« Les biotechnologies blanches permettent d’économiser le carbone fossile »
Pierre Monsan est professeur émérite à l’Insa de Toulouse et directeur fondateur de TWB (Toulouse White Biotechnology), démonstrateur industriel de la bioéconomie. Présent au Pavillon France de l’Expo Milan 2015, le 29 septembre, il revient sur le rôle des biotechnologies blanches pour lutter contre le dérèglement climatique.
Vous êtes le fondateur de Toulouse White Biotechnology. Qu’est ce que les biotechnologies blanches ?
Les biotechnologies blanches concernent tout ce qui touche aux utilisations non alimentaires du carbone renouvelable. Pour économiser le carbone fossile (pétrole, gaz), nous faisons la promotion du carbone renouvelable. Ce dernier vient de l’agriculture et de la forêt. TWB, démonstrateur industriel financé par le Programme d’investissement d’avenir à hauteur de 20 millions d’euros jusqu’en 2019, s’intéresse aux utilisations non alimentaires de ce carbone, notamment dans la chimie verte. Par ailleurs, ce carbone renouvelable ne doit pas entrer en compétition avec des utilisations alimentaires comme l’amidon du blé ou les huiles végétales. Nous travaillons donc avec de la paille ou du son de blé par exemple.
Existe-t-il une concurrence entre ces sources de carbone renouvelable ?
Aujourd’hui, on parle d’amidon, de sucre, d’huile de palme. Demain… cela dépendra des régions. En France, les pailles, le son des céréales et les déchets urbains ! La concurrence n’existe pas encore. Il y aura une concurrence sur les gisements quand on voudra produire des biocarburants car il faudra des quantités énormes.
Comment ces biotechnologies blanches peuvent-elles participer à la lutte contre le dérèglement climatique ?
En limitant l’utilisation du carbone fossile. Par exemple, l’acide butyrique ou l’acide acétique sont habituellement synthétisés à partir de pétrole. Avec les biotechnologies, nous pouvons produire ces acides à partir de carbone renouvelable. Ainsi, nous les produisons avec des microorganismes. Nourris avec du sucre, ces derniers peuvent synthétiser les acides recherchés. Nous travaillons aussi en partenariat avec Airbus sur le biokérosène. Les débouchés industriels sont très divers.
Quelles sont les limites de ces biotechnologies ?
Regardez aujourd’hui le prix du baril de pétrole : 35 dollars. Economiquement, nous ne sommes pas compétitifs. Par ailleurs, il faut en moyenne trois à cinq ans pour passer de la recherche à la production industrielle. Néanmoins, en trois ans, nous avons beaucoup avancé. Aujourd’hui, nous sommes 70 à travailler au sein de TWB. Nous avons une quarantaine de projets en cours.
L’engouement pour les biotechnologies est indiscutable. Ces biotechnologies permettront-elles de réindustrialiser la France ?
La réindustrialisation, ça ne se fait pas du jour au lendemain ! Inévitablement, les réserves de carbones fossiles vont s’amenuiser. Les gens en prennent conscience, petit à petit. Au sein du TWB, nous travaillons avec 23 industriels : Total, L’Oréal, Terreos, Avril… Mais aussi avec des entreprises moins grandes comme Carbios, Ynsect. Nous sommes sur le point de créer une start-up. Denis Pompon et son équipe(1) ont créé une levure qui, au lieu de produire du dioxyde de carbone, en consomme (comme une plante, ndlr). Les utilisations possibles sont très importantes pour lutter contre le dérèglement climatique !
Propos recueillis par Clio Randimbivololona
(1) chercheur de l’Insa Toulouse