Syndicalisme
La FNSEA 28 dresse un premier bilan des actions en assemblée générale
La 78e assemblée générale de la FNSEA d'Eure-et-Loir s'est déroulée le 9 février à Chartres. L'occasion de faire le point sur les résultats obtenus après le blocage de la capitale.
La 78e assemblée générale de la FNSEA d'Eure-et-Loir s'est déroulée le 9 février à Chartres. L'occasion de faire le point sur les résultats obtenus après le blocage de la capitale.
C'est tout auréolée des avancées obtenues ces derniers jours sur le bitume que la FNSEA d'Eure-et-Loir se présente devant ses adhérents, vendredi 9 février à Chartres pour sa 78e assemblée générale annuelle.
Un peu d'histoire
L'après-midi s'ouvre la partie publique de ses travaux. Dans une salle Mathurin-Régnier de la chambre d'Agriculture particulièrement bien garnie, son président, Bertrand Petit, tient d'abord à apporter une précision : « Beaucoup se sont posé des questions : pourquoi avoir manifesté à Saint-Arnoult, à Dourdan ou à Briis-sous-Forges ? En fait en 1917, a été créé le Syndicat agricole de la région de Paris qui comptait l'Eure-et-Loir. C'est devenu la FNSEA Grand bassin parisien, qui regroupe aujourd'hui treize départements. Ça fait donc un bon nombre d'années que nous en sommes. Et ce qui fait notre force quand il s'agit de bloquer Paris. Il suffit d'un appel du président, Damien Greffin, pour que tout le monde s'aligne ».
Ce regroupement, créé pour défendre l'agriculture et l'élevage de plaine, a un atout de taille : « Vous savez que pour que les médias viennent, il faut toucher Paris, relève Bertrand Petit. C'est pour ça que le Grand bassin parisien fait des manifestations. La première l'an dernier, a été faite sur les Invalides à Paris, là vous êtes écoutés. Mais ce qui a été exceptionnel cette fois, c'est la durée. Cela a obligé les journalistes à rentrer dans notre métier, à étudier ce que l'on fait ».
« Pas de trêve »
Cette précision apportée, le président invite le géopolitologue Pierre Blanc à intervenir sur la géopolitique agricole actuelle (lire ci-dessous). Cependant, celui que les adhérents attendent, c'est le vice-président de la FNSEA, Luc Smessaert, qui va décrypter point par point, une heure durant, les dernières annonces du Premier ministre.
« Huit jours après la suspension des actions, je peux vous affirmer qu'il n'y a jamais eu de trêve. Nous sommes au travail, dans le dur, pour transformer toutes ces paroles en actes, en choses concrètes sur le terrain. Nous sommes sur une action inédite, historique, juge Luc Smessaert. C'est unique de voir autant de gens mobilisés. On sortait d'années qui n'étaient pas les plus dures, mais ce mal-être, cette situation d'overdose réglementaire, montraient que quelque chose n'allait pas ».
Il fallait une étincelle
Il relève que d'avoir retourné les panneaux n'a pas suffi à alerter le gouvernement… « alors que des maires nous ont tout de suite soutenus fortement et que nombreux sont ceux qui se reconnaissaient dans nos slogans. Derrière, il ne fallait pas grand-chose, une étincelle, pour que ça explose. Des actions qui démarrent d'Occitanie, un Jérôme Bayle qui pousse, et on part. Ça n'a pas été simple au début mais il n'y a rien de tel que la FNSEA et JA pour porter et structurer un mouvement ».
C'est ainsi qu'au plus haut du mouvement, plus de 80 000 agriculteurs et 56 000 tracteurs sont mobilisés. « Le premier travail du réseau a été de recenser. Il y avait des mesures d'urgence et des mesures de fond. Tout un travail pour remonter les revendications du terrain. Nous sommes arrivés à une liste de 120 revendications ».
« Après les premières annonces, le vendredi soir, on trouve qu'il n'y a pas de réponses sur le fond. S'ensuivent énormément de travail de bureau, de conseils d'administration, de conseil général avec tous les départements et trois réunions entre le Premier ministre et Arnaud Rousseau et Arnaud Gaillot (les présidents respectifs de la FNSEA et de JA, NDLR), parfois jusque tard dans la nuit. Après la deuxième série d'annonces, la décision est prise, pas simple, de suspendre mais surtout en mettant des cliquets », précise Luc Smessaert.
« Notre volonté de changer le logiciel a été exprimée dès le départ. On voit bien, au bout d'une semaine, que ce n'est pas simple. Dans l'administration, il y a du boulot. Tout le monde est habitué à ce logiciel, on reste dans les habitudes d'avant. C'est compliqué quand on sort de manifestations comme ça, il y a du temps court, du temps long. Il faut passer par la loi parfois et le temps européen est encore plus long… », admet le vice-président de la FNSEA.
Ça démarre du département
Luc Smessaert égrène ensuite chaque point des annonces de Gabriel Attal. Sur le volet de la simplification, il note qu'« il y a un gros gros travail à faire, et nous avons tous notre rôle, affirme-t-il. Chacun a sans doute deux ou trois idées de simplification. Ça démarre du département sous le contrôle du préfet. Nous avons plein de choses à dire. Et quand on commence à lister, c'est là que l'on s'aperçoit que l'on a marché sur la tête pendant très longtemps… ».
« Il faut que tout ça remonte et qu'au Salon de l'agriculture on ait les premières annonces, demande le responsable syndical. On veut que ces choses-là changent et qu'on ne se lève pas tous les matins avec cette chape de plomb de se dire que l'on est hors la loi quoi qu'il arrive. Ce n'est pas tenable et on finit par péter les plombs ».
Luc Smessaert passe en revue les mesures annoncées sur les conflits de voisinage, la loi Egalim, l'élevage, les produits phytosanitaires, les ZNT, l'environnement ou les chantiers à lancer : sur les zones humides, sur l'articulation des zonages environnementaux, sur la protection du foncier agricole…
« Le travail à faire maintenant, c'est de l'expliquer à chaque agriculteur sur le terrain. La détermination est forte de tenir point par point. Redonner du sens et du bien-être était indispensable. Mais le combat est loin d'être gagné, nous aurons besoin de tous ».
Sans état d'âme
À la suite de son propos, la parole a pu s'exprimer tous azimuts : « Et s'il ne se passe rien d'ici le Salon de l'agriculture ? », lance un agriculteur à la fin. « On ressort, lui répond le président de la Chambre, Éric Thirouin. Très clairement. Moi je vous dis : tenez-vous prêts. À l'heure où je parle, il y a de belles paroles, des engagements ont été pris au plus haut niveau, mais la déclinaison n'est pas simple avec les services. Donc, s'il y a besoin, il faudra que l'on ressorte. Nous n'aurons aucun état d'âme. Nous ne lâcherons rien. Ce qui a été annoncé doit être fait, point barre ».
« Nous ne sommes plus dans le discours de nourrir le monde »
L'assemblée générale de la FNSEA d'Eure-et-Loir a été l'occasion d'une intervention du géopolitologue Pierre Blanc, sur la géopolitique des agricultures dans le monde. « Les géopolitiques agraires sont souvent un angle mort des analyses », prévient-il. Alors que selon lui, à travers l'alimentation, l'agriculture est vecteur de puissance par la capacité d'un État à peser ou à ne pas trop dépendre.
Il pointe ainsi par exemple que les États-Unis se sont imposés par l'agriculture en la plaçant en tête de son agenda géopolitique. Que la Russie est redevenue puissante quand, en arrivant, Poutine a réinvesti dans le militaire et l'alimentaire. Ils visent à peser. Quant à la Chine, elle fait de l'agriculture une grande priorité nationale avec comme stratégie de ne pas trop dépendre des autres.
Dans un second temps, Pierre Blanc revient sur la guerre russo-ukrainienne : « Nous avons craint une crise importante. Un ouragan de famine, avait prédit le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres. Mais la solution des exportations ukrainiennes se fait à travers l'Europe, avec les incidences négatives que l'on connaît, et la Russie se fait forte aujourd'hui d'annoncer là où elle le souhaite qu'elle apporte son aide gratuite, se drapant dans un discours cynique de bienfaitrice de l'humanité ».
Enfin, l'intervenant aborde le sujet de l'Europe, à l'aune de ce qu'il vient d'expliquer. Il se demande si l'Europe peut devenir une puissance agro-climatique et répond que oui. « L'Europe doit garder sa vocation productive. Mais nous ne sommes plus dans le discours de nourrir le monde. Nos débouchés sont principalement en Europe. Mais un autre élément de la puissance monte, c'est la question climatique. Le moment est venu de la puissance pour le climat. Nourrir et assurer la transition, c'est vital. L'Europe est à la pointe. On n'opposera pas agriculture et changement climatique, vous êtes des porteurs de solutions. Mais nous n'avons pas le choix, c'est le chemin ».
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