Le véritable casse-tête du maillage vétérinaire en Île-de-France
Une soirée dédiée au maillage vétérinaire en région Île-de-France s'est tenue jeudi 16 novembre à Paris.
Une soirée dédiée au maillage vétérinaire en région Île-de-France s'est tenue jeudi 16 novembre à Paris.
C'est une question récurrente depuis des années pour tous les élevages franciliens : comment et où trouver des vétérinaires disponibles et compétents pour soigner les animaux de ferme ? L'Île-de-France — pourtant bien dotée en cliniques vétérinaires — peine à trouver des professionnels prêts à faire de la rurale. Un état de fait qui pose trois enjeux majeurs relatifs à la question sanitaire, au maintien de l'élevage sur le territoire et au bien-être animal.
Main dans la main pour trouver des solutions
Dans ce contexte, le monde vétérinaire et le monde agricole, soutenus par la préfecture de région Île-de-France et par la Région Île-de-France, se sont rapprochés ces dernières années pour tenter de trouver des solutions pérennes. Un vaste diagnostic a d'abord été réalisé en 2022 (lire encadré) suivi de plusieurs réunions de travail au sein d'un comité de pilotage dédié.
Jeudi 16 novembre, le préfet de région Île-de-France, Marc Guillaume, recevait, à Paris, l'ensemble de ces acteurs pour une soirée de restitution et de réflexion autour de cet enjeu de maillage vétérinaire. « Sans vétérinaires, il n'y a pas d'élevage, a introduit Marc Guillaume. Les vétérinaires jouent un rôle essentiel dans la gestion des crises sanitaires, dans le lien avec les éleveurs, et leur présence sur le territoire constitue un enjeu économique majeur pour les filières élevage ».
À ses côtés, Christophe Hillairet, président de la chambre d'Agriculture de région Île-de-France — largement impliquée dans la démarche et co-organisatrice de la soirée —, a souligné les fragilités de l'Île-de-France en ce qui concerne la disponibilité de vétérinaires ruraux. « Nous sommes dans une région où la frontière entre urbain et rural est ténue et où le flux de personnes et de marchandises est tel qu'il engendre des risques sanitaires supérieurs à la moyenne, a insisté Christophe Hillairet. La chambre d'Agriculture cherche activement des solutions pour soutenir le tissu d'éleveurs franciliens. Deux projets majeurs sont en cours : l'acquisition d'un véhicule pour transporter les animaux vers Maisons-Alfort (Val-de-Marne) et de lunettes connectées afin de permettre aux vétérinaires qui seraient volontaires d'être guidés dans certains actes par des confrères plus aguerris ».
Des actes vétérinaires qui manquent de rentabilité
Durant cette soirée d'échanges, une table ronde, animée par Margaux Gelin, chargée de mission maillage vétérinaire à la chambre d'Agriculture, a réuni Yann Levrey, chef du service santé, protection animale et environnement à la DDPP du Val-d’Oise, Nicolas Miche, vétérinaire dans l'Essonne, Aurélie Cantie, jeune diplômée vétérinaire, Philippe Dufour, éleveur de bovins allaitants en Seine-et-Marne, Morgane Marot, de la ferme pédagogique d’Ecancourt, et Marine Denis, praticienne hospitalière à l'école vétérinaire de Maisons-Alfort. Le constat est multiple. D'un côté, les éleveurs manquent de vétérinaires disponibles, compétents et en capacité d'être réactifs sur le territoire en cas d'urgence. Les tarifs vétérinaires pratiqués ont également connu une forte hausse ces dernières années tandis que les prix de vente des carcasses n'ont, eux, que peu évolué. Les éleveurs pointent aussi du doigt des problèmes de disponibilité de médicaments. De l'autre, les vétérinaires peinent à répondre aux sollicitations, les élevages étant éparpillés dans un territoire francilien où les temps de déplacement sont souvent très importants, ce qui impacte directement la rentabilité des actes face à une activité vétérinaire canine en constante augmentation. Autre facteur aggravant : le vieillissement et le départ en retraite progressif des vétérinaires en capacité de prendre en charge les animaux de ferme.
Des mesures incitatives
Plusieurs pistes de travail ont été identifiées ce soir-là, dont le recours aux subventions pour couvrir les coûts de fonctionnement et d'intervention vétérinaires parfois très élevés, l'allègement des charges Urssaf ou le recours à d'autres compensations financières pour inciter les installations de vétérinaires ruraux en Île-de-France, ou encore la création d'une carte interactive qui recenserait les vétérinaires disponibles pour intervenir auprès des animaux de ferme. L'idée d'une contractualisation entre éleveurs et vétérinaires a également été évoquée afin de permettre à chacun d'avoir une visibilité financière sur l'année.
La Direction régionale et interdépartementale de l'alimentation, l'agriculture et la forêt (Driaaf) a proposé la réalisation d'une étude technico-économique pour envisager la faisabilité d'adosser une activité vétérinaire rurale à un cabinet de ville.
Plusieurs axes d'action identifiés
Le travail autour de l'enjeu du maillage vétérinaire doit se poursuivre autour de plusieurs axes identifiés :
- faciliter l'implantation et le développement de l'activité vétérinaire pouvant consulter les animaux de ferme ;
- mobiliser, former et accompagner les vétérinaires praticiens franciliens ;
- renforcer les capacités d'intervention de l'École nationale vétérinaire d'Alfort.
Élevage francilien : quel constat ?
En amont de ces réflexions, un large état des lieux a été dressé par la Direction régionale et interdépartementale de l'alimentation, l'agriculture et la forêt (Driaaf). Il en ressort ainsi qu'au cours de ces dix dernières années, le cheptel bovin francilien a chuté de 27 % et est concentré à 98 % sur les départements de Seine-et-Marne, Yvelines et Val-d'Oise. 41 % des détenteurs de bovins sont des professionnels.
Concernant les petits ruminants (ovins et caprins), leur présence sur le territoire connaît une croissance exponentielle : + 297 % en dix ans pour les ovins et + 283 % pour les caprins. Leur nombre de détenteurs a aussi explosé : + 144 % en dix ans. Seulement 10,6 % des détenteurs sont des professionnels.
L'étude indique que la tendance pour les années à venir semble être une stabilisation du nombre de bovins mais la poursuite de l'extension des cheptels de petits ruminants.
Les volailles et les ruchers sont aussi présents de façon croissante sur l'ensemble du territoire.