«Les agriculteurs en péril économique !»
Le vendredi 18 septembre, avait lieu une session de la chambre d’agriculture : l’occasion d’un point sur les principales préoccupations des professionnels.
«Les gens attendent du concret sur le terrain et tout ce qu’on peut faire passer ici en arrondissant les angles est le bienvenu» : c’est le message que Michel Masson a délivré le vendredi 18 septembre, en clôture de la session de la chambre d’agriculture. Quelques heures plus tôt, le président de l’entité consulaire avait ouvert le bal en ces termes : «On surtranspose les directives européennes en droit français. Dans un marché libre, il faut une harmonisation fiscale, sociale et environnementale : certains ne peuvent pas avoir des haies de 0,50 m et les autres des haies de 1,50 m ! En dehors de la viticulture et de l’arboriculture, toutes les autres filières ont la tête sous l’eau !»
Une remise en cause de la directive nitrates
Le taux de protéines des céréales alimenta les débats : le 23 juillet dernier, sur 200.000 tonnes récoltées, la C.A.PRO.GA. se situait à 10,64 % pour son blé meunier, près d’un demi-point en dessous du niveau requis pour l’exportation. D’où une réfaction de 900.000 € qui, au final, pourrait atteindre 1.300.000 € ! «Est-ce que je transmets la facture au ministre de l’Agriculture ?» s’est demandé Jean-Michel Billault. Le président de la coopérative du Gâtinais a ajouté : «L’insuffisance du taux de protéines résulte d’un manque de nourriture azotée des plantes : je remets en cause la Directive nitrates. Il faut réviser ce système qui se base sur des moyennes. (…) Les agriculteurs ont toujours pratiqué l’agriculture raisonnée. Ils veulent être les meilleurs et non des gens moyens ! Il faut qu’on retrouve un cadre administratif raisonné.»
L’entretien des fossés ne nécessite aucune démarche administrative. Une autorisation n’est pas non plus nécessaire pour l’entretien régulier des cours d’eau. En revanche, quand les travaux sont plus lourds, un dossier s’avère indispensable. Ces éléments figurent dans des documents édités par la Direction départementale des Territoires. Par ailleurs, la méthode de travail pour établir une cartographie a été validée en juin dernier. Simone Saillant, directrice départementale des Territoires : «Par rapport aux critères fixés par le ministère de l’Environnement, nous n’avons pas l’intention d’en rajouter. Le chantier avance pour qu’on arrive à un objectif de transparence.»
Une force de frappe importante
Michel Jau, préfet du Loiret, participait aux travaux : «L’année 2015 est difficile pour les agriculteurs. Vous êtes une profession très contrôlée et il y en a peu qui soient dans le même cas que vous. Le métier d’agriculteur mériterait plus de liberté et de responsabilisation. Mais nous sommes dans un système très lourd qui vous bride. Il faut voir où on peut travailler, sachant que des choses viennent de l’Europe, de la France, de la région et du département. Vous êtes une profession très organisée : c’est l’une de vos forces. Vous êtes écoutés et entendus même si nous ne sommes pas toujours d’accord ! Vous avez une force de frappe importante ! Grâce au syndicalisme, sur les questions agricoles, agronomiques, économiques et juridiques, vous colleriez plus d’un énarque ! (…) La manifestation du 3 septembre n’a provoqué ni incident ni accident : je vous tire mon chapeau ! En maintenant cet esprit de responsabilité, vous avez donné encore plus de poids à votre action ! Vous faites entendre votre voix : c’est légitime. Les Français vous soutiennent : vous représentez des valeurs que nos concitoyens savent menacées. (…) Quand il y a un contrôle, l’agent doit faire preuve de discernement car ce contrôle a lieu à votre domicile. Les contrôles sont là pour vous apporter de l’argent et non pour vous en prendre : s’assurer que vous avez bien rempli les dossiers. Sinon, ce serait à la tête du client ! (…) Plus personne n’ose dire qu’il n’y a pas une surcharge dans l’agriculture : le gouvernement a entendu votre message.» Ne reste plus qu’à passer aux actes, comme le disait Michel Masson : les agriculteurs n’attendent que cela !
Au fil des débats : ils ont dit…
Michel Masson : Beaucoup de moyens sont déployés au niveau des services : nous avons toutes les chances d’atteindre les objectifs fixés en début de mandature. (…) Les agriculteurs sont sous le joug de la grande distribution, qui écrase les prix de ses fournisseurs sans que les consommateurs n’en profitent ! (…) Les protéines ne sont que la face visible de l’iceberg : on perd aussi en rendements. (…) On fait preuve d’humanisme vis-à-vis de gens qui fuient leur pays. Chez les agriculteurs, on a un péril économique : il faut prendre des mesures afin d’éviter le pire !
Benoît Ferrière : Tous les ans, on perd en rendements en céréales.
Jean-Louis Manceau : Il est hors de question d’attaquer la nouvelle campagne sans savoir ce qu’on a le droit de faire en termes de fertilisation azotée. Il va falloir changer de braquet et qu’on arrête de nous enquiquiner !
Jean-Claude Prieur : Au-delà de l’aspect prix, la Chambre est préoccupée par la situation des éleveurs de ruminants avec la problématique sécheresse. Sur le plan conjoncturel, la commission élevage a mis en place une réflexion sur la gestion des stocks. D’un point de vue plus structurel, sur les mesures agroenvironnementales, le zonage territorial doit évoluer et le dispositif réglementaire être allégé. Par ailleurs, il est important de ne pas laisser les éleveurs isolés et qu’il y ait une coordination des différents intervenants dans nos exploitations (techniciens, comptables, banquiers et acteurs sociaux). (…) La moitié de la production céréalière est destinée à l’alimentation animale : dans les formules pour porc et volaille, si le taux azoté diminue, il faut du soja en plus.
Simone Saillant, directrice départementale des Territoires : On a écrit à tous les éleveurs du département : une fiche liste tous les contacts susceptibles de les aider. Or, sur six cents courriers, nous n’avons eu que vingt retours. Or il me faut du grain à moudre. Sinon, j’ai peur de ne pas pouvoir mobiliser tous ces acteurs. Si vous voulez qu’on vous aide, aidez-nous à vous aider ! (…) Sur les protéines, on est d’accord sur le constat. Mais, à défaut de remettre en cause tout le travail lié au programme d’actions de la Directive nitrates [ce qui serait une solution de facilité], il y a peut-être à travailler sur la technique.
L'info plus : Concernant les retenues d’irrigation, Simone Saillant, directrice départementale des Territoires, a annoncé qu’une réunion aurait lieu le 28 septembre. Objectif : faire le point avec les interlocuteurs de terrain. «On ne peut pas interdire des dossiers pas déposés !» a commenté la représentante de l’administration.
Zoom sur deux délibérations
• Contrôles dans les exploitations : La Chambre demande que tous les contrôles effectués dans les exploitations soient uniquement à caractère pédagogique et n’entraînent aucune pénalité financière pour quelque motif que ce soit. La Chambre demande également, comme l’a promis le Premier ministre, un moratoire sur l’application des contraintes, notamment en ce qui concerne les bassins d’alimentation de captages et les zones vulnérables, afin de retrouver un peu plus de sérénité dans l’exercice du métier.
• Directive nitrates : La Chambre remet en cause les préconisations du programme d’actions de la Directive nitrates, qui ne permet plus d’atteindre les taux de protéines requis. En effet, le travail avec du vivant impose de la souplesse et des capacités d’adaptation que les réglementations actuelles ne permettent plus. La Chambre demande à chaque acteur de l’établissement du programme d’actions de réfléchir à l’évolution de celui-ci afin de redonner des marges de manœuvre et d’atteindre
les objectifs de marché. L’entité consulaire retravaillera notamment les aspects minéralisation et effet précédent.