine peut redonner un nouvel équilibre aux exploitations céréalières. D’ailleurs, la diversification des sources de revenu est le premier argument cité par les exploitants qui ont misé sur cette mixité¹. Dans un contexte d’agrandissement de ces entités souvent difficile lors de l’installation d’un associé ou bien de l’embauche d’un salarié, l’élevage ovin trouve sa place. Laurent Malassenet à Saint Christophe en Boucherie dans l’Indre a introduit un troupeau ovin sur son exploitation en 2009 : «J’ai aujourd’hui 240 brebis et l’installation de mon fils Quentin est prévue dans quelques années en augmentant le troupeau mais pas les surfaces ». Odile Canon a été salariée sur l’exploitation de son mari à Chemillé sur Dême (Indre et Loire) en 2010 puis s’est installée en 2015. « La création d’un troupeau de 450 brebis avec construction d’une bergerie très fonctionnelle pour le travail m’a permis de revenir travailler à plein temps sur l’exploitation sans agrandissement des surfaces. Grâce aux brebis, l’exploitation a conservé un équilibre financier avec la chute du prix des céréales».

Des scénarios réalisés sur un pas de temps de 10 ans avec des conjonctures plus ou moins favorables aux céréales et aux oléagineux montrent une augmentation de la marge brute avec la création d’un atelier ovin*. Le tableau ci-contre détaille l’intérêt de la production ovine en fonction des cours de céréales et des oléagineux.

Une contribution organique

Les aspects agronomiques sont le second atout de cette mixité ovins-céréales. Grâce à l’introduction des prairies dans la rotation, et en particulier de luzerne, les quantités de produits phytosanitaires peuvent être diminuées (Ecophyto®). Des économies de phosphore et de potasse sont réalisées grâce au fumier particulièrement bien valorisé par les têtes d’assolement (maïs, betteraves, tournesol). Le pâturage des brebis couvre une partie des besoins du sol. Les ovins contribuent ainsi au maintien ou à l’augmentation de la matière organique et ainsi au stockage du carbone. De fait, les céréaliers qui s’intéressent aux ovins sont déjà sensibles aux questions de techniques de travail du sol simplifiées, à la vie du sol et à un moindre recours aux intrants chimiques.

L’exploitation de Pascal Bellier est située à la Chapelle Saint Martin en Plaine à 20 km de Blois dans le Loir et Cher. Et c’est à la fin de sa période de conversion en agriculture biologique, en 2010, qu’il a décidé d’acheter des brebis pour ne pas broyer ses luzernes. « En bio, la luzerne est indispensable, explique-t-il. Elle produit de l’azote pour les cultures suivantes et diminue la proportion de mauvaises herbes. Il faut compter 20 à 30 % de luzerne dans l’assolement. Sinon, on est vite au bout du système». Ce sont également les aspects agronomiques qui ont motivé Laurent Malassenet à Saint Christophe en Boucherie dans l’Indre. En 2009, les problèmes de battance et de diminution de la matière organique le conduisent à une modification des rotations : «j’ai introduit des prairies sur les parcelles les plus pauvres en matière organique et ai opté pour des rotations longues. J’ai observé le retour progressif des vers de terre et les analyses montrent une remontée du PH et de la matière organique ».

Une alimentation « maison »

En régions céréalières, les cultures intermédiaires pièges à nitrate (CIPAN) répondent à une exigence réglementaire et constituent une ressource alimentaire utilisable par les ovins. D’excellente valeur alimentaire, elles se pâturent sans rationnement ni transition alimentaire en choisissant des espèces adaptées. Denis Guidoux est céréalier à Avord dans le Cher et pratique le semis direct sous couvert. L’ensemble des intercultures sont couvertes et produisent des biomasses variables en fonction des sols, des cultures et des dates d’implantation.

« Plutôt que de broyer, j’ai proposé à un éleveur voisin,  Frédérique Saulu, d’y amener ses brebis. Nous nous sommes mis d’accord sur le parcours des brebis et les dates où doivent être libérées les parcelles. J’espère que nous allons pouvoir renouveler cette expérience cette année. Les surfaces broyées sur l’exploitation ont été réduites ainsi que l’utilisation des herbicides ».

En plus des céréales, des protéagineux, de la luzerne, de la paille produites sur l’exploitation, les brebis valorisent les coproduits issus des industries betteravières (pulpe), de brasserie (drêches), légumières (pommes de terre, endives, oignons…) et fruitières (pommes…). Tout est alors une question d’opportunité et de prix d’achat et surtout de transport !

Pour Loïc Mercier, éleveur à Nibelle dans le Loiret, les opportunités ne manquent pas :
« En ce moment, mes brebis mangent de la pulpe sur-pressée que je paie 78 € la tonne de matière sèche. Comme je suis à côté de la sucrerie, le transport ne me coûte pas cher ! J’achète également de la drêche de blé, sous produit de l’éthanol. Pommes de terre, haricots verts, déchets d’oignons, déchets de pommes, fanes de pois ont également été intégrés à la ration les années précédentes. En fait, je n’achète jamais d’aliment complet et compose avec ce que je trouve sur place en prenant soin à chaque fois de vérifier l’intérêt économique du produit ».

Pour en savoir plus sur l’intérêt de cette mixité ovins/grandes cultures, vous pouvez contacter le technicien ovin de la chambre d’agriculture de votre département.  Consultez les documents suivants sur  www.inn-ovin.fr et www.idele.fr : « un atelier ovin clef en main  pour les exploitations de grandes cultures», «la mixité ovins-cultures : des complémentarités entre ateliers qui constituent un atout pour la durabilité des systèmes – Institut de l’élevage 2016», ainsi que la vidéo « élever et vivre des brebis sur une exploitation céréalière ».

Retrouvez les témoignages de céréaliers de votre région qui sont aussi éleveurs ovins et ne le regrettent pas dans les prochaines éditions de votre hebdomadaire.

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