Interview
Arnaud Rousseau : « La FNSEA est un syndicat solide, aux racines profondes, avec une vision agricole qui porte la liberté d’entreprendre »
Alors que la période hivernale a été marquée par une mobilisation sans précédent, les exploitants agricoles ont le sentiment que peu de résultats sont visibles depuis leur cour de ferme. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, répond aux questions d’Horizons.
Alors que la période hivernale a été marquée par une mobilisation sans précédent, les exploitants agricoles ont le sentiment que peu de résultats sont visibles depuis leur cour de ferme. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, répond aux questions d’Horizons.
Horizons : Quatre mois après la fin des différentes actions menées par les agriculteurs, dont la colère s’est exprimée aux quatre coins de l’Hexagone, quel bilan faites-vous ?
Arnaud Rousseau : Il nous faut distinguer les mesures législatives de celles qui sont réglementaires. À la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale, tout ce qui relève du législatif est suspendu, y compris la Loi d’orientation et d’avenir agricoles sur laquelle le Sénat n’a pas commencé à débattre. Il faut attendre la nouvelle majorité pour savoir si ce sera « stop ou encore ». C’est le cas aussi pour la loi Egalim, le Certiphyto et tout ce qui a trait aux phytosanitaires.
Du côté réglementaire, notre mobilisation a abouti à la signature de différents décrets. Ainsi, l’un d’eux réduit de quatre à deux mois les délais pour faire un recours contre un projet de bâtiment d’élevage ou de réserve d’eau pour l’irrigation.
Après avoir obtenu le maintien de l’avantage fiscal sur le GNR pour le secteur agricole (qui devait disparaître progressivement à partir de 2024), l’application du tarif réduit pour les usages agricoles et forestiers en pied de facture entre en vigueur au 1er juillet. Les exploitants agricoles doivent remplir un formulaire afin de prouver leur activité agricole et n’auront plus à avancer la TICPE à chaque livraison, ce qui fera baisser mécaniquement le prix du litre de 20 centimes.
N’oublions pas la suppression des 4 % de jachères et l’augmentation du plafond de l’exonération des plus-values professionnelles.
Nous attendons dans les jours à venir des décrets sur la possibilité de créer une réserve d’eau sur une zone humide, et les élections Chambre. Par contre, nous n’avons toujours pas de mesures tangibles en faveur de la trésorerie et du contrôle administratif unique.
Si beaucoup de travail a été accompli d’un côté, le problème reste entier de l’autre quelle que soit la majorité. Les revendications portées et regroupées dans un fascicule édité par la FNSEA pour les élections européennes demeurent afin de reprendre les échanges avec les parlementaires et le gouvernement dès que possible. Actuellement, mes inquiétudes se portent vis-à-vis du volet européen alors que la France y est affaiblie. On ne parle plus d’Europe depuis le 9 juin à 20 h 45 alors que la plupart des sujets agricoles sont européens. Pourtant, tout se joue maintenant avec la répartition des sièges et fonctions clés pour les décisions agricoles et environnementales du mandat qui débute.
Je comprends l’agacement de certains quand les rendements s’annoncent en berne, les prix font le yoyo… Mais dans ce moment de fortes tensions, avoir un syndicat fort qui travaille avec tout le monde, sur une position constante et claire, prend tout son sens.
Une des demandes portait sur l’engagement de l’État à verser les aides, notamment en bio, dans les délais prévus et plusieurs fois reportés. La dernière date butoir était fixée au 15 juin. Où en est-on ?
Au niveau national, 60 à 70 % des aides bio et MAEC (Mesures agro-environnementales et climatiques) sont versés mais avec de fortes disparités au niveau du territoire. En Île-de-France, les versements sont avancés à hauteur de 90 %. C’est la preuve qu’en mettant la pression, on obtient des résultats. Une fois encore, le seul syndicat qui a agi pour trouver des solutions, c’est la FNSEA. Les derniers règlements devraient intervenir avant le 14 juillet mis à part quelques cas litigieux, ce qui reste inacceptable.
L’un des premiers chantiers ouverts concernait la simplification administrative qui a mobilisé les responsables syndicaux FDSEA et JA à tous les échelons. Qu’en ressort-il ?
Le GNR en est le parfait exemple. Un seul formulaire permettra d’avoir accès au tarif réduit, sans avance de trésorerie pour le droit d’accise.
Concernant le zonage environnemental, les travaux sont en cours, en particulier sur les dates. Il est inconcevable de gérer une exploitation où l'on travaille avec la nature, avec des dates fixes. Par exemple, nous avons obtenu qu’un agriculteur qui n’a pas pu ensemencer sa parcelle au 31 mai ne soit pas pénalisé. Mais nous avons une ambition plus forte.
Sur le contrôle unique, aucune base n’est encore validée.
Moyens de production, pas d’interdiction sans solution, recherche, font partie des enjeux forts en grandes cultures. Dans la plaine, les agriculteurs ont l’impression que rien n’avance. Une marche arrière n’est-elle pas à craindre ?
Tout dépendra du programme de la majorité au pouvoir. À ce jour, certains partis ne se sont pas positionnés sur les sujets agricoles. À la FNSEA, nous continuerons de porter le « pas d’interdiction sans solution » avec l’idée que tout ce qui est autorisé en Europe le soit en France. Au niveau de la recherche, le Parsada (plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives pour la protection des cultures), doté d’un budget de 175 millions d’euros, est lancé, mais plusieurs années sont nécessaires pour obtenir des résultats. Le combat est aussi au niveau européen sur ces sujets.
Dans l’incertitude politique actuelle, comment se positionne la FNSEA ?
La FNSEA n’est pas un parti politique et se garde de toute consigne de vote. Elle porte des propositions diffusées dans le cadre des élections européennes.
Nous sommes conscients du besoin de marchés à l’export, comme pour le blé par exemple, mais une forte protection est nécessaire pour les productions plus fragiles.
Tout au long de ces deux semaines, nous continuons à tous nous mobiliser. Des rencontres entre agriculteurs et les candidats de tous bords sont organisées.
Beaucoup de candidats sont parachutés, quel que soit le parti, ce qui interroge car l’agriculture est liée à un territoire.
Dans ces moments de grandes incertitudes, la FNSEA est un syndicat solide, aux racines profondes, avec une vision agricole qui porte la liberté d’entreprendre. Notre mission est de continuer à porter cette vision quelle que soit l’alternance politique.